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Actu-Environnement

“Le marché se porte bien grâce à la réglementation et aux politiques de réaménagement urbain”

A l'occasion des 20 ans de l'Union des Professionnels de la Dépollution des Sols, son président Richard Modolo revient pour Actu-environnement sur les principales évolutions de ce marché et les attentes des professionnels du secteur.

Interview  |  Aménagement  |    |  F. Roussel
   
“Le marché se porte bien grâce à la réglementation et aux politiques de réaménagement urbain”
Richard Modolo
Président de l'UPDS
   

Actu-environnement : Quels étaient les objectifs de l'UPDS lors de sa création ?

Richard Modolo : L'UPDS a été créée en 1992 avec comme objectif de devenir un interlocuteur de premier plan auprès de l'administration. Au début des années 90, il n'y avait absolument aucune réglementation ni aucune approche spécifique décidée par le ministère de l'environnement sur la problématique des sites et sols pollués. Il y avait uniquement la loi sur les installations classées qui prévoyait, dans le cas de la fermeture d'une installation, une remise en état du site mais sans définir vraiment les objectifs de dépollution. Ces lacunes ont déterminé la création de ce syndicat décidé à développer la réglementation et faire avancer cette activité sur le territoire français.

A l'époque il y avait déjà quelques sociétés sur ce secteur mais très peu. A sa création l'UPDS comptait une dizaine de sociétés membres. Aujourd'hui elle en compte 41 dont 23 entreprises qui travaillent sur la partie ingénierie et 13 sur la partie travaux de dépollution. Et nous avons toujours le même objectif : faire évoluer la réglementation.

AE : Comment a évolué la réglementation en la matière au cours des 20 dernières années ?

RM : Il y a eu plusieurs évolutions. Dans les années 94-95, les lois Barnier ont été les premiers textes relatifs à la dépollution des sols. Ensuite, dans les années 2000, la France, à l'instar des Etats-Unis, a opté pour une approche de réhabilitation des sols basée sur le risque sanitaire (1) et n'a pas changé depuis. Un site est dépollué au cas par cas en fonction de son usage futur et de sa situation initiale. L'étude de risque intègre plusieurs paramètres : géologie du site, présence ou non d'eau souterraine, présence d'autres activités à proximité.

L'autre approche possible choisie par exemple par les Allemands, les Hollandais et les Anglais consiste à fixer des valeurs seuils généraux pour qualifier un sol. Ce sol est classé comme dépollué si les concentrations en polluants sont inférieures à ces seuils. Ces valeurs limites sont différentes selon l'usage prévu mais ne dépendent pas de la situation initiale du site.

AE : Quelles évolutions aimeriez-vous voir venir ?

RM : Les outils ont quelque peu évolué avec la circulaire de 2007 même si le principe reste le même : on évalue le risque que présente le site pour son usage futur. Les outils disponibles se nomment EQRS comme Etude Quantitative des Risques Sanitaires, l'analyse des risques résiduels qui permet de définir à l'issue des travaux de dépollution le risque acceptable et enfin l'IEM pour Interprétation de l'Etat du Milieu afin de voir l'impact du site sur son environnement plus ou moins proche.

Avec cette réglementation, le marché s'est développé mais il y a toujours des points assez bloquants aujourd'hui pour notre activité. Et notamment la définition d'une source de pollution. C'est un point important car la réglementation impose le retrait des spots de pollution très concentrés. Mais comment borner cette source ? Si la source de pollution est une cuve enterrée c'est relativement simple. On l'enlève et on a réglé le problème. Quand la source de pollution est un volume de sol avec une concentration élevée en polluants, quel seuil de contamination doit-on prendre en compte ? Au final devra-t-on enlever 100 m3 ou 10.000 m3 ? Le ministère n'a pour le moment pas tranché cette question. Pourtant, dans la toute première réglementation, il existait des valeurs de définition, elles ont été supprimées avec la circulaire de 2007.

AE : Quelle est votre position s'agissant de la directive sol bloquée depuis plusieurs années au niveau de l'UE ?

RM : On aimerait que cette directive sorte un jour ou l'autre mais elle est tellement bloquée et surtout tellement vague qu'on ne sait même pas sous quelle forme elle peut sortir. Au départ elle était orientée vers la protection des sols agricoles et non sur la gestion des sols industriels. Aujourd'hui le contenu de la directive je ne le connais plus puisque cela fait 4 ans qu'on en parle ! Le jour où un Etat membre prendra la décision de la faire avancer on s'y intéressera de nouveau mais pour l'instant… Il semblerait que ce ne soit pas une priorité pour Chypre, pays à la tête de l'UE depuis le 1er juillet dernier.

AE : Comment a évolué le marché de la dépollution des sols en 20 ans ?

