
Si plus de 255 millions de tonnes de marchandises sont transportées dans la région chaque année, 90% de ces flux se font par voie routière (4% ferroviaire et 6% fluvial), selon Diana Diziain, chargée de mission ''Fret'' au Conseil régional d'Ile-de-France. La plupart de ces flux ont un point de départ et/ou d'arrivée en milieu urbain (voire les deux). Mais la dernière étape de la chaîne de livraison, ce qu'on appelle le ''dernier kilomètre'' reste ''quasi exclusivement routier''.
Avec le développement du commerce de proximité en centre ville, organiser les flux de livraisons urbaines ''moins polluants'' est ''un enjeu majeur'' pour les élus, les transporteurs et les distributeurs.
Des solutions ''pour livrer propre''
Dès 2003, certaines enseignes de la grande distribution ont opté dans la capitale pour des camions roulant au Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) et équipés de dispositifs anti-bruit. Des véhicules qui restent ''moins bruyants et moins polluants que les véhicules diesel''. On peut citer les groupes Carrefour (enseignes Carrefour et Ooshop) et Monoprix (enseignes Monoprix et Monop') avec les véhicules 19 tonnes de leurs transporteurs respectifs TNT et Geodis mais aussi les véhicules de 3,5 tonnes de l'opérateur Starts'services pour des livraisons à domicile.
Depuis 2007, le Groupe Monoprix assure l'acheminement des denrées pour ses enseignes parisiennes par voie ferrée, en provenance des entrepôts situés en Seine-et-Marne jusqu'à la Gare de Bercy. Ce dispositif permet de réduire chaque année de 10.000 le nombre de camions entrant dans la capitale. Soit une réduction d'environ 280 tonnes par an d'émissions de CO2 et de 19 tonnes par an des émissions d'oxydes d'azote (NOx). ''Le dernier kilomètre'' vers les magasins parisiens au cœur de la ville reste néanmoins effectué par les camions GNV en mode routier.
Améliorer le transport routier
Les solutions alternatives à la route sont ''encore marginales'', rappelle Serge Méry, vice-président de la région Ile-de-France, chargé des transports et de la circulation. D'où ''la nécessité d'améliorer le transport routier pour qu'il soit moins émissif''.
''L'action sur le dernier kilomètre consiste moins en des investissements d'infrastructures qu'en des outils d'optimisation des organisations logistiques (tournées, positionnement des points de rupture de charge…)'', souligne le Conseil régional. ''Quand on optimise une tournée, on raccourcit le parcours donc on économise à la fois du temps, du carburant et l'on émet moins de CO2''. L'objectif est donc ''d'optimiser l'espace public et de réduire la congestion par une meilleure répartition des flux dans le temps'' tout en réduisant les émissions de GES et le bruit en ville.
Si le transport de marchandises représente 40% des émissions du secteur en France, rappelons que depuis 1990, les émissions polluantes des poids lourds (NOx, CO,..) sont encadrées par des normes européennes de plus en plus exigeantes qui ont permis de réduire ces émissions de l'ordre de 70%. L'introduction de nouvelles normes notamment la norme EURO V, effective depuis octobre dernier, devrait permettre une baisse supplémentaire de 80% des émissions de particules et de 30% pour les autres polluants... en attendant la norme EURO VI en 2014.
Mais réduire les nuisances sonores liées au trafic routier implique un travail sur les équipements (moteur, échappement, aérodynamique, roulement…) et sur les revêtements et les protections anti-bruit. Parmi les programmes de recherche initiés par le Predit 3, le projet LUT (low noise urban truck) et P2RN (prévision et propagation du bruit de roulement) concernaient ces différents aspects.
Des expérimentations ont déjà été menées dans la région pour ''livrer propre''. Aussi, parmi les solutions techniques récentes existantes figurent : le déploiement de flotte de camions ou camionnettes aux normes Euro IV et V, l'utilisation de revêtements amortisseurs de bruit à l'intérieur des camion de trans-palettes moins bruyants, ou de camions à deux niveaux, le développement de centres de consolidation multi-fournisseurs mais aussi celui de revêtements de voirie ''très performants'' au point de vue sonore, explique Didier Thibaud, directeur de la chaîne logistique de Carrefour et président du Club Demeter, une organisation de professionnels du transport et de la logistique engagés dans le développement durable. ''La formation des chauffeurs-livreurs est nécessaire pour utiliser au mieux ces avancées techniques''.
