A partir de compilations de données Eurostat, l'Agence européenne de l'environnement a établi, dans Progress on Resource Efficiency, rapport diffusé le 2 juin, un baromètre des ressources utilisées, de la croissance en termes de points de PIB qui en résulte, et de la proportion d'emplois créés, afin de tenter de mesurer les progrès réalisés en matière d'efficacité de l'usage des matières premières dans chaque secteur économique. En d'autres termes, il s'agit de mesurer le degré de découplage entre création de valeur économique, consommation de ressources primaires et impacts sur l'environnement.
"Le découplage peut prendre plusieurs formes : un découplage relatif est réalisé quand le taux de croissance d'une pression environnementale (par exemple l'utilisation de ressources ou le dégagement d'émissions) est plus bas que le taux de croissance d'une activité économique. Le découplage absolu se concrétise quand la pression environnementale corrélative demeure soit stable, soit décroît tandis que l'activité économique augmente", pose l'Agence européenne de l'environnement. Il s'agit de déconnecter pression environnementale et croissance économique.
Un enjeu d'autant plus complexe que les données collectées pour mesurer le découplage secteur par secteur et pays par pays au sein des 28 membres de l'Union européenne sont insuffisantes pour mesurer les circulations de matières et de déchets, ainsi que le souligne Advancing ressource Efficiency in Europe, une monographie récemment publiée par le Bureau européen de l'environnement dans la perspective de la révision de la directive européenne sur les déchets. La précision des indicateurs est cruciale, dans la perspective du "paquet" sur l'économie circulaire que prépare actuellement la Commission européenne, qui prévoit de fixer un taux de 70% de recyclage des déchets solides dans les municipalités et de 80% pour les déchets d'emballage d'ici à 2030.
Explosion de consommation de ressources naturelles
Dans un contexte de surconsommation de ressources, les avocats du découplage voient dans l'efficacité de l'usage des ressources le salut de l'économie de croissance. Faire plus avec moins, c'est le credo du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) qui, dans un rapport alarmiste diffusé le 7 juin, s'inquiète de l'augmentation rapide des prix - 176% pour les métaux, 350% pour le caoutchouc et 260% pour l'énergie depuis 2000 – le "signe d'une tendance potentiellement désastreuse d'accroissement des coûts, les modes de consommation actuels épuisant rapidement les ressources non renouvelables de la planète".
"L'utilisation des ressources naturelles s'est accélérée au niveau mondial — l'extraction annuelle des matières premières a augmenté d'un facteur de huit au cours du XXe siècle — causant de graves dommages environnementaux ainsi que l'épuisement des ressources naturelles", a déclaré Achim Steiner, secrétaire général adjoint de l'Organisation des Nations unies et directeur exécutif du PNUE. "Cette dangereuse explosion de la demande devrait encore s'accélérer du fait de la croissance de la population et de l'augmentation des revenus."
Selon le PNUE, la mise en œuvre de technologies existantes et de politiques appropriées visant à améliorer la productivité des ressources permettrait d'économiser, au niveau mondial, jusqu'à 3.700 milliards de dollars par an et de protéger la croissance économique future des effets néfastes d'une pénurie de ressources, d'une volatilité des prix et des incidences environnementales. Exemples : des améliorations d'environ 60 à 80% de l'efficacité de l'utilisation de l'eau et de l'énergie sont commercialement viables dans des secteurs tels que la construction, l'agriculture, l'hôtellerie et la restauration, l'industrie et les transports. Des technologies avancées en matière de fours permettraient de réaliser une réduction pouvant aller jusqu'à 40% de l'intensité énergétique pour la fusion et la transformation du zinc, de l'étain, du cuivre et du plomb.
Quand l'effet rebond efface le découplage
Dans ce contexte, l'Agence européenne de l'environnement souligne qu'en Europe, l'agriculture, la production électrique et les transports sont à l'origine de la majorité des émissions atmosphériques, mais la contribution de ces secteurs à la croissance économique et à la création d'emplois s'avère proportionnellement plus faible que leurs impacts environnementaux. Le découplage est variable selon les secteurs, mais ne relève pas de changements structurels de l'économie et demeure insuffisant pour réaliser les objectifs du 7e Programme européen d'action pour l'environnement. Des progrès significatifs peuvent être réalisés si les entreprises imposent des standards environnementaux minimaux à leurs fournisseurs. Exemple, le secteur agroalimentaire et l'industrie des boissons sont à l'origine de la majorité des émissions indirectes de dioxyde de soufre en Europe, qui entraîne acidification des pluies et des océans.
Six secteurs sont responsables de plus de la moitié des émissions atmosphériques : la construction, la production alimentaire, la foresterie et la pêche, l'électricité, les transports, la maintenance. Investir dans les services s'avère avoir un impact bien moindre que consommer des biens matériels. Les trois secteurs les plus conséquents en termes de consommation de ressources sont l'alimentation, le logement et la mobilité. Ce sont ces trois grands secteurs qui devraient être ciblés par la feuille de route 2050 de la Commission européenne sur l'efficacité énergétique et le 7e Programme européen d'action pour l'environnement, préconise l'Agence européenne de l'environnement. Si des gains en termes d'efficacité ont été notables dans l'ensemble des chaînes de production, ils ont été effacés par l'effet rebond d'une consommation globale qui ne cesse d'augmenter.