Dans leurs exercices de planification énergétique, les Régions affichent de fortes ambitions pour le développement de la méthanisation et de l'hydrogène. Le défi : mettre en place les filières en amont et en aval.
En tant que chefs de file de la Transition énergétique, les Régions doivent mener des exercices de planification énergétique, dans le cadre des schémas d'aménagement et de développement durable (Sraddet). L'occasion d'identifier les gisements et les potentiels en énergies renouvelables de chaque territoire, mais aussi les besoins en infrastructures et la mise en adéquation de l'offre et de la demande.
Les premiers Sraddet ont été adoptés fin 2019. Et, dans ce cadre, nombreuses sont les Régions qui misent sur une accélération de la méthanisation, un déploiement de l'hydrogène, voire de la pyrogazéification. Elles sont souvent plus ambitieuses que l'échelon national.
Si les collectivités sont aujourd'hui moteurs dans le développement du gaz renouvelable, c'est qu'elles y voient des opportunités de mobiliser les ressources locales dans une logique d'économie circulaire, et de participer, ainsi, au développement économique des territoires, notamment ruraux.
Nouvelle-Aquitaine : un scénario 100 % gaz vert
C'est justement en réaction aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) que la Nouvelle-Aquitaine a, en parallèle de l'élaboration de son Sraddet, réalisé un exercice de prospective 100 % gaz vert en 2050, sur le modèle de l'étude nationale de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie aujourd'hui Agence de la transition écologique) de 2017. L'objectif était de pousser les curseurs au maximum afin d'identifier les potentiels de chaque territoire. « On a tiqué sur la place donnée au gaz dans la PPE. On peut être plus ambitieux que ces documents de planification nationaux, en s'appuyant sur les potentiels des territoires », expliquait Françoise Coutant, vice-présidente du conseil régional, lors de la présentation de ce scénario en janvier. « Nous sommes la première région agricole ; nous avons donc un fort potentiel pour la méthanisation. Nous pourrions même être une région exportatrice ». Le potentiel technique de la méthanisation en Nouvelle-Aquitaine représente en effet 14 % du potentiel national.
Le territoire veut miser sur ces richesses, mais sans tout miser sur le gaz : le Sraddet prévoit d'atteindre 45 % d'énergies renouvelables en 2030, dont 30 % de gaz vert ; contre 1 à 1,5 % aujourd'hui.
Dans le scénario 100 % gaz vert, 830 unités de production de gaz renouvelable seraient déployées sur l'ensemble de la région en 2050, dont 730 unités de méthanisation, 67 de pyrogazéification et 35 de power-to-gas. « Les densités, les productions et les technologies seront différentes selon les territoires », explique Françoise Coutant.
L'exercice permet d'identifier le rythme de déploiement nécessaire (45 unités de méthanisation maximum par an pour atteindre 100 % de gaz renouvelable), mais aussi les ressources à mobiliser. La Région mise notamment sur les cultures intermédiaires (CIVE) pour alimenter les méthaniseurs. Celles-ci pourraient représenter jusqu'à 30 % de la production de biogaz en 2030.
Cet exercice de prospective permet ainsi d'anticiper le recours à ces cultures et de créer les conditions d'un développement durable. La Région travaille avec les chambres d'agriculture et l'association France nature environnement (FNE) à la définition de critères d'encadrement des CIVE. Des suivis environnementaux et agronomiques sont notamment prévus.
Pays de la Loire : mailler le territoire et développer les usages mobilité

Les sites d'injections et Stations GNV/Bio GNV opérationnels en Pays de la Loire
Le Pays de la Loire a également des objectifs ambitieux pour la méthanisation, en s'appuyant sur la forte présence de l'élevage sur ses territoires. La Région souhaite couvrir 30 % de sa consommation de gaz en biogaz d'ici 2030. Pour y parvenir, elle soutient l'installation de méthaniseurs et planche sur le développement des infrastructures et des usages.
La Région a ainsi réalisé, dès 2016, avec les gestionnaires de réseau GRTgaz, GrDF ainsi que l'Ademe, une étude sur l'opportunité de créer un réseau de stations publiques d'avitaillement au gaz naturel et au bioGNV. En analysant les données de trafic de personnes et de marchandises, en interrogeant les acteurs, cette étude a permis d'identifier les zones de développement des futures stations et de fixer un calendrier : implantation de 19 stations publiques d'avitaillement à l'horizon 2020 et de 86 stations à horizon 2030. Si ce calendrier a pris un peu de retard (une dizaine de stations aujourd'hui), la dynamique est lancée.