Ainsi, Carrefour s'est notamment engagé à déployer au premier trimestre 2010 une flotte de 30 camions silencieux labellisés aux normes de bruit PIEK émettant moins de 60 décibels, soit ''une diminution par 3 du niveau de bruit constaté lors du déchargement d'un camion classique''. Ces camions approvisionneront une centaine de magasins du distributeur sur Paris et sa région et en métropole Lilloise.
Autre mesure visant à optimiser les livraisons ''douces'', celles effectuées notamment la nuit pendant laquelle la circulation est plus fluide. Le Conseil régional d'Ile-de-France a annoncé le 27 janvier le lancement d'expérimentations de livraisons nocturnes sur plusieurs filières afin de suivre des indicateurs économiques et environnementaux et contribuer aux travaux déjà menés par l'ADEME en 2007 et 2008 sur la filière librairie, la Ville de Paris avec Carrefour et Casino et l'Ecole des Mines (Franprix).
Expérimentations de livraisons nocturnes chez McDonald's et Casino
Deux expérimentations seront ainsi organisées du 1er au 15 février. La première sera menée par le logisticien LR Services qui livrera les restaurants parisiens de McDonald's situés dans Paris (Alésia, Denfert-Rochereau et Hôtel-de-Ville) vers 1h et 4h avec un semi-remorque à trois essieux répondant à la norme anti-bruit Piek et un chariot assistance électrique normé Piek.
La seconde expérience sera quant à elle réalisée par la chaîne de supermarchés Casino dans cinq de ses magasins parisiens (trois dans le 15e et deux dans le 12e) et un autre à Suresnes (92). Les livraisons y auront lieu entre 20h30 et 21h30 au lieu de 7h à 7h30 avec un porteur de 26 t et quatre semi-remorques (camions tous normés Piek et multi-températures). Particularité de ces livraisons : ''elles entraîneront un changement d'organisation en se faisant en présence du personnel et en étant aussitôt suivies de la mise en rayon des produits'', souligne le Conseil régional. Cémafroid, groupement spécialisé dans la certification Piek, étudiera les impacts de chacune des deux expérimentations sur les plans environnemental, économique et organisationnel.
En février et mars 2009, deux pilotes de livraisons nocturnes effectuées dans Paris, la nuit (entre 22h et 7h du matin), avaient déjà été menés dans un supermarché Champion (groupe Carrefour) à Paris 15e et quatre magasins Casino (Ménilmontant, Nation, Flandres, Pantin). Selon le Club Demeter, un certain nombre de travaux d'aménagement (disponibilités garanties des aires de livraison, équipements magasins, accès véhicules), en plus de l'utilisation d'un camion silencieux (à la norme Piek), aurait néanmoins représenté ''un surcoût de 6 à 10% par rapport à un véhicule classique''.
Des modes alternatifs possibles sur les trajets terminaux
Globalement, si les modes alternatifs ne sont pas ''significatifs sur les trajets terminaux'', ils existent comme le montrent par exemple des services de logistique urbaine fluviale : livraison par bateau de colis (DHL) et de boissons (bateau River Hopper de VosLogistics) à Amsterdam. Il existe également des livraisons à vélo à Paris ou à Lyon. En janvier 2001, la société La Petite Reine a notamment lancé dans la capitale les premiers vélos triporteurs à assistance électrique au pédalage destinés aux livraisons terminales.
Autre initiative : des fourgonnettes tout électriques du transporteur Deret, dotées de batteries lithium-ion phosphate et bénéficiant d'une autonomie de 100 km. Depuis fin novembre 2009, 70 magasins Sephora sont livrés par ces véhicules électriques. L'enseigne de cosmétique prévoit d'élargir le dispositif à 150 magasins, sur un total de 250 en France, d'ici fin janvier.