"En France nous sommes le bassin le plus concerné par le changement climatique du fait du climat méditerranéen, a constaté Michel Dantin, président du Comité de bassin Rhône-méditerranée, lors de la présentation à la presse, jeudi 5 juin, du plan d'adaptation au changement climatique spécifique à cette zone. "Une zone noire centrée sur Genève présente le plus grand déficit hydrique de ces dernières années".
A la suite du plan national d'adaptation au changement climatique initié en 2011, un document spécifique au bassin Rhône-méditerranée a en effet été lancé pour se pencher plus particulièrement sur la question de l'eau dans ce territoire.
"Les enjeux liés à l'eau sont plus importants que ce que nous imaginons", a souligné Jean-François Carenco, préfet coordonnateur du bassin. Eau potable, énergie, sécurité nucléaire, industrie, agriculture : les secteurs impliqués s'avèrent multiples.
Le plan se penche sur la vulnérabilité territoriale selon des critères de disponibilité en eau, du bilan hydrique des sols, de la biodiversité, du niveau trophique des eaux ainsi que de l'enneigement et formule des recommandations "à libre usage".
Une période de convoitise pour l'eau
Ainsi ce sont la Franche-Comté et la Bourgogne qui seront confrontées aux baisses de débits d'étiage les plus importantes alors que ce sont la Durance en aval de Serre-Ponçon, le Rhône et ses affluents en aval de Lyon, secteurs déjà sensibles, qui présenteront la vulnérabilité la plus aigue.
Autres territoires fortement vulnérables : les bassins côtiers du sud-ouest de la Méditerranée et avec plus d'incertitude des Cévennes.
"Nous allons connaître une période de convoitise pour l'eau qu'il va falloir anticiper et organiser, a détaillé Martin Guespereau, directeur général de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, le plan propose une chasse au gaspillage".
Parmi les actions à engager, le document préconise notamment de rendre l'agriculture moins dépendante en eau, et de réduire de 20% les volumes utilisés d'ici 2030 puis de substituer 80% des prélèvements en période d'étiage d'ici 2050 (gouttes à gouttes, changement de cultures, mobilisation de ressources sécurisées, etc.). Il souhaite également que les collectivités de plus de 10.000 habitants puissent remplacer 30% des volumes utilisés pour l'arrosage et le nettoyage des rues par de l'eau pluviale ou de l'eau traitée réutilisée d'ici 2030.
Moins ambitieux ou plus terre à terre que la loi Grenelle 2 (qui donne jusque fin 2015 aux services n'atteignant pas un rendement supérieur à 85% (entre 65 et 85% en milieu rural) pour mettre en place un plan d'action de lutte contre les fuites), le document espère obtenir 65% de rendement sur la totalité des réseaux de distribution d'eau potable d'ici 2020 puis 85% en 2030.
Concernant le bilan hydrique des sols, la tendance à l'asséchement s'observe sur l'ensemble du bassin. Les plus fortes vulnérabilités se concentrent toutefois dans la partie sud du bassin.
Le plan prévoit notamment de soutenir économiquement les pratiques agricoles adaptées aux zones humides, sans aucun rejet ni prélèvement et de poursuivre la mise au point et la diffusion d'itinéraires techniques pour résister aux risques de sécheresse, dans le cadre toutefois des systèmes d'exploitation agricoles actuels.
"Avec des chaleurs plus importantes, les plantes arriveront et entreront en dormance plus tôt, les fourrages, en particulier en montagne, sont menacés", a précisé Martin Guespereau.
Le document vise également une désimperméabilisation des sols en zones urbaines et compte compenser à hauteur de 1,5 m2 chaque m2 imperméabilisé. En milieu rural, l'eau devra être retenue de manière naturelle (couvert végétal, haies, assolements, etc.) ou artificielle (désimperméabilisation, rétention). D'ici 2050, il espère pouvoir restaurer les champs d'expansion des crues sur 20% du linéaire de cours d'eau.
Une stratégie foncière pour préserver les zones humides
L'enjeu le plus critique d'un point de vue vulnérabilité reste la biodiversité sur le bassin Rhône-méditerranée. Parmi les mesures envisagées, le plan préconise de définir une stratégie foncière pour la préservation des zones humides, notamment sur le littoral. Il souhaite également réintroduire des arbres (ripisylve) le long des cours d'eau pour limiter l'échauffement des eaux superficielles. Le plan prévoit de restaurer l'hydrologie fonctionnelle, la connectivité et la morphologie des cours d'eau.
Les secteurs de la Saône, du Doubs, de l'Ain, du Rhône moyen et la partie aval de l'Isère présentent la particularité de conjuguer à la baisse des débits, l'augmentation de la température et un nombre important de cours d'eau sensibles à l'eutrophisation.
Sur les questions de la capacité d'autoépuration des cours d'eau, le plan encourage à un traitement plus poussé dans les stations d'épuration, de durcir les conditions d'épandage près des cours d'eau pour réduire la matière organique présente. Le bassin cévenol s'avère très sensible à cet enjeu.
Enfin, concernant l'enneigement, les stations de moyenne montagne seront particulièrement touchées. "D'ici 2030, la neige de printemps aura disparu, nous préconisons une diversification des activités économiques pour les stations en dessous de 1.500 mètres", explique Martin Guespereau.
Autre problématique induite par la perturbation du cycle habituel de l'enneigement : la fonte interviendra plus tôt et la réserve sera moindre. Les conséquences seront par exemple une réduction du débit du Rhône de 30% d'ici 2050.
Une base de travail pour les Sdage
Ce document vient en complément des différents schémas régionaux climat air énergie et des plans climat énergie territoriaux.
Il constituera également une base de travail pour le futur schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour la période 2016-2021, document opposable à l'ensemble des actes administratifs.