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Actu-Environnement

REP mégots : les fabricants de cigarettes acceptent mal leurs nouvelles obligations

Le cahier des charges de la filière de responsabilité élargie des producteurs de produits de tabac est paru. Les fabricants de cigarettes ont tout fait pour abaisser le coût financier du dispositif et y sont partiellement parvenus.

Déchets  |    |  P. Collet
Actu-Environnement le Mensuel N°412
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°412
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En novembre dernier, le lancement de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de produits du tabac semblait bien partie : le cadre réglementaire du dispositif censé s'appliquer dès janvier était en cours de finalisation et le projet de cahier des charges applicable au futur éco-organisme recevait un avis favorable de la commission inter-filières REP (Cifrep).

Mais c'était sans compter sur l'offensive des producteurs de tabac qui ont obtenu une révision du projet du ministère de la Transition écologique afin de limiter le soutien financier apporté aux collectivités locales chargées du nettoiement des mégots jetés par les fumeurs. Une troisième version, bien plus édulcorée, a même circulé en janvier. Mais les cigarettiers ont échoué à la faire valider.

Trop ambitieux et trop cher pour les cigarettiers

Le 24 novembre, un premier cahier des charges recevait un accueil mitigé de la part des parties prenantes. Malgré tout, celui-ci recevait un avis favorable de la Cifrep, avec 12 voix pour, cinq voix contre et sept abstentions. Parmi les abstentionnistes figuraient les représentants des collectivités locales qui déploraient que cette nouvelle filière ne prenne pas en charge la gestion des mégots collectés avec les ordures ménagères résiduelles (OMR). L'enjeu n'est pas là, leur a répondu le ministère de la Transition écologique, puisqu'il estime que « le coût de gestion des mégots résulte essentiellement des coûts de nettoiement et des coûts de la collecte au travers de la mise à disposition de cendriers de rue ». La gestion des mégots collectés en OMR « serait de l'ordre du million d'euros par an compte tenu des quantités en masse qui sont très faibles par rapport à d'autres types de déchets ».

Les critiques formulées par les fabricants de cigarettes sont d'une toute autre ampleur : le dispositif met l'accent sur le nettoiement des mégots (plutôt que de sensibiliser les fumeurs) ; les objectifs sont trop ambitieux (réduction des mégots « abandonnés illégalement » de 20 % en trois ans, de 35 % en cinq ans et de 40 % en six ans) ; le périmètre inclut les producteurs qui proposent des filtres sans plastique ; l'éco-contribution pose des questions fiscales ; et, surtout, la REP coûte beaucoup trop cher… D'où le vote négatif du Mouvement des entreprises de France (Medef) qui dispose de deux représentants, de l'Association française des entreprises privées (Afep) et de l'Alliance recyclage.

De 0,5 à 2,08 euros par habitant et par an

L'argument financier est de loin le plus sensible. Au cœur des débats figurent l'évaluation présentée dans la cadre de directive SUP (SUP pour single-use plastics) et celle présentée par le ministère. Lors de l'adoption de la directive SUP, qui impose aux fabricants de cigarettes le financement du ramassage des mégots, le coût de nettoiement était évalué à 5 millions d'euros (M€) selon les cigarettiers. Or, le projet de cahier des charges soumis à la Cifrep s'appuie sur une évaluation de 100 M€ (sur la base d'une étude commandée au cabinet Berger)…

Concrètement, le projet des pouvoirs publics prévoit que le futur éco-organisme verse 2,08 euros par habitant et par an (€/hab/an) aux communes de plus de 50 000 habitants, 1,58 €/hab/an aux communes touristiques, 1,08 €/hab/an aux communes dont le nombre d'habitants est compris entre 5 000 et 50 000, et 0,5 €/hab/an aux communes de moins de 50 000 habitants. Les producteurs de tabac vont alors tout faire pour abaisser ce barème.

Réduction des versements en 2021 et 2022

En janvier, l'industrie du tabac obtient un arbitrage favorable à Matignon. Un cahier des charges modifié est alors soumis à la Cifrep. Cette nouvelle version, qui vient d'être publiée au Journal officiel, reçoit un avis défavorable de la Cifrep. Elle comporte plusieurs mesures qui allègent la facture. Tout d'abord, le barème de novembre est maintenu, mais les entreprises obtiennent une réduction de moitié du montant par habitant la première année et de 25 % la deuxième. Une « approche qui permet une montée en charge progressive », commente un acteur qui a suivi l'ensemble des négociations.

