A l'occasion du quatrième comité de pilotage de la nouvelle France industrielle, le 18 juin dernier, cinq nouvelles feuilles de route ont été validées, dont celle sur la rénovation thermique des bâtiments. Ce dernier plan doit répondre à l'objectif de 500.000 rénovations par an d'ici 2017 (1) , fixé par le Président de la République dans le cadre du plan de rénovation lancé en mars 2013. Il est piloté par Jacques Pestre, directeur général adjoint de Point P, et Marcel Torrents, président du directoire de Delta Dor.
Alors que le gouvernement travaille à la stimulation de la demande de rénovation et à l'encadrement de la performance énergétique, le groupe de travail de la nouvelle France industrielle planche quant à lui sur la structuration de l'offre, tout au long de la filière, afin "de baisser la facture pour les particuliers, et d'augmenter les volumes de rénovations". Pour y parvenir, collaboration entre professionnels et efforts de R&D sont nécessaires.
"Pour répondre à l'ambition élevée de rénovation énergétique du parc immobilier, en particulier dans le secteur résidentiel, avec 500.000 logements rénovés par an et 500.000 logements neufs d'ici à 2017, le monde du bâtiment devra opérer de profonds changements tout en investissant massivement dans l'innovation technologique et organisationnelle", souligne la feuille de route (2) .
Selon les estimations des industriels, la montée en puissance du marché de la rénovation thermique est estimée à 14 Mds€ de chiffre d'affaire (le secteur de la rénovation représente 42 Mds€ de CA).
Proposer des bouquets de travaux régionalisés
Le plan d'action de la France industrielle prévoit de créer une structure commune aux industriels et au négoce, associée aux territoires et intégrant la société civile et des organismes de recherche, pour structurer l'offre et faire émerger des solutions intégrées, performantes et à coûts maîtrisés. Le Cercle des industriels et des négoces de la rénovation (CINR) devrait voir le jour en 2014.
"L'objectif est de créer une structure juridique de type association reconnue d'intérêt public qui place les décideurs industriels et du négoce dans la même pièce et prend en main le développement de l'offre industrielle pour la rénovation énergétique du bâtiment en appui aux entreprises et artisans du bâtiment". Cette structure devra s'inscrire dans l'écosystème du secteur (autorités de régulation, structures existantes), "pour y apporter une plus-value par le savoir-faire des professionnels de l'industrie et du négoce".
Elle devra être force de propositions pour "dynamiser le marché de la rénovation (simplifications normatives ou réglementaires, outils et méthodes) en appui du futur Conseil supérieur de la construction". Le CINR sera également chargé de développer des formations pratiques, de contribuer à la massification de la rénovation énergétique en créant des plateformes régionales d'échange d'ici 2015 et de proposer une offre régionalisée de bouquets de travaux pour prendre en compte les spécificités climatiques, de bâti et d'habitat locales.
Son rôle sera également de "mettre en avant des risques de doublon ou de sous-criticité (laboratoires de recherche, pôle de compétitivité et clusters, tissus industriels sous-investis)" et de soumettre à l'Etat une stratégie R&D pour développer les matériaux et systèmes constructifs du futur dans le cadre des Investissements d'avenir, de l'Agence nationale de recherche… Un appel à manifestation d'intérêt devrait être lancé par l'Ademe pour développer de "nouvelles solutions technologiquement et économiquement viables pour un déploiement à grande échelle de la rénovation énergétique" et sur les nouvelles constructions. La rénovation 3.0, à travers la maquette numérique et la domotique, est identifiée comme l'une des solutions pour relever ces défis.
Passer de la réhabilitation à la rénovation énergétique
Parallèlement, la feuille de route prévoit de stimuler la demande. Car aujourd'hui, le marché de la rénovation porte encore trop peu sur l'amélioration de la performance énergétique. Le projet de loi de programmation pour la transition énergétique prévoit de mettre en place une obligation de rénovation thermique lors de travaux d'entretien lourds (ravalement de façade, réfection de toiture…). Une mesure soutenue par le groupe de travail. "L'objet est de profiter d'un premier investissement des maîtres d'ouvrage dans des travaux d'entretien pour, selon les cas, les inciter ou les obliger à engager des travaux d'économies d'énergie qui représenteraient un surcoût minime par rapport aux travaux envisagés, analyse le groupe de travail, ajoutant : Les travaux d'entretien lourds sont réalisés en général avec des cycles d'intervention relativement longs".
Cette mesure devrait permettre de réaliser des économies annuelles de 1.300 MWh ep (3) sur le seul secteur résidentiel et rapporter 950 M€ de chiffre d'affaires supplémentaires, estime la feuille de route.
Les industriels demandent aussi la publication des conditions de mise en œuvre de l'obligation de rénovation des bâtiments tertiaires prévues par la loi et l'accompagnement du plan de fiabilisation du DPE. Ils souhaitent également contribuer à la définition du passeport de rénovation énergétique du bâtiment qui, selon eux, est un carnet de santé, d'entretien, tenu par un tiers de confiance. Le groupe de travail souhaite expérimenter dès 2015 ce dispositif. "Pour les copropriétés, ce passeport pourrait se substituer au carnet d'entretien déjà prévu par la loi (et qui peut servir de base de retour d'expérience)".
Améliorer les aides publiques et leur efficacité
Réindustrialiser la France
Sur les 34 feuilles de route qui doivent être publiées d'ici le 14 juillet, 21 ont déjà été validées au 19 juin. Une dizaine de groupes de travail planche sur des problématiques environnementales : industries du bois, qualité de l'eau, réseaux électriques intelligents, bornes électriques de recharge, voiture consommant moins de 2 litres aux 100 km… Elaborées par des représentants d'entreprises et de l'Etat, les feuilles de route doivent définir une stratégie industrielle à dix ans. "Ces plans auront un rôle moteur dans la création d'activités et d'emplois en France grâce aux engagements réciproques de l'Etat et des entreprises", estime le ministère de l'Economie.
Le groupe de travail soutient également le développement de la mention Reconnu garant de l'environnement (RGE), visant à encourager "la montée en compétence des professionnels du bâtiment et la prévention de la sinistralité pour susciter l'envie de travaux de rénovation énergétique". Alors que les aides publiques (Eco-PTZ, CIDD) seront bientôt conditionnées au recours à un professionnel RGE, il préconise d'étendre cette éco-conditionnalité aux certificats d'économie d'énergie (CEE) en 2016 et aux prêts privés garantis.
La feuille de route souligne le "rôle essentiel des fédérations, des industriels et du négoce pour réussir le pari de la formation massive au RGE tout au long de 2014 (pour le CIDD) et 2015 (pour les CEE). La montée en compétence et le nombre d'artisans formés est la clef de voûte de tout le reste". Ce label devra être amélioré progressivement et les professionnels être formés régulièrement pour être au fait des nouveaux procédés et innovations, précise le document. Les industriels demandent par ailleurs l'extension au négoce de la mention RGE afin de définir "l'implication des points du négoce dans le développement du label".