En parallèle, une étude sur le potentiel de développement de lignes d'autocars au GNV a été réalisée avec la Fédération nationale du transport de voyageur (FNTV). Elle s'est concrétisée par la mise en circulation de trois cars interurbains roulant au GNV.
Enfin, la Région a lancé, en partenariat avec la société d'économie mixte (SEM) Sydela Énergie 44, une expérimentation pour accompagner les transporteurs de marchandises dans l'acquisition de véhicules GNV. Une aide forfaitaire de 10 000 € est versée par véhicule ; 80 000 € ont déjà été engagés.
Auvergne Rhône-Alpes : premier territoire à hydrogène en Europe en 2050 ?
L'enjeu de la planification, exemple dans le Grand Est
Au-delà des ambitions, affichées, les Régions, en tant que chefs de file de la transition énergétique, ont un rôle à jouer pour faire coïncider l'offre et la demande. En évaluant les ressources disponibles, mais aussi les besoins à moyen et long termes, en travaillant sur le développement des usages et des infrastructures, en parallèle de l'augmentation de la capacité de production. Le projet de station de recharge hydrogène FaHyence, à Sarreguemines (Moselle), en est une bonne illustration. Installée en 2017, il s'agit d'une première en France. Elle a permis de valider une brique technologique pour la filière hydrogène et les conditions de sécurité pour la production locale et l'avitaillement. Mais ce projet a également montré que, sans écosystème hydrogène autour, il n'y a pas de viabilité économique. Difficile en effet de convaincre particuliers et professionnels de se doter de véhicules à hydrogène sans spécialistes de ces véhicules dans les environs (garagistes…). À l'heure actuelle, malgré une capacité quotidienne de production de 40 kg, seuls 2 kg sont distribués en moyenne par jour. De nouveaux débouchés doivent être trouvés et des ponts créés avec les autres projets développés à l'échelle départementale et régionale. La Région Grand Est prévoit justement le développement d'une « vallée de l'hydrogène ». Elle entend déployer, d'ici 2028, 40 à 100 stations alimentées en hydrogène produit localement (soit 18 kT à 36 kT de production) et 2 000 à 5 000 véhicules utilitaires légers, ainsi que 80 à 200 véhicules de transport lourd (bus, camions, bateaux).
La Région Auvergne Rhône-Alpes fait, quant à elle, le
pari de l'hydrogène. Avec son projet « Zero Emission Valley », elle entend même devenir le premier territoire à hydrogène en Europe, en s'appuyant sur les forces vives du territoire et en développant les débouchés. «
Avec 80 % des technologies hydrogène présentes sur son territoire, la Région enregistre une concentration exceptionnelle des acteurs de la filière hydrogène. Auvergne Rhône-Alpes a donc décidé d'en faire une filière d'excellence », indique-t-elle. Pour amorcer le développement de la mobilité hydrogène, elle financera l'installation de vingt stations hydrogène et le déploiement de 1 000 véhicules. La première station de recharge a d'ailleurs été inaugurée le 14 février à Chambéry. Pour mailler le territoire, Auvergne Rhône-Alpes entend travailler avec ses voisins, Régions et pays frontaliers, «
en tenant compte de l'implantation des zones d'activités économiques et des plateformes multimodales ».
Plusieurs appels à projets seront lancés, notamment « Véhicules H2 ». « Un partenariat public / privé est à construire autour de majors et de start-up du territoire. L'objectif est de proposer au marché des véhicules hydrogène au même prix que le véhicule équivalent diesel », indique la Région.
Par ailleurs, un appel à projets « GNVolontaire » permettra de développer les véhicules roulant au bioGNV. Car, dans son scénario 100 % énergies renouvelables en 2050, la Région Auvergne Rhône-Alpes mise également sur la méthanisation. « Le biométhane représentera, à l'horizon 2030, 30 % de la consommation de gaz en région », précise le Sraddet. De 433 GWh de capacité de méthanisation en 2015, elle entend passer à 5 933 GWh en 2030 et 11 000 GWh en 2050. Autrement dit, développer 10 600 GWh de capacités de production supplémentaires.
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