Ensuite, le nouveau texte précise que les versements n'interviendront « qu'à compter de la signature des contrats avec les collectivités locales » et ne financeront pas les opérations de nettoiement antérieures. Cette disposition revient à ne pas financer le début de l'année 2021, puisqu'aucun contrat ne devrait être signé avant l'été. En outre, le cahier des charges modifié ajoute des contraintes susceptibles de ralentir les signatures : les collectivités doivent notamment fournir un programme de nettoiement des mégots et justifier la réalisation de ces opérations.

Enfin, le nouveau cahier des charges prévoit que l'éco-organisme, l'Agence de la transition écologique (Ademe) et les collectivités lancent une évaluation des coûts des opérations de nettoiement. L'éco-organisme pourra proposer de réviser le barème sur la base de cette étude et d'une évaluation du nombre de mégots abandonnés.

Un barème « écrasé »

Malgré ces aménagements en leur faveur, les fabricants de cigarettes ont tenté une dernière manœuvre pour réduire la facture. À la veille de la réunion de la Cifrep de janvier, les pouvoirs publics ont reçu le détail d'un projet d'accord entre l'Association des maires de France (AMF), la Confédération des buralistes, et Alcome, le probable futur éco-organisme.

Selon les informations obtenues par Actu-Environnement, l'accord propose un barème « écrasé ». En 2021, le soutien proposé aurait été compris entre 0,02 et 0,15 €/hab/an selon les communes. La comparaison est délicate (le projet d'accord redéfinissait aussi les catégories de communes), mais ces montants sont bien loin de ceux inscrits dans le second projet ministériel (de 0,25 à 1,04 €/hab/an, en tenant compte de la réduction applicable en 2021). Ensuite, ces montants auraient dû augmenter pour atteindre en 2023 de 0,04 à 0,30 €/hab/an, contre 0,50 à 2,08 €/hab/an dans le projet du ministère. Ce dernier ne serait entré en vigueur qu'en 2024, sauf si des études montraient qu'il n'avait pas lieu d'être.

Selon les promoteurs de l'accord, les sommes versées auraient atteint 5,8 M€ en 2021, 8,7 M€ en 2021 et 11,6 M€ en 2023. En admettant, bien sûr, que l'ensemble des collectivités aient contracté avec l'éco-organisme, ce qui semble hautement improbable pour 2021, voire même les années suivantes…

Réactions3 réactions à cet article

Les industriels du tabac restent de toute évidence fidèles à leurs primes amours pour la dérégulation, l'écran de fumée (de cigarette ?) et l'intox des décideurs (tout autant que les fumeurs et leur entourage soumis au tabagisme passif).
L'ouvrage Les gardiens de la raison, co-écrit par Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Sylvain Laurens et publié l'an dernier aux éditions La Découverte, montre fort bien comment ils ont dûment menti et intrigué durant des décennies et ont largement inspiré en cette voie les industriels des pesticides, des OGM, du nucléaire, de l'agroalimentaire, les climatosceptiques et autres anti-écologie démagogiques.

Pégase | 22 février 2021 à 13h57 Signaler un contenu inapproprié

Plutôt que ces tractations de marchands de tapis, ne serait il pas plus utile, de contraindre les cigarettiers à ne plus mettre de plastique dans leurs filtres? Tous les filtres ne sont pas récoltés et ceux qui sont abandonnés dans la nature polluent gravement pour des dizaines d'années, quant à ceux qui sont collectés, ils finissent à l'incinération et donc contribuent à la pollution de l'air, par la combustion du plastique. Résoudre la gestion des déchets par l'argent, pourquoi pas, encore faut il le mettre au bon endroit.

la souris verte | 24 février 2021 à 10h56 Signaler un contenu inapproprié

La solution de supprimer les plastiques n'est pas suffisante: il y a des substances toxiques et polluantes dans les mégots. C'est le geste de jeter le mégot qu'il faut supprimer: il faut habituer le citoyen à ne pas jeter de déchets par terre, en ville ou en milieu naturel.

PG | 01 mars 2021 à 09h29 Signaler un contenu inapproprié

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