
La Politique Agricole Commune reçoit énormément de critiques. On parle souvent de disproportion entre les sommes allouées et le nombre de personnes subventionnées. C'est vrai, mais là n'est pas l'essentiel. La PAC peut offrir un cadre de régulation favorable à l'environnement, à la qualité des produits et au maintien de la ruralité. Dans l'idéal, il s'agirait de l'instrument institutionnel de la souveraineté alimentaire du continent. A condition que la PAC demeure une politique de cohésion européenne, c'est-à-dire de solidarité entre les états et les régions. Le défi de cette grande politique européenne est de réussir à allier sécurité alimentaire, qualité environnementale et développement de l'agriculture paysanne. Aux vues des dispositions engagées, nous sommes loin du tournant nécessaire.
Nous aurions préféré une PAC plus axée sur la préservation des ressources naturelles, une agriculture de proximité qui valorise les milieux ruraux sur tout le territoire. La future PAC devrait accorder plus de place à l'alimentation de proximité, en soutenant par exemple les initiatives locales telles que les associations de maintien de l'agriculture paysanne (AMAP), qui permettent aux consommateurs de choisir le type d'agriculture qu'ils souhaitent pour leur fournir une alimentaire saine et sûre. La priorité environnementale affichée autrefois par ce gouvernement semble en perte de vitesse. On ne sait toujours pas quand aura lieu la 2ème lecture à l'Assemblée du Grenelle de l'environnement, initialisé durant l'été 2007. Encore moins du Grenelle 2, renvoyé en octobre au mieux et qui était sensé définir toutes les mesures techniques…
On constate les moyens dérisoires de ce bilan de santé. Sur le papier, on retrouve les mots magiques d'une communication ministérielle proche du marketing : « développement durable », « agriculture durable », « productions durables ». On peut relever les mots « biodiversité », « gestion de l'eau », « performance énergétique ». Il est bon que ces questions soient abordées. J'apprécie que le ministre ait eu le souci de les intégrer dans son fascicule de présentation. Néanmoins, il est très dommage de voir que les montants destinés à l'agriculture biologique demeurent insuffisants face aux enjeux et aussi face aux objectifs du Grenelle.
Notre engagement écologiste nous conduit à vouloir une PAC « agro-écolo », c'est-à-dire avec un esprit différent, qui transcende la logique libérale de cette politique européenne. Après un demi-siècle de course au productivisme agricole, les conséquences négatives sont nombreuses : monoculture céréalière dopée aux engrais chimiques, sols fragilisés, surconsommation d'eau pour une irrigation massive, effets sanitaires négatifs des pesticides.
Le 17 mars dernier, la Commission européenne a annoncé vouloir envoyer ses fonctionnaires en charge des questions agricoles faire des stages obligatoires à la campagne pour se faire une meilleure idée des réalités de terrain. Ce programme de stage dans les champs est intitulé « Expérience de la moisson » a pour but d'acquérir une meilleure compréhension des défis auquel le secteur agricole est confronté. Il serait bon que le cabinet ministériel de Monsieur Barnier s'inscrive à ce programme de formation. Car il nous faut changer de modèle agricole. Ce bilan de santé de la PAC porte bien mal son nom dans la mesure où il ne permet pas une réelle mutation des pratiques. L'agriculture industrielle n'est compétitive économiquement que parce qu'elle est sous perfusion des subventions publiques. La PAC devrait tourner la page du productivisme agricole et commencer à écrire celle de la durabilité et de la diversité.
Yves COCHET
Mathématicien, ancien Ministre de l'Environnement, Député de la 11e circonscription de Paris.
Les Chroniques de Corinne Lepage et Yves Cochet sont publiées tous les mois et en alternance, sur Actu-Environnement.