Adopter un objectif 2020 en matière de capacité photovoltaïque compris entre 15 et 25 gigawatts (GW), contre 5,4 GW actuellement. Telle est la principale mesure concrète proposée par le groupe de travail "énergies renouvelables" à l'occasion de la présentation de ses travaux jeudi 25 avril devant le Conseil national du débat sur la transition énergétique (CNDTE) réuni en plénière. Les 65 participants du groupe ont tenu 10 séances entre le 16 janvier et le 15 avril, organisant leurs travaux autour d'une réflexion filière par filière et d'une approche transversale.
Christophe Porquier, vice-président EELV du Conseil régional de Picardie et représentant de l'Association des régions de France (ARF), et Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER) et représentant des entreprises, ont expliqué avoir présenté en préambule les 17 recommandations consensuelles, huit transversales et neuf sectorielles. Par ailleurs, le corps du rapport présente des recommandations majoritaires mais non consensuelles classées en cinq chapitres : objectif 2020, simplification administrative, développement industriel, financement ainsi que les réseaux et le stockage. Les annexes présentes les propositions minoritaires.
Le photovoltaïque sort gagnant
La filière solaire photovoltaïque et thermodynamique bénéficie des recommandations les plus fortes : "il a été considéré par une large majorité des membres du groupe de travail que l'objectif à réviser en priorité est l'objectif de développement du photovoltaïque", explique le document. Dès le préambule le groupe de travail recommande une révision à la hausse de l'objectif 2020 et un relèvement à 250 kilowatts (kW) de l'éligibilité au tarif d'achat, contre 100 kW aujourd'hui. Dans le corps du texte, l'objectif jugé "souhaitable par une large majorité du groupe" est une fourchette allant de 15 à 25 GW en 2020. Le rapport plaide aussi pour la création d'un tarif dédié à la surimposition sur bâtiment et la simplification des conditions de raccordement et des procédures.
Pour le groupe de travail, cette attention particulière portée au photovoltaïque se justifie par l'ancienneté d'un objectif 2020 fixé en 2007, le fait que l'objectif sera dépassé et la chute des prix enregistrée en cinq ans. C'est d'ailleurs en partant d'un constat similaire que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a proposé deux jours avant la réunion du CNDTE de porter à 15 GW l'objectif 2020. "La contribution initialement attendue du photovoltaïque était de 0,5 Mtep, soit une puissance nominale installée de 5.400 MW, en 2020. Cet objectif devrait toutefois être dépassé", estime l'Agence soulignant que "fin décembre 2012, le parc photovoltaïque français connecté au réseau est estimé à 4 GW environ, contre 2,9 GW fin décembre 2011".
Reste que le groupe de travail se borne à suggérer une hausse de l'objectif sans trancher l'épineuse question du financement.
Cette formulation, qui permet de ne pas citer explicitement les opposants, a fortement déplu à Maryse Arditi qui a demandé à ce que l'opposition des ONG environnementales soit explicitement mentionnée s'agissant du développement des agrocarburants et de l'hydroélectricité. La représentante France Nature Environnement a déclaré "ne pas pouvoir assurer la participation de FNE" à la suite des débats si cette opposition ne figurait pas dans le rapport.
Reste que les rapporteurs ont montré des réticences, expliquant que tout le monde avait validé cette approche consensuelle, et qu'on peut s'interroger sur le sérieux de la menace de FNE et la part de mise en scène. L'avenir tranchera.
Au delà de cette mesure phare, les propositions semblent limitées à une boîte à outils regroupant des mesures vagues et consensuelles. Le groupe de travail souhaite ainsi avant tout obtenir des objectifs ambitieux en matière de renouvelables et un pilotage des filières en fonction de critères technico-économiques. Dans la foulée, il recommande pêle-mêle la stabilité du cadre règlementaire, la lisibilité des mécanismes de soutien, des politiques de formation, de R&D et de soutien à l'export, l'adaptation des réseaux énergétiques, l'intégration environnementale des renouvelables et un peu de fiscalité écologique et de promotion de l'autoconsommation. "Des recommandations assez générales", concède Christophe Porquier.
Quant aux recommandations sectorielles, chaque filière a formulé un souhait. La biomasse attend une relance de la filière bois (construction, ameublement,…) pour s'approvisionner en sous-produits, la chaleur espère un doublement du fonds que lui consacre l'Ademe, l'éolien aimerait obtenir un régime juridique sécurisé, l'hydroélectricité veut maintenir un objectif de développement, la géothermie de moyenne profondeur plaide pour un code minier simplifié, l'hydrolien propose de soutenir financièrement les installations pilotes et les agrocarburants défendent le soutien en faveur de la substitution au pétrole. Bref, une synthèse des doléances portées de longue date par les acteurs des filières concernées.
Quant aux mesures concrètes elles sont renvoyées au corps du texte, preuve que l'accord entre les participants se limite aux généralités (voire encadré).
La transition énergétique ? Quelle transition ?
De manière générale, à la lecture des principales conclusions, on constate que les objectifs concrets se limitent à l'horizon 2020. Rien sur l'échéance 2030 actuellement négociée à l'échelle européenne et rien non plus sur l'objectif Facteur 4 pour 2050. C'est d'ailleurs ce qu'ont souligné les deux rapporteurs qui ont admis que la réflexion n'a porté que sur le court terme. Les objectifs pour 2025, 2030 ou 2050 sont conditionnés au succès de celui fixé pour 2020 et les scénarios à long terme sont du ressort d'un groupe ad hoc qui n'a pas rendu sa copie, ont justifié Christophe Porquier et Damien Mathon.
Plutôt que de transition énergétique, le document se contente donc de proposer une stratégie afin de rattraper le retard accumulé par la France concernant l'objectif européen validé en 2008 de 23% de renouvelables dans le mix énergétique français en 2020. Un retard, qui, s'explique par de multiples revirements et "stop and go", pour reprendre le terme de Christophe Porquier.
"Le rapport manque de souffle", constatent donc dix ONG dans un communiqué commun. Elle reproche au document de "[rester] sur les objectifs 2020 et [de proposer] essentiellement quelques simplifications administratives". Point de "visibilité de long terme et de politiques stables pour lancer des investissements", déplorent-elles, félicitant néanmoins la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, pour avoir pris le 24 avril "des engagements, là où le rapport se tait : la France demandera à l'Union européenne de fixer pour 2030 des objectifs contraignants distincts pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables".