Créée en 2003 pour assurer l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire français, la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ne permet pas aujourd'hui de couvrir l'ensemble des coûts liés aux actions mises en œuvre pour garantir le droit à l'électricité. En effet, acquittée par le consommateur, elle est censée compenser les surcoûts liés au soutien aux énergies renouvelables, aux surcoûts de production en zone non interconnectée (péréquation tarifaire) et aux tarifs sociaux de l'électricité. Or, dans un rapport publié en 2011, la Cour des comptes soulignait que depuis 2009, la hausse des charges dépasse le montant collecté. Résultat : un déficit pour EDF (17505), chargé d'assurer cette mission de service public, de près de 5 milliards d'euros fin 2013 .
Aujourd'hui, la nécessité de réformer la CSPE fait consensus. Plusieurs dispositions, préconisées notamment par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), ont été adoptées dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, afin de limiter les charges couvertes par la CSPE.
Lors des débats parlementaires sur la transition énergétique, des députés socialistes ont également proposé une extension de l'assiette de la CSPE. Si cet amendement a finalement été retiré, Ségolène Royal a salué le travail réalisé par ces élus et estimé qu'il "pourrait servir de base à une réflexion approfondie sur une réforme de la CSPE". Un avis partagé par le rapporteur Denis Baupin (EELV, Paris) qui a cependant insisté : "Cela ne veut pas dire qu'il faut repousser ad vitam aeternam cette réforme". Finalement, sur proposition du président de la commission spéciale, François Brottes, il a été convenu que les réflexions se poursuivraient dans le cadre de la commission d'enquête sur les coûts de l'électricité, lancée le 1er octobre, dont les travaux devraient s'achever au plus tard fin mars 2015.
Des dispositions pour limiter les charges de la CSPE
"Entre 2003 et 2014, les charges de service public de l'électricité ont été multipliées par quatre, représentant un cumul de 30 Mds€ sur cette période", indiquait Philippe de Ladoucette, président de la CRE, lors de son audition devant la commission d'enquête sur les coûts de l'électricité, le 15 octobre. Elles devraient atteindre 100 Mds€ sur la période 2014-2025 dans un "scénario très conservateur". S'y ajouteront le budget du médiateur de l'énergie et les primes versées aux opérateurs d'effacement.
Dans son rapport publié en octobre, la CRE préconise donc de maîtriser les charges. Il s'agit d'abord de revoir les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, afin de limiter les coûts : mise en place d'un complément de rémunération en lieu et place du tarif d'achat, ajustement de la durée des contrats d'achat à la durée de vie des installations, renforcement des contrôles et des sanctions. Ces évolutions ont été inscrites dans le projet de loi sur la transition énergétique.
Sur la péréquation tarifaire, les préconisations de la CRE ont également été retenues dans le projet de loi : mise en place d'un outil de planification des investissements dans les moyens de production ou de maîtrise de la demande d'électricité, précisant les projets qui doivent, ou non, être financés par la CSPE dans les zones non interconnectées (ZNI).
Pour les coûts liés aux dispositions sociales, la CRE préconisait de remplacer les tarifs sociaux de l'énergie par des chèques énergie, ce que prévoit aussi le texte sur la transition énergétique.
L'ensemble de ces dispositions devraient permettre de limiter, voire de réduire, les charges de CSPE à l'avenir. Mais il est difficile d'en connaître l'impact, note la CRE. De plus, de nombreuses dépenses ont déjà été engagées : "Le poids du passé est prépondérant dans les charges [à venir]", souligne Philippe de Ladoucette. En 2025, près de 40 milliards de charges cumulées seront liées aux contrats d'achat d'EnR conclus avant 2013, 19 milliards d'euros aux installations actuellement en service et aux décisions d'investissement déjà prises dans les ZNI…
C'est pourquoi de nombreux observateurs proposent de revoir la base même de cette contribution.
Faire payer les utilisateurs de toutes les énergies
Des députés socialistes ont déposé, lors des travaux en commission et en séance plénière, un amendement proposant "une réforme de fonds" de la CSPE, qui deviendrait une "contribution au service public de l'énergie". Gérée par la Caisse des dépôts, cette nouvelle contribution serait élargie aux énergies de chauffage. "Il s'agit en particulier de faire contribuer les énergies actuellement exemptées de tout effort en la matière, soit les énergies fossiles de chauffage (gaz naturel, fioul, GPL), et de rééquilibrer le soutien public aux énergies renouvelables", souligne l'exposé des motifs.
Concrètement, il s'agit de faire fusionner trois contributions existantes : la CSPE, son équivalent pour le gaz (CTSS) et la contribution biométhane, et d'étendre cette contribution aux énergies de chauffage (gaz naturel, GPL, fioul domestique et réseaux de chaleur). "L'assiette de la CSPE actuelle est ainsi plus que triplée".
Mais avec quel impact sur les consommateurs ? En 2015, "à droit constant", les taxes et contributions représenteraient 36% de la facture de chauffage électrique d'un ménage, "soit 556 € pour une facture de 1.500 € TTC au chauffage électrique, dont 235 € TTC de CSPE". Or, "contribution climat énergie comprise", les taxes et contributions représenteraient 23% de la facture de gaz naturel, 26% pour le fioul domestique et 17% pour le GPL.
La nouvelle CSPE permettrait donc une meilleure répartition des charges entre les consommateurs. Dans l'hypothèse d'un taux unitaire en €/MWh identique pour toutes les énergies et des charges évaluées à 7,1 Mds €, "la facture annuelle d'un consommateur au chauffage électrique baisserait de 10% environ (-140 € TTC), alors que celle d'un consommateur se chauffant au gaz augmenterait de l'ordre de 10 % pour le gaz naturel (+140 € environ), et le fioul (+180 €)". Cependant, la facture d'électricité des ménages ne se chauffant pas grâce au courant baisserait de 9%, compensant ainsi en partie la hausse de facture de chauffage.
Cet élargissement de l'assiette éviterait de faire peser le service public de l'électricité sur les seuls consommateurs d'électricité. "Il s'agit de faire payer les utilisateurs d'autres énergies que l'électricité pour financer l'ensemble des actions prévues au travers de cette contribution. Cela assurerait une égalité de traitement entre l'ensemble des utilisateurs des énergies", estime le député Jean-Luc Laurent (PS, Val-de-Marne), qui a défendu l'amendement lors des travaux parlementaires.