L'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a décidé de retirer du marché français plusieurs herbicides contenant la substance glufosinate-ammonium. Utilisé en agriculture en pulvérisation sur vignes, vergers, légumes et pommes de terre, ce produit est uniquement réservé aux usages professionnels. Un produit de Bayer, baptisé Basta F1, voit son autorisation de mise sur la marché (AMM) retirée. Neuf autres produits en vente en France, car autorisés par un autre Etat membre via un permis pour le commerce parallèle, sont également concernés.
Le Basta F1 ne passe plus dans les nouveaux modèles d'évaluation
Comme le permettent les lignes directrices de délivrance des autorisations de l'Anses (1) , l'agence a pris en compte toutes les nouvelles données pour étudier le dossier de Bayer. Elle a surtout utilisé un nouveau protocole d'évaluation des risques des pesticides mis au point par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) : "Le modèle de l'Efsa est le plus récent, il prend en compte le meilleur état de la science", explique l'Anses à Actu-environnement. "Avec ce nouveau modèle, le produit ne passe plus ; les doses d'exposition de la population ne sont plus dans les limites acceptables", explique l'Anses. Les différences entre les deux modèles utilisés (2) sont éloquentes. Conclusion : l'Agence estime aujourd'hui que "des risques pour la santé humaine liés à l'exposition au glufosinate, une substance classée reprotoxique présumée, ne peuvent être exclus".
La société Bayer a fait part de sa surprise dans un communiqué alors qu'elle avait reçu un avis favorable à la ré-homologation du produit en août 2016. Elle accuse le nouveau modèle d'évaluation : "l'Anses a utilisé un nouveau modèle d'évaluation européen sans prendre en considération les dernières données disponibles sur le Basta F1, ce qui l'a conduit à surestimer de 300 à 1.000 fois le risque pour la santé humaine".
Avec cette décision de retrait, l'Anses vise à protéger "la santé des personnes appliquant le produit et les travailleurs, les personnes susceptibles de se trouver dans un espace où ce produit est ou a été appliqué, et les enfants habitant ou fréquentant une institution à proximité des espaces traités". L'agence relève également pour certaines cultures des risques de dépassement des limites maximales (3) de résidus sur les fruits et légumes traités. Les ventes et la distribution seront encore autorisées pour les trois prochains mois. Les agriculteurs pourront continuer d'utiliser leurs stocks jusqu'au 24 octobre 2018.
Les retraits s'enchaînent pour les molécules les plus dangereuses
Depuis le 1er juillet 2015, date du transfert à l'Anses des missions de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, l'Agence a procédé, pour des raisons de sécurité sanitaire, au retrait de 147 autorisations de mise sur le marché de produits contenant certaines substances actives : 17 produits à base d'amitrole (novembre 2015), un produit à base de diméthoate (février 2016), 126 produits à base de glyphosate associé au coformulant POE-tallowamine (juin 2016) et trois produits à base de chlorpyriphos-éthyl (août 2016).
Mais ce retrait du Basta F1 est d'autant plus marquant que le glufosinate était évoqué dans le monde agricole comme une alternative possible à l'herbicide controversé glyphosate, bien que plus dangereux. "Nous regrettons la décision de l'Anses qui prive l'agriculture d'une solution de désherbage reconnue utile, voire indispensable par certaines filières, alors même que des études démontrent la sécurité de l'utilisation du produit pour la santé lorsque les conditions d'utilisation sont respectées", déplore Frank Garnier, Président de Bayer France.