L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a publié le 12 février son dernier rapport sur les résidus de pesticides dans l'alimentation. Ainsi, pour l'année 2010, 97,2% des échantillons testés présentent des taux de résidus se situant dans les limites européennes légales (limites maximales de résidus, LMR). L'exposition alimentaire à ces résidus ne présente pas de risque à long terme pour la santé des consommateurs, estime l'Efsa, qui exclut également les risques à court terme dans 99,6% des cas. Mais "cette conclusion est fondée sur le scénario le plus pessimiste, avec l'hypothèse de consommation de la portion la plus importante d'un type d'aliment contenant le taux le plus élevé mesuré pour chaque pesticide", précise l'agence.
L'association Générations futures fait une autre lecture de ces résultats : "La contamination des aliments reste à un haut niveau, avec 65% des fruits et 39% des légumes contenant des résidus en moyenne en Europe".
2,8% des échantillons dépassent les limites légales
En 2010, plus de 77.000 échantillons de près de 500 types différents d'aliments ont été analysés par les autorités nationales compétentes. Au total, les résidus de 328 pesticides différents ont été trouvés en quantité mesurable dans les légumes, 301 dans les fruits et noix et 88 dans les céréales. Dans 2,8% des échantillons, les limites légales ont été dépassées pour un ou plusieurs pesticides. Plus de la moitié des échantillons présentaient des niveaux en deçà de la limite détectable (50,7%).
Générations Futures "s'étonne cependant des différences entre les chiffres français et, par exemple, les données allemandes, pays ou le document de l'EFSA nous dit que 77% des fruits et 50% des légumes contiennent des résidus de pesticides".
Selon l'association, cette différence proviendrait de l'échelle du test. Tout d'abord, l'Allemagne teste plus d'échantillons que la France. "La France se situe parmi les derniers pays européens au nombre d'échantillons analysés par tranche de 100.000 habitants [8 contre 21 pour l'Allemagne]". De même, tandis que l'Allemagne recherche 788 molécules, la France en évalue 332.
L'association demande donc que "la France aligne ses standards sur ceux de l'Allemagne en matière de recherche de résidus de pesticides, en augmentant fortement le nombre de molécules recherchés et le nombre d'échantillons analysés afin d'offrir à nos concitoyens la meilleure sécurité sanitaire possible", déclare François Veillerette, porte parole de Générations Futures.
La législation européenne n'impose la recherche que de 178 pesticides, 157 dans l'alimentation d'origine végétale et 34 dans les aliments d'origine animale.
"Les taux de dépassement des LMR pour les aliments importés dans l'UE, en Norvège et en Islande se sont révélés plus de cinq fois plus élevés que ceux des aliments produits dans ces pays : 7,9% contre 1,5%", souligne l'Efsa.
L'avoine présente le plus fort taux d'échantillons au dessus de la LMR (5,3%), suivie par la laitue (3,4%), les fraises (2,8%), les pêches (1,8%), les pommes et les poires (1,3%). Au contraire, les plus faibles taux de dépassement des LMR ont été observés dans les aliments d'origine animale, avec 0,1% des échantillons dépassant les limites autorisées. Globalement, les pêches sont les aliments qui affichent le plus fort taux de présence de résidus de pesticides (73%), avec les pommes et les fraises (68%).
Plus de 1.800 échantillons d'aliments pour bébés ont été testés : 154 d'entres eux, soit 8,4%, présentent des traces de pesticides et 36, soit 2%, présentent des valeurs au dessus des LMR. Mais l'Efsa recommande d'améliorer les méthodologies de recherche, car toutes ne permettent pas de détecter les pesticides au niveau de la LMR spécifique aux aliments pour bébé (0,01 mg/kg).
Concernant les produits alimentaires issus de l'agriculture biologique, les valeurs des LMR sont les mêmes que celles appliquées aux produits issus de l'agriculture conventionnelle. "L'analyse de 3.571 échantillons de produits de l'agriculture biologique révèle un taux de dépassement des LMR de 0,8 %", indique l'Efsa. Au total, 131 pesticides différents ont été trouvés dans les produits biologiques, 26 pesticides ont été trouvés dans au moins cinq échantillons. "Il est à noter que 25 des ces 26 substances ne sont pas autorisées dans l'agriculture biologique", souligne l'Efsa, qui indique que cette présence peut provenir notamment d'une pollution de l'environnement par des pesticides persistants.
"De façon générale, les taux de dépassement des LMR ont été stables pendant les quatre dernières années, avec un pourcentage d'échantillons dépassant les limites légales de 2,3 % en 2007 à 1,2 % en 2009", analyse l'Efsa. Mais Générations futures dénonçait récemment la méthodologie de calcul retenue par l'UE pour ce rapport 2010. Celle-ci se baserait sur le niveau d'incertitude le plus bas (-50%), ce qui équivaudrait à diviser par deux le niveau de pesticides retrouvé dans les aliments. Ce qui "conduit à une chute artificielle du pourcentage de fruits et légumes contenant des pesticides au-delà des LMR".
Etude pilote pour évaluer les risques cumulés
Dans 26,6% des échantillons analysés, deux ou plusieurs pesticides ont été détectés. L'Efsa a donc profité de ce rapport pour tester une méthodologie en cours de développement, qui vise à évaluer les risques liés à la présence de plusieurs résidus dans le même aliment. "Ce projet pilote aidera à mettre en œuvre de façon pratique cette méthodologie pour les futurs rapports sur les résidus de pesticides. Ce n'est toutefois qu'une première étape et des travaux additionnels devront encore être entrepris par les experts scientifiques de l'EFSA et des États membres pour affiner la méthodologie et les données collectées", indique l'agence. "C'est pourquoi l'évaluation pilote des risques cumulés présentée dans le dernier rapport se concentre sur la méthodologie plutôt que sur les résultats, qui sont actuellement peu concluants car ils souffrent d'un haut degré d'incertitude", ajoute Herman Fontier, chef de l'unité Pesticides de l'Efsa.
Pour évaluer les risques liés à une multi-exposition, l'Efsa se penche sur les pesticides présentant des propriétés toxicologiques similaires. En effet, en 2008, le groupe scientifique sur les produits phytosanitaires et leurs résidus (PPR) publiait un avis sur tous les types de toxicité combinée des pesticides et concluait que seuls les effets cumulés résultant d'une exposition simultanée à des substances ayant un mode d'action commun étaient préoccupants et devaient faire l'objet d'un examen plus approfondi.
L'Efsa travaille actuellement sur l'identification des pesticides à inclure dans des groupes d'évaluation cumulée, sur la base de leur profil toxicologique. Elle doit publier un avis scientifique sur ces groupes communs d'évaluation au printemps 2013.