''Le nucléaire est une école d'humilité et d'exigence. Il y a eu un avant et un après Fukushima. Notre industrie ne peut exister que si elle sûre. (…) Mais aucune technologie n'est sans défaut, aucune technologie n'est sans risque''. C'est par ces mots qu'Henri Proglio, président directeur général d'EDF, a introduit son discours visant à présenter à la presse les propositions que l'exploitant a fait à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour les audits de sûreté de chaque installation, le 21 avril.
Selon lui, quatre leçons ont été tirées de l'accident de Fukushima : la seule et entière responsabilité appartient à l'exploitant de la centrale, la prévention est essentielle, l'exploitant doit maîtriser toute la chaîne du nucléaire (conception, construction, exploitation, déconstruction) et être transparent sur l'information. Pour lui, EDF répond à toutes ces exigences et sa force réside dans son ''processus d'amélioration continu'' de la sûreté des installations. Mais Fukushima est ''l'occasion d'améliorer encore la sûreté de nos centrales'', estime Hervé Machenaud, directeur exécutif en charge de la production et de l'ingénierie. Notamment ''dans l'évolution de la nature des risques externes : les événements climatiques récents n'ont pas forcément été pris en compte au départ'', note Dominique Minière, directeur de la production nucléaire en France. Autre leçon à tirer de Fukushima : la gestion de crise. EDF propose de mettre en place une task force nationale d'intervention rapide.
Audits des centrales : EDF souhaite une harmonisation européenne des cahiers des charges
EDF a présenté ses propositions pour un ré-examen approfondi de la conception des centrales à la lumière des risques mis en évidence par l'accident de Fukushima. Il s'agira de ''s'assurer des marges de sûreté des installations'' face aux séismes, aux inondations, aux pertes d'alimentations électriques et de refroidissement, et face à l'enchaînement de ces événements, pour les réacteurs et les piscines de stockage des combustibles. Le cahier des charges des audits devrait être présenté début mai par l'ASN. EDF estime pouvoir auditer l'ensemble de son site d'ici fin septembre, ''un timing précis et court'', mais nécessaire pour s'inscrire dans le calendrier du gouvernement qui veut rendre ses conclusions à la fin de l'année.
Mais EDF demande ''une harmonisation au niveau européen des cahiers des charges'' des audits, ''sur la base du texte proposé par l'association des principales autorités de sûreté européennes'' (Wenra), c'est-à-dire réalisation des réexamen par les opérateurs et contrôle des autorités nationales de sûreté. Pour rappel, le Conseil européen a adopté le 25 mars un texte réaffirmant sa volonté de procéder à des tests de résistance sur les 143 réacteurs de l'Union européenne. Le cahier des charges de ces tests de résistance devrait être connu en juin, c'est-à-dire un mois après le cahier des charges français.
Alors qu'un débat est engagé au niveau européen sur la prise en compte de l'âge des centrales nucléaires, Hervé Machenaud a balayé cette question : ''l'âge des centrales dans le cadre de Fukushima n'a pas été en cause. En France, le niveau de sûreté est toujours élevé. Il n'y a pas de point faible dans le sens que des centrales seraient trop âgées. Ce qui compte, c'est l'état de la cuve et de son confinement et nous réalisons un suivi de leur vieillissement''.
Interrogé sur les multiples demandes de fermeture de Fessenheim, Henri Proglio a répondu que ''c'était à l'ASN [de décider de l'arrêt de l'activité d'une centrale]. Mais si nous avions le moindre doute, nous n'attendrions pas l'ASN pour le faire''.
Une task force d'intervention rapide
L'accident de Fukushima a également révélé de nombreuses failles dans la gestion de crise au Japon. En France, pour l'heure, un plan d'urgence interne mobilise, au niveau local et national, des moyens techniques et humains nécessaires. Entre 100 et 200 exercices sont réalisés chaque année pour tester cette organisation au niveau local et national. EDF entend mener dès aujourd'hui une évaluation de ces moyens disponibles en cas d'accident et définir des moyens complémentaires à mettre en œuvre. ''L'idée est de se placer dans une hypothèse extrême, qui touche l'ensemble d'un site. On suppose qu'un événement tel que Fukushima arrive en France, même s'il n'y a aucune chance que ça arrive, et on se pose la question de nos moyens d'action. Aujourd'hui, nous avons les moyens de réagir sur un réacteur mais pas sur l'ensemble des réacteurs d'un site'', explique Dominique Minière. La centrale de Gravelines compte par exemple 6 réacteurs.
La gestion de crise devrait être réorganisée au sein d'une task force nationale d'intervention rapide. Elle sera constituée de matériels complémentaires d'apport en électricité (moteurs diesel) et en eau, avec des moyens de transports et humains dédiés, mobilisables dans les 24 à 48 heures à l'échelle d'un site. Lors d'un sommet sur la sûreté nucléaire à Kiev, le 19 avril dernier, François Fillon avait pour sa part demandé la mise en œuvre à l'échelle internationale d'un ''mécanisme d'intervention rapide'' pour répondre aux incidents nucléaires, incluant notamment un centre international de formation du personnel.