Le temps et le budget alloués par les ménages à la rénovation énergétique de leur logement peuvent nécessiter des arbitrages. Quels sont les postes de travaux à privilégier pour des rénovations « performantes » ? Dans quel ordre les réaliser ? C'est ce à quoi répondent deux études qui se sont penchées sur les maisons rénovées par étapes au niveau bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent.
Publiée en janvier dernier, l'une des études a été réalisée par l'entreprise Dorémi, spécialiste de la rénovation énergétique, et le bureau d'études Enertech pour le compte de l'Agence de la transition écologique (Ademe). La seconde étude parue en mars 2021 propose une méthodologie nationale de rénovations performantes par étapes, la « méthodologie B2C2, ou BBC par étapes ». Soutenue par l'Ademe, cette méthodologie est établie par le collectif Effinergie, le bureau d'études thermiques Pouget Consultants ainsi que Eireno, l'association des auditeurs et des contrôleurs des rénovations énergétiques en Normandie. Les recommandations de ces deux études ont été présentées le 9 juin dernier, à l'occasion d'un webinaire sur le sujet organisé par l'association Cler-Réseau pour la transition énergétique.
Avoir une vision globale
Que le chantier de rénovation énergétique soit mené en une opération de travaux (rénovation complète) ou plusieurs opérations de travaux successifs (rénovation par étapes), les auteurs des études ont souligné la nécessité d'une « vision globale » du projet de rénovation et la coordination des différents postes de travaux. L'intégralité des travaux à réaliser est définie dès le départ avec un planning sur le long terme.
L'étude de Dorémi et d'Enertech définit les conditions techniques pour qu'une rénovation d'une maison individuelle atteigne le niveau BBC, soit une consommation d'énergie primaire fixée à 80 kilowattheures par mètre carré par an (kWh/m²/an) maximum. L'étude précise le nombre d'étapes de travaux à effectuer ainsi que les risques d'« impasses » techniques en cas de rénovation partielle. Ainsi, un parcours de rénovation performante comprend nécessairement six postes de travaux : « l'isolation des murs, des planchers bas et de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, des systèmes de ventilation et de production de chauffage/eau chaude sanitaire », énumère Camille Julien, responsable d'études chez Dorémi. L'étude plafonne à trois le nombre d'étapes maximum de travaux et propose de regrouper quatre à cinq postes de travaux dans une première étape, « afin de traiter des interfaces et des interactions entre postes de travaux ». L'objectif est d'éviter les risques de pathologie du bâti liée à ces travaux, comme les moisissures.
Une bonne étanchéité à l'air est primordiale
La première étape doit « préférentiellement » viser les travaux d'isolation et de ventilation, pour éviter les pathologies et un « surdimensionnement » des systèmes de chauffage.« La ventilation doit être embarquée dès la première étape de travaux », souligne Camille Julien, afin de réduire le risque de condensation et d'améliorer la qualité de l'air intérieur. « La ventilation double-flux semble être le système le plus efficient en rénovation », ajoute-t-elle en préconisant une ventilation continue à un débit de 0,6 volume par heure.
De même, si le système de chauffage défaillant doit être remplacé en début de parcours de travaux, « il est nécessaire d'embarquer simultanément la rénovation de l'enveloppe pour réduire fortement les déperditions ». L'experte insiste également sur l'importance du traitement des interfaces (jonctions) entre les postes de travaux « afin de disposer d'une continuité de l'isolation, de la barrière freine-vapeur et de l'étanchéité à l'air ». Il est aussi nécessaire de traiter « les ponts thermiques qui pourraient créer des points froids pathogènes si l'interface entre deux postes de travaux n'est pas abordée dans sa globalité », complète l'étude. Par ailleurs, l'intégration des énergies renouvelables est « souhaitable et même parfois nécessaire » afin d'atteindre le niveau de performance visé, notamment pour le chauffage (bois, pompe à chaleur), dans les parcours en trois étapes et moins. Toutes ces recommandations concourent à éviter les pathologies et atteindre à terme un niveau BBC rénovation.
Le risque d'une rénovation inachevée
De leur côté, Angélique Sage, responsable technique chez Effinergie, et Julien Parc, ingénieur conseil rénovation chez Pouget Consultants, ont présenté la méthodologie B2C2 ou BBC par étapes, lancée en octobre 2020. La méthode s'appuie sur les préconisations du rapport de Dorémi et d'Enertech et acte un maximum de trois étapes de travaux. Elle repose sur une vision intégrale des travaux de rénovation à réaliser, un planning sur le long terme et une bonne gestion des interfaces entre les différentes parties du bâtiment « indispensable » pour une rénovation performante. Une dizaine de principes techniques sont édictées pour sécuriser et mettre en œuvre les étapes des travaux, en priorisant l'enveloppe et la ventilation. Le dispositif préconise aussi une exigence de résultat de 40 % d'économies d'énergie dès la première étape de travaux. « Il est essentiel de regrouper au maximum les lots de travaux pour traiter au mieux les interfaces entre lots et ainsi s'assurer de l'atteinte de la performance attendue, et limiter les dérangements pour les usagers ».
La rénovation BBC par étapes expérimentée par des collectivités
Cette méthodologie s'adresse principalement aux collectivités territoriales proposant des dispositifs d'accompagnement destinés aux propriétaires de maisons individuelles et de logements en petites copropriétés. Trois territoires se sont déjà engagés à expérimenter la méthodologie : la région Normandie, la région Bourgogne-Franche-Comté et Bordeaux Métropole.
Les régions Normandie et Bourgogne-Franche-Comté, au travers de leurs programmes respectifs chèque éco énergie et Effilogis, ont mis en place des dispositifs de rénovation par étapes en maison individuelle. « Ce sera l'occasion de tester la méthode de façon progressive, en vue d'une potentielle généralisation à l'ensemble du territoire », précisent Effinergie et Pouget Consultants dans leur étude. Bordeaux Métropole souhaite également débuter un programme pour la maison individuelle mais aussi les petites copropriétés. « L'intérêt est donc double : définir un programme sur un territoire n'ayant pas encore de dispositif de rénovation par étapes et le tester sur un secteur résidentiel à la peine en nombre de rénovations ».