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Relance de la filière nucléaire : feu vert de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté avec une majorité confortable le projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Un pari industriel alors que de nombreux clignotants sont pourtant au rouge pour cette filière.

Energie  |    |  L. Radisson
Relance de la filière nucléaire : feu vert de l'Assemblée nationale
Droit de l'Environnement N°321
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°321
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« Avec le vote du projet de loi d'accélération des procédures du nucléaire, nous avançons sur le troisième pilier de notre stratégie énergétique après le plan sobriété et après la promulgation d'une loi sur l'accélération des énergies renouvelables », s'est félicitée la ministre de la Transition énergétique, mardi 21 mars, à l'Assemblée nationale. Après le Sénat le 24 janvier, la Chambre basse a en effet adopté le projet de loi (1) en première lecture par 402 votes pour et 130 contre.

Une majorité confortable, mais qui n'occulte pas les difficultés rencontrées par la filière, rappelées par certains députés d'opposition et par les ONG antinucléaires. « Le Gouvernement feint de développer "en même temps" le nucléaire et les énergies renouvelables. Or, l'accélération du nucléaire se fera au détriment du développement des énergies renouvelables, notamment de l'éolien terrestre, et de la sobriété, à propos de laquelle le plan du Gouvernement demeure superficiel et injuste », estime ainsi Greenpeace en réaction au vote du projet de loi.

Suppression de l'objectif de réduction du nucléaire

Plusieurs épisodes marquants ont émaillé la discussion dans l'Hémicycle de ce texte destiné à simplifier et accélérer les procédures permettant la construction de nouvelles installations nucléaires. Les députés ont confirmé la suppression, votée par le Sénat, de l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici à 2035, de même que celle du plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts. « Ainsi, la part du nucléaire dans le mix énergétique n'a plus ni plancher ni plafond », a relevé la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel.

Ces votes de la Chambre haute ont perturbé le débat public, qui était alors en cours, sur l'opportunité de construire les six (voire quatorze) réacteurs nucléaires de nouvelle génération (EPR2) annoncés par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort, en février 2022. Ils ont en effet laissé à penser que la décision était déjà prise.

“ Nous faisons de la législation de chef de bureau sur un aspect mineur du calendrier d'un nouveau réacteur ” Marie-Noëlle Battistel, députée
Greenpeace déplore d'ailleurs la temporalité de cette loi « qui a contribué à piétiner le débat public en cours et a entériné la reprise à marche forcée du nucléaire avant même la tenue des débats et le vote des député·es à l'Assemblée nationale sur la loi de programmation énergie-climat ».

Les dispositions, votées par le Sénat, qui élargissaient le périmètre de la loi aux petits réacteurs modulaires et qui avaient également troublé le débat, n'ont en revanche pas été conservées. Les députés ont toutefois adopté un amendement LR qui impose au Gouvernement d'établir une cartographie des sites potentiels d'installation de ces petits réacteurs.

Nombreuses simplifications de procédures

L'Assemblée a également adopté un amendement républicain qui prévoit que l'autorisation de création des réacteurs tienne lieu d'autorisation d'exploiter. « L'autorisation de créer l'installation de Flamanville, par exemple, date du 10 avril 2007, près de dix-huit ans avant son exploitation projetée ; un nombre considérable de modifications sont intervenues depuis, que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit contrôler. Comment peut-on envisager de se priver d'un tel processus ? » a interrogé la socialiste Marie-Noëlle Battistel. Un autre amendement LR confère à la réalisation d'un réacteur nucléaire une présomption d'intérêt public majeur, sous conditions de puissance définies par décret. Ce qui permettra de faciliter l'obtention des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

Ces dispositions s'ajoutent aux nombreuses simplifications des procédures déjà prévues par le texte : déclaration d'intérêt général du projet par décret en Conseil d'État, procédure spécifique de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, dispenses d'autorisations d'urbanisme, simplification d'octroi des autorisations environnementales, dérogations à la loi Littoral, dispenses de déclaration d'utilité publique (DUP) pour la concession d'utilisation du domaine public, prise de possession immédiate des immeubles dont l'acquisition est nécessaire à la construction d'un réacteur, etc. Le texte donne également au juge administratif des pouvoirs de régularisation en matière de contentieux des procédures applicables aux projets de réacteurs.

La discussion au palais Bourbon a également été marquée par la tentative du Gouvernement de fondre l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L'amendement, voté en commission, a été remis en cause en séance par une majorité de députés, qui ont réaffirmé la nécessité d'une organisation duale de la sûreté nucléaire. La ministre de la Transition énergétique, qui avait songé, un temps, à demander une deuxième délibération sur cette disposition, n'a pas renoncé pour autant au projet qui pourrait revenir devant les parlementaires via un autre texte. Le projet de loi prévoit toujours que le Gouvernement devra remettre, dans un délai de six mois, un rapport recensant les besoins nécessaires aux missions de contrôle, d'expertise et de recherche de l'ASN, de l'IRSN et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Ce rapport devra, selon le texte voté, préciser « le périmètre des transferts des différentes missions » de l'IRSN.

