La décision sur le partage de l'effort est la pierre angulaire du dispositif européen de lutte contre le réchauffement global. Deux grandes législations forment en effet l'architecture du "paquet" climatique de l'Union européenne : le marché carbone européen, dit ETS (European Trading Scheme), en cours de réforme, et la décision sur le partage de l'effort, dite ESD (Effort Sharing Decision). La contribution de l'Europe à la stabilisation de la hausse des températures sera en grande partie déterminée par cette pièce maîtresse des instruments de politique climatique.
De fait, la décision sur le partage de l'effort porte sur environ 60% des émissions de gaz à effet de serre (GES) totales de l'UE – en provenance des secteurs des transports, de l'agriculture, des déchets, et du chauffage et du refroidissement des bâtiments. L'enjeu de l'ESD est de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux Etats-membres en fonction de leur poids économique.
Eviter les échappatoires
Ces objectifs supposent de plafonner le budget carbone européen à 22,6 milliards de tonnes de CO2 équivalent. Ils devraient se traduire par un plafond fixant la quantité que chaque pays membre est autorisé à émettre chaque année, secteur par secteur. La somme de ces budgets annuels sectoriels doit équivaloir au budget carbone total de l'UE sur la période 2021-2030.
Or, le bilan de la première période, 2013-2020, du "partage de l'effort" est mitigé car dès le départ, les plafonds fixés étaient trop bas et ont été atteints avant-terme. Le mode de comptabilisation des émissions n'est pas étranger à une telle indulgence.
La discussion porte également sur la référence de la suite des trajectoires : soit elle est révisée en fonction des émissions réelles de chaque pays de l'UE en 2020, soit elle reprend les objectifs nationaux tels que fixés initialement. Selon les calculs de l'Okö Institute, ne pas revoir ces références reviendrait à accorder un bonus de 751 millions de tonnes de CO2 équivalent aux Etats-membres.
Autres échappatoires, les puits forestiers. Les crédits carbone issus du maintien des forêts sont exclus du paquet Energie-Climat 2020, mais les chefs d'Etat et de gouvernement se sont mis d'accord lors du Conseil d'octobre 2014 pour les intégrer dans le Paquet 2030, sous la pression des pays forestiers. Selon l'Okö Institute, ceci entraînerait un bonus de 1,35 milliard de tonnes de CO2 équivalent dans la répartition de "l'effort" pour 2030. Soit, pour les Etats-membres, une réduction purement comptable de leurs émissions.
En outre, lors du Conseil de 2014, les Etats-membres ont décidé que certains pays pourront utiliser leurs surplus de quotas d'émission ETS pour atteindre leurs objectifs ESD. Au final, l'addition de ces échappatoires (surévaluation du budget carbone des Etats-membres + puits forestiers + mécanismes internationaux de compensation + quotas excédentaires de CO2) pourrait permettre à l'Europe d'augmenter ses émissions plutôt que les réduire après 2020.
Des retards probables dans les négociations du partage de l'effort
Le Brexit ne simplifie pas ces débats. Au Parlement européen, le rapporteur écossais sur le marché des quotas, le conservateur Ian Duncan, a démissionné. Et les interrogations sur le maintien du Royaume-Uni dans les calculs de répartition de l'effort inaugurent une période d'incertitudes. La Commission a cependant annoncé que sa proposition de réforme serait présentée avant les vacances d'été, le 20 juillet. L'absence des Britanniques pourrait alourdir l'addition pour les autres Etats-membres, car le Royaume-Uni s'était doté d'objectifs climatiques ambitieux et se montrait pro-actif dans la fédération d'Etats européens progressistes en la matière.