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Le règlement-cadre pour le déploiement des énergies renouvelables : une standardisation à la marge

Le règlement établissant un cadre pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables a été adopté le 22 décembre 2022. L'usage de l'outil réglementaire démontre une volonté politique et juridique de l'Union européenne.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°319
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°319
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Le règlement-cadre pour le déploiement des énergies renouvelables : une standardisation à la marge
Raphaël Romi
Professeur de droit émérite, avocat of counsel, DS Avocats
   

La France ne devra-t-elle pas réviser sa loi sur les énergies renouvelables très peu de temps après l'avoir votée ? Il est en tout cas certain que l'usage de l'outil réglementaire signifie que l'Union européenne (UE), cahin-caha, est capable de faire preuve d'une volonté juridique certaine et d'afficher une certaine volonté politique.

I. Une certaine volonté politique de l'Union européenne

Le premier considérant du règlement du 22 décembre 2022 établissant un cadre pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables marque bien que le facteur déclenchant de l'acte a plutôt été la guerre en Ukraine que le changement climatique. La baisse drastique des livraisons de gaz russe a bousculé le confort communautaire et fait prendre conscience de la dépendance énergétique – en tout cas autrement que sur le pur plan théorique ou intellectuel. Il est évidemment curieux que l'on se mette à parler d'urgence (la situation est « urgente et exceptionnelle » (cons. 6), seulement maintenant alors que l'urgence climatique préexistait (1) , mais les activités russes en Ukraine ont convaincu même les États les plus récalcitrants à mettre en œuvre une politique climatique (2) . Le caractère très relatif de cette « radicalité » soudaine est cependant nuancé par l'affirmation du caractère « temporaire » des mesures (art. 1er). L'article 3 qualifie d'intérêt public « supérieur » « la planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergies à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit, ainsi que les actifs de stockage ».

Le règlement rappelle surtout la valeur du principe de solidarité énergétique : principe général  (3) du droit de l'Union, son inscription – quoique ce ne soit que dans un considérant (cons. 21) - signifie bien que le déploiement des énergies renouvelables, pour si territorialisé qu'il soit nécessairement, constitue un enjeu politique européen et doit s'accompagner de la structuration d'un réseau de distribution encore plus élaboré qu'il ne l'est.

Dans ce contexte, les mesures de simplification  s'appliquent à « tous les permis administratifs pertinents délivrés pour la construction, le rééquipement et l'exploitation d'installations produisant de l'énergie à partir de sources renouvelables, notamment les pompes à chaleur, les installations de stockage d'énergie colocalisées et les actifs nécessaires à leur raccordement au réseau, y compris les permis de raccordement au réseau et les évaluations des incidences sur l'environnement, le cas échéant » , et ce dès la publication du règlement.

Affirmation, aussi, d'une volonté politique que de ne pas sacrifier la diversité biologique en n'autorisant pas des dispenses complètes d'évaluation et notamment en ne revenant que très partiellement sur les exigences des directives Habitat et Oiseaux.

Sur le plan juridique, en tout cas, les lignes sont fermement définies.

II. Une volonté juridique certaine de l'Union européenne

À tout prendre, quand on veut laisser aux États une marge, le juriste en droit communautaire s'attend à ce que soit adoptée une directive… Mais dire aux étudiants qu'une directive énonce des obligations de résultat en laissant les États relativement libres des moyens, alors que les règlements imposent résultats et moyens est très réducteur. On a évidemment vu des directives énoncer des obligations de moyens, surtout en droit de l'environnement, et ces cadres théoriques cèdent devant le nécessaire pragmatisme juridique.  L'outil réglementaire permet une entrée en vigueur immédiate tout en prévoyant une certaine souplesse au profit des États, ici, notamment, la capacité de restreindre l'application de certaines techniques par l'intermédiaire de leurs plans nationaux (art. 3, al. 1) et de prévoir des zonages adéquats.

La fermeté de cette ligne se traduit aussi par la décision, claire, de ne pas sacrifier les acquis du droit européen concernant la diversité biologique. Car la qualification relevée supra d'intérêt public majeur n'est pas radicale : il ne s'agit que d'une « présomption simple ».  La gestion des espèces protégées n'en est pas à première lecture bouleversée, encore qu'il faudra mesurer comment certains États interpréteront l'alinéa 2 de l'article 3 : la priorisation des énergies renouvelables « ne s'applique que si et dans la mesure où des mesures appropriées de conservation des espèces contribuant au maintien ou au rétablissement des populations d'espèces dans un état de conservation favorable sont prises et des ressources financières suffisantes ainsi que des espaces sont mis à disposition à cette fin ». D'ici à ce que, par exemple, l'exigence de l'inexistence d'autre « solution alternative » dans le cadre des demandes de dérogation ne disparaisse pour une durée « provisoire » qui pourrait durer… il n'y a qu'un pas. La tentation de réviser le droit des dérogations aux interdictions de destruction d'espèces protégées est déjà forte, et du fait de cette rédaction assez faible, pour ce qui est du droit français, le principe de non-régression ne trouverait peut-être pas à s'appliquer, la régression du droit national étant légitimée par un acte européen.

Par ailleurs, concernant la compatibilité avec les paysages, l'énoncé est sibyllin : l'article 4 alinéa 2 et l'article 7 alinéa 3 (pour les pompes à chaleur) autorisent les États à exclure des zones de ces facilitations pour des raisons liées à la protection du « patrimoine culturel ou historique », mais elles n'énoncent aucune obligation ni ne dictent de conduite.

L'arme essentielle de la priorisation est le raccourcissement des délais :

- pour l'énergie solaire, pour les installations qui n'ont pas pour objet exclusif la production d'énergie, les délais ne doivent pas excéder trois mois ;

- pour les « projets », y compris les éoliennes tacitement inclues, en cas de rééquipement, les délais sont réduits à six mois, et trois mois pour les permis relatifs au raccordement  aux réseaux si l'augmentation de la capacité est limitée à 15 % maximum ;

- pour les pompes à chaleur, le délai maximum est d'un mois pour les installations de moins de 50 mégawatts (MW) et trois mois pour les pompes à chaleur géothermiques.

L'arme secondaire est la simplification des évaluations d'incidence :

- pour l'énergie solaire, les rééquipements d'installations solaires ne font pas l'objet d'évaluations si deux conditions sont remplies : absence de modification « d'espace supplémentaire » et conformité « aux mesures d'atténuation des incidences applicables aux installations d'origine » ;

- pour les rééquipements de projets, dont les éoliennes donc, les évaluations des incidences sont comprises dans le délai de six mois, et sont (comme les évaluations de l'exigence d'évaluations) limitées aux incidences des modifications ou extensions.

Pour les pompes à chaleur également, l'article 7 alinéa 3 interdit tout refus qui ne serait pas motivé par des préoccupations techniques ou de sécurité pour les installations de capacité électrique inférieure à 12 kilowatts (kW) et celles de moins de 50 kW installées par un auto-consommateur « à condition (4) que la capacité de l'installation de production d'électricité renouvelable de l'auto-consommateur d'énergies renouvelables représente au moins 60 % de la capacité de la pompe à chaleur ».

Au total, même si la standardisation est à la marge, les législations nationales devront être révisées à court terme…

1. Il est vrai que le président du Conseil de l'Union européenne pour les prochains mois a, malgré les six rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), semblé lier le caractère « imprévisible » des effets du changement climatique au caractère imprévisible de la guerre lors de ses récents vœux.2. Dont, en vérité, la France, sévèrement condamnée par la juridiction administrative et qui va tomber incessamment sous le coup d'une liquidation d'astreinte.3. CJUE, 15 juill. 2021, n° C-848/19, Allemagne c/ Pologne4. Condition surement fondée techniquement mais sur laquelle on aurait aimé des éclairages : sans doute s'agit-il de ne pas permettre ou favoriser l'exemption de projets strictement commerciaux qui s'abriteraient derrière un alibi d'autoconsommation partielle.

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