Adopté le 20 octobre 2010, le nouveau règlement sur le bois de l'Union européenne (RBUE) en vigueur le 3 mars, constitue le second volet du plan d'action européen FLEGT (Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux) de 2003, et interdit toute commercialisation illégale de bois et de ses produits dérivés qu'ils soient importés ou produits au sein de l'UE. Il vise à améliorer la gouvernance des forêts dans les pays exportateurs. Les Etats-Unis et l'Australie ont déjà adopté des textes législatifs similaires.
Ce règlement oblige les importateurs à mettre en place des systèmes de surveillance pour éviter l'entrée de ces produits illicites sur le marché européen. Les commerçants qui achètent ou vendent du bois déjà sur le marché doivent quant à eux identifier leurs fournisseurs et leurs clients dans un registre - à l'exclusion des particuliers - afin d'assurer la traçabilité des produits.
Du papier au bois de construction et de chauffage
Au moins 20% du bois et des produits forestiers qui pénètrent dans l'UE seraient illicites. Le texte vise "un grand éventail de produits, du papier à la pulpe de bois jusqu'au bois de construction et de revêtement de sol", rappelle la Commission européenne. Sont concernés : les produits en bois massif ou en contreplaqué comme les meubles, le bois de chauffage (rondins, bûches, ramilles, fagots), les caissettes, les cadres en bois (tableaux, photographies, miroirs) ou autres bois stratifiés et panneaux de menuiserie ou charpenterie.
Les produits recyclés, ceux à base de rotin et de bambou, les matériaux d'emballage et les produits d'édition (livres, magazines, journaux) restent quant à eux exclus de la réglementation. Le bois vendu ou acheté par les particuliers pour leur usage personnel n'est également pas concerné. La Commission européenne devrait toutefois étendre la liste des bois à partir de 2015 et pourrait y inclure les produits imprimés.
Traçabilité du bois via le système de diligence raisonnée
Les opérateurs (importateurs et exploitants forestiers européens), premiers metteurs sur le marché du bois et des produits, ont désormais l'obligation de s'assurer et de justifier l'origine licite de leurs approvisionnements via un système de diligence raisonnée (SDR).
Ce dispositif doit permettre d'assurer la traçabilité et les origines du produit, grâce au recueil d'informations (concession et pays d'origine du bois, quantité récoltée, essence, coordonnées du fournisseur et respect de la législation nationale). Le SDR prévoit également une analyse des risques d'introduction de tels bois illicites dans la chaîne d'approvisionnement et vise l'atténuation de ces risques si des doutes subsistent sur la légalité. Lorsque le niveau de corruption du pays est élevé, le risque de s'approvisionner en bois illégal est alors déclaré non négligeable. Dans ce dernier cas, des garanties et vérifications complémentaires de légalité peuvent être demandées au fournisseur.
Ainsi, les produits dérivés du bois issus de pays exportateurs qui ont conclu avec l'UE des accords de partenariat volontaires (APV) dans le cadre du plan d'action FLEGT sont considérés comme ''conformes au règlement'', a souligné la Commission. Six pays grands producteurs de bois - le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Ghana, le Liberia et l'Indonésie - ont déjà signé un APV avec l'UE. Le bois et les produits licenciés FLEGT issus de ces pays signataires mais aussi les essences protégées importées classées CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) répondent aux exigences du règlement, a confirmé Bruxelles.
Ce commerce se produit essentiellement au niveau des trois grands bassins forestiers (Amazonien, Guinéo-Congolais et du Bornéo-Mékong), mais également au niveau de la Russie, et certains pays de l'Europe de l'Est.
La Chine, le Japon, l'UE et les États-Unis sont les plus gros importateurs de bois et produits dérivés d'origine illégale.
La licence FLEGT et le permis CITES garantissent l'origine légale du bois car ils sont contrôlés au niveau intergouvernemental et sont donc automatiquement considérés comme compatibles avec le RBUE. Les opérateurs n'auront pas à mettre en place de système de diligence raisonnée (SDR) pour ces produits licenciés.
Les certifications privées en cours de mise en conformité
En revanche, les produits couverts par des certificats privés de légalité du bois (OLB délivré par Bureau Veritas ou TLTV par SGS) et de gestion durable forestière (FSC, PEFC, SFI …) ne sont pas reconnus comme une garantie de légalité et comme alternatives au SDR. Ces certifications privées peuvent toutefois "être prises en considération dans les procédures d'évaluation et d'atténuation du risque" du système à condition que des critères soient respectés comme mettre en place des contrôles appropriés au plus tard tous les douze mois par une tierce partie et assurer la traçabilité tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
Pour s'aligner sur les exigences du règlement européen mais aussi des lois américaines et australiennes, les labels FSC et PEFC ont révisé leurs normes et déclarent les finaliser. Entre décembre 2012 et février 2013, un groupe de travail multipartite de PEFC International a ainsi révisé ses règles de la chaîne de contrôle pour les adapter au RBUE. Cette révision a également fait l'objet d'une consultation publique, a indiqué le label. La norme définitive entrerait en application mi-mars 2013.
