Comment augmenter le nombre d'usagers raccordés aux réseaux de chaleur ? Pour le Plan bâtiment durable, "il conviendrait que les réseaux de chaleur (…) présentent également un intérêt économique, comparés aux autres solutions de chauffage", car la motivation des acteurs qui se raccordent aux réseaux est principalement économique. Il est donc indispensable d'être particulièrement attentif à la compétitivité économique des réseaux.
Mercredi 30 mars, le Plan a publié un rapport et soumis 34 propositions pour améliorer l'attractivité économique des réseaux.
Faible performance des renouvelables
Aujourd'hui, le prix de l'énergie délivrée par un réseau de chaleur peut varier de 1 à 4 autour de la moyenne. Ainsi, constate le Plan, en 2012, pour une moyenne de 80 euros TTC par MWh (50% des usagers bénéficiaient d'un tel prix jugé compétitif), les prix variaient de 35 euros à plus de 140 euros. Si certains prix élevés cachent de vrais problèmes de compétitivité, "ces écarts de prix trouvent le plus souvent une explication et ne signifient pas nécessairement que les 12% des réseaux pour lesquels le prix à payer était supérieur de 30% par rapport au tarif moyen ne soient pas compétitifs".
Tout d'abord, l'étude note que parmi les réseaux les moins performants économiquement figurent "certains réseaux anciens, construits dans les années 1950-1980". Leurs installations sont vétustes, aussi bien s'agissant de la production que de la distribution. Cette vétusté s'accompagne de "modes et calculs de tarifications inadaptés". "La durée des concessions accordées (20 à 35 ans, souvent renouvelées), le faible enjeu économique pour les maîtres d'ouvrage (ce sont les usagers qui, au travers de leurs factures, payent les investissements et les consommations) et, tout simplement, le poids des années, n'ont pas participé à une remise en cause ni à une recherche permanente de l'excellence économique", estime le Plan.
La seconde raison de la faible compétitivité de certains réseaux est liée à des coûts de production "anormalement élevés". Cette fois-ci, ce sont les réseaux les plus récents qui sont pointés du doigt, et en particulier ceux qui recourent aux énergies renouvelables. "Leur intention première était sûrement d'être exemplaires (…) mais il semblerait que le volet [économique] ait été oublié en chemin", critique le rapport. D'un point de vue économique, l'énergie la plus rentable, selon le rapport, est la chaleur récupérée de l'incinération des déchets et utilisée en "base". Certes, la géothermie et la cogénération permettent de moduler la production en fonction des besoins, mais l'amortissement des investissements "n'en sera que plus difficile". Quant aux chaudières biomasse, elles ajoutent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent : souplesse de modulation limitée (du fait de l'inertie de la combustion du bois) et dégradation du rendement et de la durée de vie en fonctionnement à faible taux de charge. "Les seules énergies qui permettent de moduler aisément les puissances de chauffe (…) sont le gaz et le fioul", estime le Plan qui justifie ainsi le recours aux chaudières multi-énergies.
Assujettir les subventions à la rentabilité
Pour remédier aux problèmes économiques identifiés par le Plan, le rapport soumet quatre séries de recommandations. Tout d'abord, il s'agit de mieux connaître les réseaux. Pour aller au-delà des statistiques du ministère de l'Environnement, le rapport suggère de rendre exhaustives les enquêtes annuelles et de les modifier pour pouvoir évaluer la rentabilité économique des réseaux. Il convient aussi d'inclure les réseaux publics universitaires dans les études. L'objectif est ici d'identifier l'origine des "situations anormales".
La deuxième série de propositions s'intéresse au cœur du problème : l'amélioration de la compétitivité économique des réseaux les moins performants. Pour cela, le Plan propose d'imposer des audits juridique et technique des réseaux. Ces audits seraient réalisés par des professionnels agréés et assortis de propositions d'amélioration. Les travaux d'amélioration proposés pourraient être financés par des aides publiques, et notamment celles du Fonds chaleur. Plus globalement, le rapport propose de conditionner l'obtention des subventions publiques à des obligations de rentabilité économique. Le plan recommande aussi d'assujettir l'attribution des subventions du Fonds chaleur aux quantités de chaleur non seulement produites mais aussi consommées.
Quant aux acteurs en charge de la conception, de l'exploitation et de la maintenance des réseaux, ils devraient être assujettis à des systèmes de certification professionnelle spécifiques. Le dispositif s'inspire de celui applicable au chauffage, à la plomberie ou aux installations électriques.
Enfin, une dernière série de propositions doit permettre d'augmenter le nombre d'usagers raccordés à un réseau existant. Ce point vise en particulier les réseaux utilisant majoritairement des énergies renouvelables ou l'énergie récupérée de l'incinération des déchets. L'objectif est ici d'améliorer la compétitivité en réduisant proportionnellement la part fixe du prix de la chaleur. Il propose, en particulier, de subventionner les travaux de raccordement via le Fonds chaleur et de les faire bénéficier du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Le rapport suggère aussi d'imaginer un mécanisme de garantie de l'avantage économique des projets, face à des aléas tels qu'une forte baisse du prix d'énergies fossiles concurrentes.