Le Gouvernement a lancé, le 2 juin, une « consultation-éclair » sur la réforme des aides à la rénovation énergétique, en vue de prochains arbitrages, prévus le 12 juin. Cette réforme fait suite à plusieurs constats épinglés par la commission d'enquête du Sénat ou l'association Défenseure des droits : complexité des mécanismes d'aides nationales [MaPrimeRénov', certificats d'économies d'énergie (CEE), écoprêt à taux zéro] aux yeux des ménages, dysfonctionnements dans les demandes de MaPrimeRénov', faible efficacité des aides qui conduisent à des travaux peu performants et cas de fraudes.
Un objectif de 200 000 rénovations globales dès 2024
En marge de cette consultation, lors des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) Logement, le 5 juin, le Gouvernement a déjà donné ses pistes pour accélérer la rénovation énergétique du parc privé et des logements sociaux. Il s'est fixé l'objectif d'atteindre 200 000 rénovations performantes et globales en 2024 parmi les logements privés, financées grâce à l'aide phare MaPrimeRénov', au lieu de 67 000 l'an dernier, soit trois fois plus. Actuellement, la grande majorité de MaPrimeRénov' versée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) finance des monogestes (changement de chaudière notamment).
« Pour inciter davantage encore à rénover, nous allons simplifier MaPrimeRénov' et augmenter les crédits pour les rénovations globales, pour viser 200 000 rénovations globales, dès 2024 », a ainsi déclaré la Première ministre, Élisabeth Borne, à la fin de son discours. Et l'État prévoit l'an prochain une évolution de MaPrimeRénov' en deux piliers : efficacité et performance « pour répondre à nos trois priorités absolues : baisser nos émissions de CO2 ; réduire notre consommation énergétique et éradiquer les passoires thermiques pour lutter contre la précarité ».
Le pilier efficacité vise à poursuivre l'accompagnement par geste, en aidant notamment les ménages à aller vers des systèmes de chauffage décarbonés (pompes à chaleur et biomasse notamment) qui font par ailleurs l'objet d'une autre concertation. Le pilier performance vise, quant à lui, à accompagner les ménages vers des rénovations globales de leur logement permettant d'atteindre les étiquettes A, B ou C du diagnostic de performance énergétique (DPE). Soit l'équivalent du niveau BBC rénovation basse consommation 2023.
Pas de lisibilité sur le financement alloué
Du côté des acteurs engagés dans la rénovation et des délégataires de CEE, les annonces de l'exécutif issues du CNR vont dans le bon sens pour infléchir la politique publique en faveur de plus de performance dans les travaux. Mais ils s'interrogent sur les moyens alloués que doit préciser Bercy dans la prochaine loi de finances, et veulent aller encore plus loin pour accélérer les rénovations performantes.
Audrey Zermati, directrice de la stratégie d'Effy, juge donc que des mesures supplémentaires « sont nécessaires pour mobiliser les financements adéquats, renforcer les compétences des professionnels, faciliter les parcours de rénovation et renforcer la confiance des consommateurs ».
Pierre-Marie Perrin, directeur des affaires publiques du groupe Hellio, critique aussi « des objectifs à l'échéance courte sans lisibilité sur le budget pour y parvenir ». Il regrette également « qu'aucun moyen ne semble alloué à la réhausse de l'obligation du dispositif CEE, qui peine aujourd'hui à participer à l'objectif de massification des rénovations énergétiques ».
Alors que le Gouvernement veut passer de 450 à 1 300 guichets de conseils France Rénov' sur les prochaines années, l'association Cler-Réseau pour la transition énergétique salue cette trajectoire qui devrait également « s'accompagner de financements stables et pérennes à la hauteur des ambitions, et s'appuyer sur la réalité et les besoins des territoires ».
Doublement des Accompagnateurs Rénov'
L'État souhaite aussi doubler le nombre d' Accompagnateurs Rénov' (publics et privés) pour passer de 2 000, actuellement, à 5 000, en 2025. Un nouveau programme national de certificats d'économies d'énergie permettra de financer les prestations de ces accompagnateurs, « en particulier, le reste à charge sera nul pour les ménages les plus modestes », promet l'exécutif. Il répond à une demande d'un collectif d'une trentaine d'acteurs, dont les membres de l'Initiative Rénovons (Cler, Fondation Abbé-Pierre, Réseau Action Climat, Coénove, etc.), Négawatt et sa filiale Dorémi, et Symbiote-Mouvement, traduite dans une lettre envoyée au Gouvernement. Ces derniers appellent aussi l'exécutif « à prévoir plusieurs centaines de millions d'euros pour l'accompagnement, au moins les premières années, le temps de rassurer les ménages sur l'intérêt de cet accompagnement et de lancer la dynamique ».
De même pour Hellio, « la création de ce programme national de CEE est salutaire puisqu'il s'agit d'un vrai pas en avant pour l'accompagnement des ménages précaires qui subissent de plein fouet la crise énergétique. Il est à espérer que ce programme soit accompagné d'un budget à la hauteur de ce nouvel objectif. »
De son côté, si Effy reconnaît « l'importance » accordée à l'accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation, il met toutefois « en garde contre une multiplication des acteurs et des interlocuteurs, qui pourrait complexifier le parcours des particuliers. Il est essentiel de veiller à une coordination efficace entre les différents acteurs et de simplifier les démarches administratives afin de garantir une expérience fluide et compréhensible pour les ménages ».
Pour rappel, le rôle de l'Accompagnateur Rénov', tiers de confiance, est d'accompagner les ménages dans les étapes de leur projet de rénovation énergétique performante ou globale de leur logement. Il n'est pas en mesure d'exécuter directement des travaux. Cet accompagnement est obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour les travaux de rénovation globale bénéficiant de l'aide MaPrimeRénov' Sérénité. À noter : à compter du 1er janvier 2024, au lieu de septembre 2023, tous les acteurs qui souhaiteront exercer les missions de Mon Accompagnateur Rénov' devront détenir l'agrément délivré par l'Anah, vient d'annoncer le ministère de la Transition écologique. Il décale aussi au 1er janvier 2024 (au lieu septembre 2023) et modifie l'obligation d'avoir recours à l'accompagnateur pour bénéficier du forfait MaPrimeRénov' rénovation globale (en remplacement de l'obligation d'accompagnement pour bénéficier du bouquet de travaux avec une aide supérieure à 10 000 euros).
Critiques sur les aides au chauffage décarboné
Les acteurs, signataires du courrier envoyé à l'État, déplorent, en outre, le maintien d'« un soutien massif » aux monogestes de travaux qu'il jugent « peu performants », avec « 8 à 9 millions de pompes à chaleur supplémentaires prévues d'ici à 2030, sans garantie de gestes d'isolation, et sans analyse des conséquences sur le réseau électrique, avec un risque de fraude excessif ». Le changement du système de chauffage « doit être couplé à une rénovation globale surtout dans les logements passoires ! », réaffirme le Cler.
Le groupe Effy épingle aussi le recentrage de MaPrimeRénov' sur l'installation de systèmes de chauffage décarbonés et considère que « cette approche vient, pour la première fois, créer une segmentation sur le marché de la rénovation énergétique, avec d'un côté les particuliers les plus modestes qui ne pourront effectuer qu'un changement de chaudière et les ménages plus aisés qui pourront rénover leur logement aux normes BBC ».