Le tribunal administratif de Pau (Pyrénées-Atlantiques) vient de rendre un jugement favorable à la société pétrolière Vermilion. Il estime que le rejet explicite d'une demande de permis de recherche d'hydrocarbures n'est pas conforme à la réglementation. Six mois avant l'adoption de la loi de décembre 2017 mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures, Ségolène Royal signait une série de lettres annonçant à des pétitionnaires le rejet de leur demande de permis. Ces rejets explicites ne respectent pas la réglementation, explique le tribunal.
Conséquence de cette annulation, Barbara Pompili et Bruno Le Maire (ou Agnès Panier-Runacher), les ministres en charge de l'environnement et de l'industrie, ont jusqu'à janvier prochain pour prendre une décision conforme. Le sujet devrait être inscrit à l'ordre du jour d'une prochaine réunion du groupe de travail ministériel « mines » afin que soit signé un arrêté en bonne et due forme. Normalement, la demande de Vermilion devrait ainsi être officiellement rejetée, puisque la loi de décembre 2017 interdit dorénavant d'accorder des permis de recherches d'hydrocarbures. Pour autant, le tribunal n'impose pas le rejet de la demande. De plus il explique qu'à l'époque des faits, aucune raison ne s'opposait à répondre favorablement à la demande de permis.
Or « des dizaines de lettres similaires à celle de Vermilion ont été signées », expliquent les opposants au gaz de schiste. Il semble bien que d'autres contentieux soient encore en cours, mais les pouvoirs publics ne communiquent pas sur le sujet.
En mai 2013, Vermilion déposait une demande pour un permis de recherches d'hydrocarbures, dénommé « permis de Coudray » (à cheval sur les départements de l'Essonne, du Loiret et de la Seine-et-Marne). Normalement, faute d'une réponse favorable de l'État, la demande était considérée comme implicitement rejetée en mai 2014. Mais un courrier, signé en avril 2017 par Ségolène Royal, a changé la donne.
La lettre explique que la demande de permis est rejetée et avance plusieurs motifs : les engagements pris en 2015 lors de la COP 21 ; le devoir d'exemplarité de la France ; et l'objectif de réduction de 30 % de la consommation d'énergie fossile d'ici 2030 inscrit dans la loi sur la Transition énergétique (LTECV) d'août 2015. « En cohérence avec cette politique énergétique volontariste, nous confirmons le rejet de votre demande d'octroi de permis d'hydrocarbures », conclut la ministre.
Cette lettre présente plusieurs défauts : elle ne respecte pas la co-compétence Environnement/Industrie sur les titres miniers d'hydrocarbures (seule Ségolène Royal la signe) et elle ne s'appuie sur aucune base règlementaire pour justifier le rejet. Vermilion a donc attaqué la décision des pouvoirs publics, trois semaines avant la publication de la loi de décembre 2017.
Le rejet explicite de Ségolène Royal
Vermilion avance trois motifs pour justifier son recours. Tout d'abord le rejet de sa demande de permis est entaché d'un défaut de motivation car le ministère ne lui donne pas de motifs. Ensuite, la décision n'a pas été prise après consultation des services de Bercy (le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies). Enfin, le rejet est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, puisque Vermilion « remplissait toutes les conditions pour que le permis litigieux lui soit octroyé (…) et que ce permis devait lui être accordé à la suite de la procédure de mise en concurrence ».
Le jugement du tribunal administratif de Pau, rendu en juillet dernier, donne raison à la société pétrolière. Il rappelle d'abord que le silence de l'administration a entrainé le rejet implicite de la demande. Mais la lettre de Ségolène Royal, valant pour rejet explicite, s'est « entièrement substituée » à la décision implicite. C'est donc bien cette seconde décision qui prévaut.
Les pouvoirs publics ne justifient pas leur rejet
En l'occurrence, le tribunal confirme l'irrégularité de la décision de Ségolène Royal. « Il n'est pas contesté » que les services du ministère de l'Économie n'ont pas été consultés en amont de la décision. Ensuite, le ministère de la Transition écologique ne conteste pas que la demande de Vermilion était complète et que la société justifiait de l'ensemble des capacités requises pour réaliser les travaux de recherche. « Le ministre [de la Transition écologique] n'apporte aucun élément de nature à justifier sa décision sur ce point », assène le tribunal.
En conséquence, le juge donne six mois au ministre de la Transition écologique et solidaire pour réexaminer la demande de Vermilion. La délivrance de nouveaux permis de recherches est interdite par la loi de 2017, mais le tribunal estime ne pas pouvoir imposer aux pouvoirs publics de refuser le permis de Coudray.