De son côté, le label FSC a révisé depuis mi-2012 son standard de chaîne de contrôle de la traçabilité et publié le 28 février 2013 trois notes de recommandations visant à "encadrer les devoirs de collecte et de transmission des informations des importateurs et assurer la mise en conformité avec les lois douanières", à l'entrée en vigueur du texte. FSC a également révisé son programme de vérification des risques de récolte illégale. Le certificateur entend finaliser les deux standards pour mi-2013.
Les opérateurs peuvent mettre en place le système de diligence raisonnée de façon individuelle ou via des organisations de contrôle reconnues par la Commission européenne, et auxquelles se sont portées candidates FSC et PEFC.
Pas de régime de sanctions défini par les pays
Il revient aux Etats membres d'exercer un contrôle approprié des opérateurs européens assorti de sanctions dissuasives à l'égard des contrevenants. Le règlement n'introduit pas de nouveaux contrôles douaniers aux frontières. Les sanctions prévues peuvent inclure des amendes proportionnelles à l'ampleur des dommages environnementaux et des pertes fiscales, la saisie du bois et des produits dérivés concernés ou la suspension immédiate de l'autorisation d'exercer une activité commerciale. Toutefois, la modulation du montant des amendes n'est pas précisée et n'a pas encore été votée par les pays membres. Or, "il est urgent d'harmoniser ces amendes à l'échelle européenne", a indiqué Eglantine Goux-Cottin, chargée de mission forêt internationale chez France Nature Environnement (FNE).
En France, le ministère de l'Agriculture et de la forêt est l'autorité compétente en charge de la mise en œuvre de la réglementation. Mais selon l'ONG Greenpeace, la France comme la plupart des pays membres ne serait toujours pas prête à appliquer le texte : "L'administration responsable des contrôles (des importateurs, ndlr) n'a pas été désignée, le régime des sanctions n'a pas été voté par le parlement. Bref, par manque de moyens et sans doute de volontés, les autorités françaises n'ont rien fait pour l'instant pour tenter de stopper l'importation de bois illégal en France", a dénoncé Frédéric Amiel, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France en appelant le ministre de l'Agriculture à "détailler son plan d'action" pour l'application du texte. "Le code pénal prévoit des sanctions pour la vente de faux" tandis que la direction de la répression des fraudes (DGCCRF) "devrait jouer un rôle", selon Eglantine Goux-Cottin.
Du bois illégal débarqué sur les ports français
De leur côté, les entreprises pourraient également être dépassées alors que les modalités d'application du système de diligence raisonnée n'ont été précisées qu'en juillet dernier par la Commission européenne. Un an avant son entrée en vigueur, l'ONG WWF avait publié en mars 2012 une évaluation de la situation de 35 entreprises vendant des produits en bois vis-à-vis du règlement et beaucoup d'entre elles étaient en position de contrevenants potentiels. Sur les 2.700 produits enquêtés dans les magasins et hors produits certifiés, la part de produits sur lesquels l'origine était notifiée n'était que de 39%,"un chiffre encore largement insuffisant, ne permettant pas de savoir si le bois provient de zones à risque de déforestation, ou des zones sous sanctions des Nations-Unies voire même des zones en conflit", avait pointé l'association. Pourtant, ces éléments sont des données que chaque enseigne doit désormais être en capacité de posséder.
A l'instar du WWF, les ONG Rainforest Alliance et NepCon avaient lancé en février 2012 une enquête similaire à destination des industries européennes. Toutefois, NepCon "n'a pas reçu le nombre suffisant de réponses à cette enquête en France pour pouvoir faire l'analyse", a déploré Leticia Calvo Vialettes coordinatrice certification chez NepCon.
La plupart des importateurs ''ne sont pas prêts à appliquer la diligence raisonnée, et rien n'est prêt pour les contrôler et rendre effective la réglementation. Pendant ce temps, du bois à la provenance douteuse s'entasse dans les ports français", dénonce Greenpeace dans un rapport publié ce lundi 4 mars. Des investigations menées par l'association et l'ONG Global Witness ont montré que du bois illégal en provenance de République Démocratique du Congo "a été débarqué récemment sur les ports de Caen, Nantes et La Rochelle. Une partie de ce bois provient de concessions qui ont dépassé de 40% les volumes de coupes autorisées sur leurs concessions. Si les critères de la réglementation devaient s'appliquer, les importateurs seraient incapables de démontrer s'il est d'origine légale ou non et il ne devrait donc pas être importé", pointe Frédéric Amiel de Greenpeace.