Dans la liste des souhaits pour 2019 pourrait figurer une avancée rapide de la révision de la Directive eau potable. L'ouverture des négociations en trilogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens semblent être au point mort. Une quinzaine de jours avant la fin de son mandat, mi-décembre, la présidence autrichienne du Conseil de l'Union européenne n'avait toujours pas voté de position générale sur le texte. La Roumanie prend sa suite de janvier à juin. Reste à voir comment elle pourra s'atteler à la reprise de ce dossier (1) .
Au point de départ de la révision de Directive eau potable figure une initiative citoyenne "Right2water". Les signataires demandaient à la Commission de mettre en œuvre une législation qui garantisse comme un droit, l'accès à l'eau et à l'assainissement. Pour répondre à cette interpellation, l'institution a choisi de passer par le biais d'une révision de la Directive eau potable. Après une évaluation, la Commission a axé sa refonte sur cinq paquets de mesures : tout d'abord, un accent mis sur l'une approche fondée sur les risques dans le cadre de la surveillance de l'état des eaux, du captage au robinet. Ensuite, elle souhaite l'actualisation de la liste des critères à suivre pour déterminer la qualité de l'eau. Elle veut également harmoniser les dispositions des matériaux en contact avec l'eau potable et à améliorer les informations en ligne fournies aux consommateurs. Enfin, elle prévoit l'amélioration et la promotion de l'accès à l'eau potable.
En dernier octobre dernier, le Parlement européen a adopté sa position (2) en apportant plusieurs amendements à la proposition de directive de la Commission européenne. Celle-ci avait alors recueilli 300 voix pour, 98 contre et 274 abstentions.
Une réduction des fuites d'ici le 31 décembre 2030
D'une manière générale, le texte prône une cohérence avec les mesures d'autres directives européennes comme la Directive cadre sur l'eau (3) . Il pointe les fuites comme une entrave à l'atteinte des objectifs fixés dans cette dernière. Il demande donc aux États membres d'évaluer les situations et les possibilités d'améliorations. Ces derniers devront adopter, au plus tard le 31 décembre 2022, des objectifs nationaux pour réduire les niveaux des fuites sur leur territoire dans les huit ans (4) .
Le document intègre également dans ses dispositions les conséquences du réchauffement climatique. Enfin, il souhaite s'inscrire dans la démarche d'une économie circulaire notamment à travers une dissuasion de l'utilisation des bouteilles en plastique.
Parmi les cinq paquets de mesures, le texte vise une généralisation d'une approche par les risques tout le long de la chaîne d'approvisionnement. Celle-ci comportera trois volets. La première partie comprend une évaluation des dangers associés à la zone de captage dans l'esprit des plans de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau (PGSSE) préconisés par l'organisation mondiale de la santé (OMS) (5) . Ces évaluations des dangers devront être réalisées au plus tard trois ans après la date de transposition de la directive. Le second volet permet aux fournisseurs d'eau d'adapter la surveillance aux risques principaux après avoir réalisé une évaluation des risques liés à l'approvisionnement. Celles-ci doivent être exécutées au plus tard six ans après la transposition de la directive.
De nouveaux paramètres de suivi de la qualité de l'eau potable
Concernant la liste des critères à suivre pour déterminer la qualité de l'eau potable, le texte propose une actualisation des paramètres. Parmi les nouveautés : un indicateur de l'efficacité du traitement contre les virus (coliphages somatiques), les légionelles, les sous-produits de désinfection - chlorates, chlorites, les acides haloacétiques -, les alkyles per- et polyfluorés (PFAS), des perturbateurs endocriniens (bisphénol A, nonylphénol et béta-estradiol), une toxine produite par des cyanobactéries (microcystine), et l'uranium.
"Lorsque la connaissance scientifique n'est pas suffisante pour déterminer le risque ou l'absence de risque en termes de santé humaine lié à la présence d'une substance dans les eaux destinées à la consommation humaine ou la valeur admissible de cette substance, il convient, au titre du principe de précaution, de placer une telle substance sous surveillance dans l'attente de données scientifiques plus claires, précise toutefois le texte. Dès lors, les États membres devraient opérer une surveillance distincte de ces paramètres émergents". Dans la liste de vigilance, figure aujourd'hui les microplastiques.
Le texte réduit également les seuils pour le plomb, du chrome et de l'antimoine. Il introduit des seuils d'incertitude pour le chlorure de vinyle et l'épichlorhydrine (de 50 %) et pour l'acrylamide (de 30 %).
Les matériaux en contact avec l'eau potable, point de crispation des débats
Pour essayer d'harmoniser les mesures de contrôle des produits ainsi que la variété des matériaux en contact avec l'eau potable dans les différents Etats membres, le texte souhaite imposer des exigences minimales d'hygiène. Pour compléter les dispositions introduites dans la directive, la Commission devra, au plus tard trois après l'entrée en vigueur du texte, adopter des actes délégués qui établissent les exigences minimales en matière d'hygiène et la liste des substances autorisées pour la production de matériaux en contact avec les eaux potables. Ce sujet reste un point de crispation dans les débats.
Enfin, concernant l'accès à l'eau potable, le texte adopté par le Parlement l'a introduit comme un objectif. "Les États membres devraient être tenus de mettre en œuvre des plans d'action visant à assurer l'accès universel et équitable à une eau potable saine et à un coût abordable, d'ici à 2030", précise-t-il. Cette version demande notamment la garantie de la fourniture gratuite d'eaux destinées à la consommation humaine dans les administrations et les bâtiments publics ainsi que la mise en place de fontaines publics. Ces mesures s'avèrent, en revanche, conditionnées à leur faisabilité technique et aux conditions spécifiques locales.
"Le projet de révision ne permet pas de s'attaquer au principal défi pour le droit humain à l'eau dans le contexte européen qu'est l'abordabilité - des milliers de familles en Europe ont eu leur eau coupée parce qu'elles n'étaient pas en mesure de payer leurs factures", regrette le Mouvement européen pour l'eau (6) .