RM : En 2000, le chiffre d'affaires de l'UPDS s'élevait à 300 millions de francs. En 2012 on mise sur 350 millions d'euros. Précisons que l'UPDS représente 65 à 70% du marché. Le marché se porte donc plutôt bien notamment grâce à la réglementation actuelle qui lui permet de se développer et aux politiques de réaménagement urbain. Compte tenu du développement des agglomérations, de nombreuses zones industrielles ou artisanales se retrouvent dans le périmètre de la ville ce qui signifie qu'il faut remettre en état pour la remise à disposition du terrain pour la collectivité ou des investisseurs. Ça "boost" notre activité, mais surtout sur le marché de l'excavation et du transport de terres.

Etant donné que le marché de l'immobilier est un marché d'opportunité à court terme, on ne met pas en œuvre de technologies sophistiquées, plus douces et moins onéreuses comme les traitements biologiques. On extrait les terres et on les envoie en décharge, parfois en valorisation matière. La priorité c'est l'urgence de construire.

AE : Un guide sur la réutilisation des terres excavées a été publié en juin dernier. Qu'en pensez-vous ?

RM : L'outil est en test pendant un an pour voir comment les acteurs se l'approprient. Ce guide doit encourager le recyclage des terres mais je suis très sceptique. On ne va pas assez loin dans la mise en œuvre. Les Pays-Bas et la Belgique ont mis en place un outil similaire mais il est accompagné d'un outil de gestion des terres sous forme de banque de données sur les quantités de terres excavées et disponibles. Il y a donc un marché autour de la réutilisation de ces terres. Ce qu'il n'y a pas en France aujourd'hui. Vous pouvez signaler sur un site internet les terres que vous avez à votre disposition pour qu'un acteur intéressé les reprenne mais vous n'avez pas d'acteurs qui gèrent ces terres. Au Pays-Bas, il existe des intermédiaires qui gèrent des zones de stockage de terres réutilisables.

AE : Ce genre d'installation verra-t-il le jour en France ?

RM : Je pense que se serait utile mais le ministère ne souhaite pas encourager ce type d'initiative. Aujourd'hui la réglementation n'est pas entièrement cadrée pour cette activité. Il y a des critères restrictifs à la réutilisation des terres ce qui est tout à fait normal mais cela n'encourage pas un industriel à investir. Il faut qu'il ait la garantie de pouvoir revendre les terres. S'il crée un site de stockage de terres réutilisables mais que ça se transforme en décharge, ce n'est pas possible. La question majeure c'est le statut de déchet des terres excavées. La sortie de ce statut est un point clef que les Pays-Bas et la Belgique ont réussi à éclaircir.

AE : Qu'en est-il des traitements in situ ?

RM : Le marché de la dépollution des sol est également fortement lié à la désindustrialisation du pays. Le fait de fermer des usines en France crée du travail pour nous. Et depuis une dizaine d'années, on note une plus grande sensibilisation des industriels qui auparavant, lorsqu'ils fermaient un site, mettaient un simple cadenas sur le portail. Aujourd'hui, par conscience environnementale et vu le potentiel de redéveloppement ou de commercialisation de leur site, ils engagent des travaux de dépollution. Cela concerne les secteurs de la chimie, du pétrole ou encore de la métallurgie. Ces industries ne sont pas en trop mauvaise santé et sont soumises à la pression de la bourse. Elles cherchent à apparaître "plus propres" car les investisseurs y sont sensibles. Quand elles ont dans leur compte de bilan des provisions pour plusieurs centaines de millions d'euros en vue de la dépollution ça peut faire peur aux investisseurs. Si elles utilisent ces provisions et "nettoient" par la même occasion leur compte, les investisseurs sont plus enclins à investir.

AE : Les techniques de dépollution employées sont-elles les mêmes que dans l'immobilier ?

RM : Les industriels privilégient les méthodes in situ, c'est-à-dire sans excaver les terres. Ce peut être des traitements biologiques, chimiques ou encore thermiques. Alors que le marché de l'immobilier fait appel dans 95% des cas à de l'excavation, les industriels n'y ont recours que dans 40% des cas. Ils ont plus d'espace mais aussi plus de temps. Un traitement biologique peut nécessiter la neutralisation d'un site pendant plusieurs années ! Et ce sont des techniques moins coûteuses qui ont une bonne "image développement durable". Les industriels ont par ailleurs une capacité d'anticipation que n'ont pas les aménageurs. Pour le développement de notre métier, il faudrait que ces derniers réfléchissent plus en amont. Et c'est tout à fait possible sachant que le réaménagement urbain se profile sur des décennies ! Quand vous avez en périphérie des villes, de grandes zones industrielles qui commencent à décliner en terme d'activité, vous avez le temps d'anticiper et donc de prévoir à la fois comment vous allez redévelopper l'espace urbain ou périurbain et comment dans ce cadre-là vous allez pouvoir le remettre en état.

1. Consulter notre dossier sur la gestion des sites et sols pollués (mai 2010)
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/sols-pollues/sols-pollues.php4

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