Quelles méthodes utiliser pour identifier les risques liés à l'exposition de résidus de médicaments dans l'eau potable (1) ? L'Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail (Anses) a tenté de répondre à cette question. Elle a élaboré une méthode générale et testé son application sur un médicament destiné à l'homme, la carbamazépine et une molécule à usage véterinaire, la danofloxacine. La sélection de deux substances par l'Anses n'est pas sans raison : elles ont déjà été quantifiées lors d'une précédente campagne d'analyses (2) de résidus de médicaments dans l'eau.
Les résultats de ce premier travail montraient une présence de la carbamazépine à des concentrations pertinentes dans 4% des échantillons et dans 7,6% pour son dérivé, la 10,11-époxyCBZ. De la même manière, la danofloxacine a été quantifiée dans 2 des 285 échantillons. Aucune donnée n'est en revanche disponible concernant la présence de son résidu, le déméthyldanofloxacine.
"Ces résultats ne donnant qu'une image instantanée de la contamination, il n'est pas possible d'apprécier l'exposition réelle de la population à ces molécules", modère toutefois l'Anses.
Pour garantir une marge de sécurité, l'agence a notamment choisi de réaliser son évaluation avec une exposition journalière supérieure à la concentration maximale mesurée. Elle l'a complété avec des approches alternatives avec la posologie minimale journalière.
Ses conclusions ? Pour les deux molécules, au vue des données toxicologiques actuellement disponibles, le risque sanitaire peut être considéré comme négligeable.
L'agence nuance toutefois ces résultats en soulignant le manque d'information sur ces questions et le besoin d'études de toxicité chronique.
"L'évaluation de la toxicité chronique des principes actifs se heurte à un manque de données, principalement pour les médicaments à usage humain, parce qu'elles sont, soit inexistantes, soit inaccessibles, souligne l'Anses, de plus, les données du dossier d'autorisation de mise sur le marché (AMM) et de la pharmacovigilance sont difficilement extrapolables à des doses nettement inférieures aux doses thérapeutiques et à la population générale".
Autre limite de l'étude : ces molécules s'avèrent rarement seules dans l'eau, et le risque doit s'analyse à travers le filtre de possibles interactions et effets cumulatifs de ce cocktail de substances.
Si des études montrent aujourd'hui la présence de nombreux médicaments et leurs dérivés dans l'eau potable, - à des concentrations du nanogramme au microgramme par litre - la réglementation relative à la qualité des eaux ne prévoit toujours pas de les rechercher.
L'association française de normalisation (Afnor) a toutefois élaboré une norme expérimentale, pour "mieux détecter la présence de résidus de médicaments dans l'eau".