En juin dernier, quinze enseignes de la restauration rapide passaient un contrat d'engagement avec le ministère de la Transition écologique et solidaire. Celui-ci prévoit que, fin 2019, 70 % des établissements trient les déchets des clients en salle, puis 90 % en 2020 et enfin 100 % en 2021. Sont concernés, les fast-foods, comme Burger King, KFC, Domino's Pizza, ou McDonald's, ainsi que les sandwicheries, telles que Class'Croute, La Croissanterie, Brioche Dorée, Paul, Starbucks, ou Subway. Cette signature était censée clore la polémique, lancée en octobre 2017 par un rapport de l'association Zero Waste France. Celui-ci démontrait que sur 122 fast-foods visités par l'ONG, seulement cinq proposaient le tri des déchets en salle.
Sur quelle base est calculée la conformité ?
#ZerodéchetauMcDo, un collectif citoyen, a décidé de vérifier si McDonald's respecte le contrat passé avec le ministère de la Transition écologique. Selon ses observations, ce n'est pas le cas : les tous derniers chiffres du collectif montrent que seulement 36 % des 179 restaurants visités (sur un total de 1 470) sont dans les clous.
McDonald's confirme indirectement ces chiffres : « depuis la signature de la charte d'engagement, nous avons ouvert des filières de tri, collecte et valorisation à un rythme de deux restaurants McDonald's par jour ouvré », explique l'enseigne. À ce rythme, quelque 350 restaurants sont passés au tri depuis juin dernier, soit un peu moins de 25 % de l'ensemble. « Aujourd'hui, l'intégralité des restaurants a engagé le processus de création de filière locale pour poursuivre le déploiement à un rythme aussi soutenu », poursuit l'enseigne, ajoutant « [être] donc bien en capacité de proposer le tri sélectif dans 100 % de ses restaurants en trois ans ».
Le Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr) explique pour sa part que, dans l'ensemble, les signataires se sont conformés au contrat. « La plupart ne sont pas loin des objectifs », assure Cerise Ducos, responsable des affaires règlementaires au Snarr, précisant que le détail du déploiement a été envoyé au ministère de la Transition écologique début janvier. Mi-janvier, le ministère confirmait avoir reçu les données. Toutefois, il ne les avait pas encore toutes étudiées.
Quoi qu'il en soit, les chiffres pourraient être biaisés par l'application d'une clause du contrat d'engagement qui prévoit que les restaurants présentant des contraintes opérationnelles puissent obtenir un délai supplémentaire. L'atteinte des 70 % porte-t-elle sur l'ensemble des établissements, ou seulement sur ceux qui n'ont pas de contraintes opérationnelles ? Ni le ministère, ni les professionnels ne répondent à cette question.
La collecte doit encore être généralisée
Par ailleurs, au-delà de l'installation de bac de tri dans les salles de restaurant, la collecte des déchets triés pose aussi problème. Les enseignes font face à une double contrainte. Tout d'abord, l'éparpillement des restaurants aboutit à une collecte diffuse. Ensuite, le manque de place et les règles sanitaires imposent une fréquence de collecte élevée. La combinaison des deux facteurs fait exploser les coûts. « On doit réaliser des prestations sur-mesure », confirme Muriel Olivier, déléguée générale de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade).
Mais pour l'instant, seules des expérimentations sont en cours dans des zones tests. La généralisation de la collecte viendra plus tard. Certains établissements ont donc équipé leur salle de bac de tri, alors qu'ils ne disposent pas encore de solution de collecte. Des exploitants en ont même informé leurs clients, explique la représentante du Snarr. La Fnade confirme indirectement le peu de collecte sélective des déchets triés en salle : les appels d'offres n'ont pas été encore lancés, explique-t-elle.
La loi rebat les cartes
Les professionnels de la restauration et du traitement pointent aussi des évolutions règlementaires et législatives qui compliquent la mise en œuvre du tri en salle. ces évolutions peuvent remettre en cause le contrat passé avec les pouvoirs publics.
La première contrainte est liée au décret qui interdit les gobelets, verres, assiettes et couverts jetables, ainsi que les plateaux-repas, pots à glace, saladiers et boîtes destinés à la consommation sur place ou à emporter depuis le 1er janvier 2020. Ces interdictions ont un impact direct sur la nature des déchets à collecter, ce qui modifie les flux de déchets en termes de nature et de valeur, et altère le modèle économique du dispositif de collecte.
Quant à la loi économie circulaire qui vient d'être adoptée au Parlement, elle contient des dispositions « dramatiques », estime le Snarr. La mesure la plus critiquée est la fin annoncée, au plus tard en 2023, du tout jetable dans la restauration rapide. Le texte impose l'utilisation de gobelets, de couverts, d'assiettes et de récipients réemployables. Cette mesure, critiquent les professionnels de la restauration rapide, remet en cause le déploiement du tri dans le secteur. « À quoi bon investir dans un dispositif qui sera caduc dans trois ans ? », interrogent en substance les professionnels du secteur.