Le projet de loi de révision constitutionnelle revient mollement à l'ordre du jour de l'exécutif. La Garde des sceaux, Nicole Belloubet, a présenté mercredi 28 août en Conseil des ministres une nouvelle version du texte après la suspension de la discussion du projet initial au cœur de l'été 2018.
La nouvelle version marque une régression en ce qui concerne l'inscription de l'environnement dans la Constitution. L'article premier du projet de loi prévoit en effet que "la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité". L'usage du verbe "favoriser" n'est pas neutre alors que la version votée par l'Assemblée nationale le 13 juillet 2018 avait retenu le verbe "agir". Entre-temps, le Conseil d'Etat est passé par là. "L'affirmation d'un principe d'action imposerait une obligation d'agir à l'Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d'avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d'inaction", ont prévenu les conseillers d'Etat dans leur avis sur le projet de texte, révélé par le journaliste Pierre Januel. La responsabilité de l'Etat est effectivement de plus en plus recherchée, en particulier concernant les changements climatiques et la pollution de l'air.
"Le Conseil d'Etat invite ici l'Etat à ne pas trop s'engager sur l'environnement et le gouvernement à préférer une phrase creuse", réagit l'avocat Arnaud Gossement. Le principe même de l'inscription du climat et de la biodiversité dans l'article premier de la Constitution est sujet à débat. "Quand la réforme sera adoptée, la France sera l'un des premiers pays au monde à inscrire dans son droit fondamental deux enjeux prioritaires du 21e siècle", se félicitait Nicolas Hulot en juillet 2018. Beaucoup de juristes considèrent au contraire qu'une telle réforme est purement symbolique, la Charte de l'environnement de 2004 faisant déjà partie du bloc de constitutionnalité.
Le projet de loi constitutionnelle, tout comme les projets de lois organique et ordinaire présentés simultanément par le ministre de l'Intérieur, ne sont pas inscrits à l'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement qui s'ouvre le 10 septembre. Le gouvernement attend la fenêtre de tir qui lui permettra d'emporter l'adhésion du Sénat, celle-ci étant nécessaire pour faire adopter l'ensemble de la réforme.