"Les Etats membres ont d'importants progrès à faire, et la Commission a des efforts à accomplir pour mieux contribuer à la réalisation des objectifs ambitieux de la stratégie de l'UE en matière de biodiversité à l'horizon 2020", a indiqué la Cour des comptes européenne, dans son rapport sur le réseau Natura 2000 (1) . Dans une stratégie lancée en 2011, l'Union européenne s'est fixée comme objectif une meilleure application des textes qui encadrent le réseau Natura 2000 - les directives oiseaux et habitat - pour enrayer la disparition des espèces. Ainsi, elle souhaite que d'ici 2020, 100% des évaluations réalisées sur les habitats et 50% des évaluations réalisées sur les espèces concluent à un niveau de conservation amélioré.
Des précédents bilans déjà mitigés
Pour établir son rapport, la Cour des comptes européenne s'est rendue auprès de diverses autorités dans cinq Etats membres dont le territoire couvre huit des neuf régions biogéographiques de l'Union européenne : l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Pologne et la Roumanie. Elle a visité 24 sites Natura 2000 et rencontré des représentants d'associations d'agriculteurs et des organisations non gouvernementales (ONG) environnementales. Elle a également réalisé une enquête auprès des 23 autres Etats membres.
Une gestion insuffisante du réseau Natura 2000
Premier constat : les Etats membres n'ont pas suffisamment bien géré le réseau Natura 2000. La coordination entre les autorités et les parties prenantes dans les Etats membres n'a pas été suffisamment développée. Ce problème a notamment été constaté en France. "Les services de l'environnement ne disposaient pas de toutes les informations sur la mise en œuvre des mesures agro-environnementales par les autorités agricoles comme le nombre d'agriculteurs et de zones concernés, les types de mesures et le montant des fonds publics consacrés aux sites Natura 2000", développe la Cour des comptes européenne. En revanche, elle a salué la mise en place du comité de pilotage des sites Natura 2000 en France regroupant des représentants du secteur public, des autorités régionales, des associations locales et professionnelles, des organisations de protection de la nature, des associations d'utilisateurs des terres, etc.
La Cour note également que des retards importants ont affecté le classement de sites en tant que zones spéciales de conservation dans la plupart des Etats membres. "Un tiers des 22.419 sites d'importance communautaire reconnus en janvier 2010 n'avaient toujours pas le statut de zone spéciale de conservation en janvier 2016, c'est-à-dire après l'expiration du délai de six ans", rappelle-t-elle. Les Etats membre ont été également négligeants dans les délais concernant les mesures de conservation ou leurs définitions. En France, les mesures de conservation fixées dans les plans de gestion n'ont d'une manière générale pas été définies avec précision et rarement été accompagnées d'un échéancier pour leur réalisation. Sur les 24 sites visités, seuls douze disposaient d'un plan de gestion, dont trois n'avaient pas encore commencé leur mise en œuvre et quatre de manière partielle.
L'évaluation des projets ayant une incidence sur les sites à revoir
Autre point d'amélioration à engager : l'évaluation des projets ayant une incidence sur les sites Natura 2000. Sur les 47 projets examinés par la Cour, deux n'ont pas été approuvés à l'issue de l'évaluation, pour 34 les évaluations n'ont pas été effectuées de façon cohérente et exhaustive et pour six, il était impossible de tirer des conclusions sur la base de la documentation disponible.
La Cour s'est également penché sur les mesures compensatoires qui doivent être adoptées pour les projets réalisés dans ces sites d'intérêts généraux. "Aucun des projets examinés dans les Etats membres visités ne comportait de mesures compensatoires, a constaté la Cour. Alors que les sites Natura 2000 établis se comptent par millier, l'Allemagne avait notifié 63 mesures compensatoires, l'Espagne 11, la France trois, la Pologne huit et la Roumanie trois. Cela donne à penser que les Etats membres visités ont probablement adopté des approches différentes en ce qui concerne l'application concrète de mesures compensatoires".
Un système de suivi et de surveillance inadéquat
La Cour souligne que les Etats membres n'ont pas bien mobilisé les fonds de l'UE pour financer la gestion du réseau Natura 2000. Ainsi, la Commission n'a pas pu connaître le montant des fonds de l'UE affectés à Natura 2000 : les données fournies par les Etats membres étant très limitées. De la même manière, les documents de programmation 2014-2020 des différents fonds de l'UE ne reflétaient pas réellement les besoins de financement recensés dans les cadres d'action prioritaire.
Enfin, le rapport souligne différents manques dans le système de suivi et de surveillance. La Cour regrette qu'aucun système d'indicateurs de performance spécifique du réseau Natura 2000 n'ait été défini. De la même manière, aucune approche commune aux différents programmes et fonds n'a été adoptée au niveau des Etats membres ni à celui de l'UE.
Seules l'Espagne, la France et la Roumanie, parmi les cinq Etats membres visités, disposaient de plans détaillés pour assurer la surveillance de l'état de conservation de certains habitats naturels et espèces. Néanmoins, "en France, la mise en œuvre de ces plans était restée incomplète ou avait été différée en raison de son coût élevé", soulève la Cour. Les Etats membres pèchent également dans la remontée des informations auprès de l'UE.
Dans sa réponse à la Cour des comptes, la Commission européenne a assuré envisager l'adoption en 2017 d'un plan d'action pour améliorer la mise en œuvre des directives oiseaux et habitat. "Les autorités des Etats membres choisissent librement la manière dont elles gèrent et financent le réseau Natura 2000", a-t-elle également souligné.