Risques liés à la ressource en eau

Si certains invoquent le changement climatique pour justifier le recours à l'atome, d'autres pointent au contraire ses conséquences sur l'étiage des cours d'eau qui pourraient remettre en cause le fonctionnement de nombre de réacteurs. « Cet été, plus de 50 % des réacteurs étaient à l'arrêt, faute d'eau pour les refroidir. Le nucléaire est la deuxième activité la plus consommatrice d'eau douce : 31 % de l'eau consommée sert au fonctionnement des centrales. Alors que la bataille de l'eau a déjà commencé, voulons-nous vraiment dépendre d'une énergie aquavore ? Voulons-nous vraiment choisir entre refroidir les centrales et boire ? », interroge l'écologiste Cyrielle Chatelain.

L'Assemblée a, en tout cas, adopté l'amendement de la députée Renaissance Christine Decodts  qui demande au Gouvernement un rapport détaillant les dispositions prévues par les exploitants de réacteurs pour assurer une gestion économe et optimisée de la ressource en eau « au regard des meilleures techniques disponibles dans le domaine ».

De manière générale, les députés souhaitent renforcer leur contrôle sur la filière. L'Assemblée a ainsi ajouté un nouveau titre au projet de loi, destiné à « renforcer la transparence démocratique » sur le nucléaire. Dans ce cadre, il est institué une délégation parlementaire au nucléaire civil commune aux deux assemblées, qui établira chaque année un rapport public.

« Un problème d'abord de capacité industrielle »

Mais se pose la question de savoir si l'accélération des procédures est bien la réponse à apporter aux difficultés rencontrées par la filière nucléaire, symbolisées par le retard et le coût de construction de l'EPR de Flamanville. « Vous vous lancez tête baissée dans les EPR 2, en oubliant que notre seul EPR n'est toujours pas en service, a tancé la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir. Flamanville, quel fiasco : cinq ans de chantier prévus et douze ans de retard, soit dix-sept ans au total. Trois fois rien. Le budget initial s'élevait à 3,3 milliards, pour atteindre près de 20 milliards à l'arrivée. »

« Il s'agit d'abord d'un problème de capacité industrielle, a pointé Marie-Noëlle Battistel. Or le texte ne prévoit rien, ou quasiment rien désormais, concernant les aspects fondamentaux que sont les métiers, les compétences et la formation. Il ne prévoit rien non plus s'agissant du parcours du combustible ou de la gestion des déchets, alors que les évaluations en matière de capacité ne tiennent pas compte d'un parc de quatorze nouveaux réacteurs et que nous n'avons pas de solution d'entreposage au-delà de 2040. Ainsi, les causes structurelles des retards ne sont pas résolues, et nous faisons de la législation de chef de bureau sur un aspect mineur du calendrier d'un nouveau réacteur. »

Se pose également la question du calendrier de disponibilité de l'énergie nucléaire qui pourrait être produite par les nouvelles installations. « Le Giec rappelle que, pour limiter [le réchauffement climatique] au plus près du 1,5 °C supplémentaire, il faut, d'ici à 2030, réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 48 % par rapport à 2019. Or, 2030, c'est demain. Le calendrier du développement du nucléaire fourni par RTE prévoit, dans sa version optimiste, deux premiers réacteurs en 2035, deux autres en 2040 et les deux derniers en 2045 ; soit cinq ans, dix ans et quinze ans trop tard ! » a rappelé l'écologiste Cyrielle Chatelain.

Le chef de file des républicains à l'Assemblée salue au contraire à travers ce texte « le revirement tant réclamé » après « les dix années de politique antinucléaire des présidents Hollande et Macron ». « Mais il ne manifeste, pour l'instant, qu'une intention et traduit l'habituel défaut de méthode du Gouvernement en laissant beaucoup de questions en suspens », déplore toutefois Olivier Marleix.

1. Télécharger le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41409-projet-loi-acceleration-nucleaire.pdf

Réactions1 réaction à cet article

"31% de l'eau consommée sert au refroidissement des centrales" : totale ineptie ! Elle n'est pas "consommée", au sens où elle disparaitrait, et deviendrait inutilisable pour quelque autre usage que ce soit (irrigation, transport fluvial...), elle est réchauffée, dans des limites légales très précises. Les inquiétudes sur la confusion construction / démarrage... on fait mine d'ignorer la toute-puissance de l'ASN, qui doit valider toute modification. Etc. Des représentations nationales aussi bornées sont affligeantes. Quant aux bêlements des assoc' anti-nuc'... pathétique. L'éolien terrestre reste une aberration, destruction des paysages, massacre d'avifaune, gâchis de matériaux, et production d'un courant imprévisible qui nécessite un stockage au moins aussi coûteux et jamais budgété.

dmg | 23 mars 2023 à 09h28 Signaler un contenu inapproprié

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