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Actu-Environnement

“Rio+20 : Ce sera un défi de trouver un compromis sur la base du texte actuel”

Matthieu Wemaëre, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles, conseil en droit et politique internationale et européenne de l'environnement, revient pour Actu-environnement, sur les dernières négociations préparatoires du sommet Rio+20.

Interview  |  Gouvernance  |    |  P. Collet
   
“Rio+20 : Ce sera un défi de trouver un compromis sur la base du texte actuel”
Matthieu Wemaëre
Avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles
   

Actu-environnement : Où en est la préparation du sommet qui se tiendra à Rio de Janeiro (Brésil) du 4 au 6 juin 2012 ?

Matthieu Wemaëre : En décembre 2009, l'assemblée générale (AG) de l'ONU a adopté une résolution pour convoquer la communauté internationale afin de réaffirmer son engagement en faveur d'un développement durable en tirant les leçons du constat depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Nous ne sommes plus qu'à quelques semaines du Sommet, qui se tiendra du 20 à 22 juin, à Rio. Il reste beaucoup à faire.

Le constat est assez alarmant. Si, depuis 1992, des progrès ont été faits en termes de développement économique, ils ne sont guère probants sur le plan social et environnemental. La croissance économique mondiale s'est accompagnée d'une surexploitation des ressources naturelles et d'une dégradation des milieux naturels aggravées par des phénomènes globaux tels que le changement climatique.

AE : Qu'en est-il de la vision à long terme ?

MW : Le Sommet Rio+20 poursuit l'ambition de réaffirmer l'engagement en faveur d'un développement durable, en cherchant notamment à le renforcer à travers deux thèmes identifiés comme prioritaires, la transition vers une "économie verte" et l'amélioration de la gouvernance internationale pour un développement durable.

S'agissant de l'économie verte l'idée est d'intégrer d'avantage les dimensions environnementales et sociales dans nos économies, notamment en utilisant de manière plus efficace et rationnelle les ressources naturelles disponibles, dans les limites de la durabilité en matière de biodiversité, de préservation des services éco-systémiques, et de la protection du climat, pour produire mieux en réduisant l'empreinte carbone et environnementale aux niveaux local, national et global.

Quant à la gouvernance, il apparaît nécessaire de renforcer le cadre institutionnel pour assurer l'effectivité des mesures déjà prises et surtout la cohérence entre elles. Il faut aussi améliorer le processus décisionnel. Après un engouement certain pour l'approche multilatérale dans la foulée du Sommet de Rio de 1992 marquée par l'acceptation d'un certain abandon de souveraineté au profit de l'action collective (1) , les intérêts nationaux sont aujourd'hui privilégiés pour des raisons de compétitivité, dans un contexte de crises multiples (financière, économique, sociale et environnementale). Enfin, il faut démocratiser la gouvernance mondiale du développement durable.

AE : A quels facteurs peut-on attribuer les problèmes de gouvernance ?

MW : Il convient de surmonter les faiblesses de la Commission du développement durable (CDD), en charge du suivi de la mise en œuvre de l'Agenda 21 depuis 1992, qui ne s'est pas montrée opérationnelle. Plusieurs options sont envisagées, par exemple, le renforcement du Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc) ou la création d'un nouveau CDD et, par ailleurs, donner plus de moyens au Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), par exemple en l'élevant au rang d'agence spécialisée des Nations unies.

Il est vrai que l'Ecosoc, en charge des questions économiques et sociales dans le système onusien, n'a pas suffisamment pris en compte la dimension environnementale qui n'était pas visée initialement parmi ses attributions. D'où la proposition d'avoir une structure qui aurait la charge principale de définir les orientations politiques mondiales en matière de développement durable.

L'idée d'élever le Pnue au rang d'une agence spécialisée est intéressante, car cela en ferait une Organisation des Nations unies pour l'environnement (UNEO) et lui donnerait ainsi beaucoup plus de légitimité pour renforcer les actions de protection de l'environnement au niveau global, mais cela nécessite l'adoption d'un traité international, ce à quoi plusieurs pays s'opposent.

AE : Quelles sont les propositions avancées pour le long terme ?

MW : Il s'agit d'abord de réaffirmer un engagement fort pour un développement durable sur le long terme, dans un contexte de crises multiples. Faisant le constat de la surexploitation des ressources naturelles et de leur raréfaction et tenant compte de l'explosion démographique, la communauté internationale n'a pas d'autre choix que de s'engager dans cette voie. Mais il y a de nombreuses divergences entre les pays sur la manière d'y parvenir, et donc sur la forme que peut prendre le résultat de la conférence de Rio+20.

Les pays en développement insistent sur le principe des responsabilités communes mais différenciées face aux défis globaux, rappellent leur droit au développement et la priorité qui doit être accordée à la réduction de la pauvreté, et donc les pays industrialisés à leurs engagements de fournir une aide à la coopération à la hauteur de leur promesses (0,7% du PIB), déjà anciennes.

L'Union européenne (UE) plaide pour opérer une transition vers une économie verte qui devrait tirer tous les pays vers un développement durable et au renforcement de la dimension environnementale par une utilisation plus efficace des ressources naturelles.

Les Etats Unis ne sont pas contre cette approche, mais ne veulent pas d'une déclaration politique trop engageante ou prescriptive.

AE : Concernant l'économie verte, où en sont les discussions ?

MW : L'approche est séduisante, mais elle doit être articulée de manière cohérente avec le concept du développement durable. Elle ne doit pas simplement "verdir" notre libéralisme économique, mais permettre de produire et de consommer mieux dans la limite des ressources disponibles, en faisant de l'amélioration de l'environnement une opportunité économique qui bénéficie à tous, sur le plan économique et social. Il faut trouver les bons moyens de la rendre concrète, y compris du point de vue de son financement. Elle ne fait pas consensus dans la négociation.

L'économie verte est d'abord soutenue par l'UE qui propose une feuille de route avec des objectifs concrets assortis d'un calendrier et d'actions concrètes sur un certain nombre de sujets transversaux permettant d'orienter et d'aspirer les politiques publiques et les initiatives privées.

Les Etats-Unis et le Canada y sont favorables, mais ils restent assez discrets et ne veulent pas que Rio soit prescriptif.

Les pays en développement se montrent encore très réticents, craignant notamment que des exigences environnementales et sociales ne viennent freiner leur développement qui reste leur priorité. Ils soupçonnent également les pays industrialisés d'instrumentaliser l'économie verte pour leur imposer des barrières commerciales déguisées.

AE : Les négociations progressent-elles en matière de gouvernance internationale ?

MW : Pas vraiment à ce stade,la discussion sur la gouvernance est difficile. Une majorité d'Etats membres sont en faveur d'un Ecosoc renforcé, option qui a été finalement soutenue par le G77 (2) en plénière à New York lors de la dernière session de négociation en mars.

Les Etats-Unis, eux, ne veulent pas entendre parler d'un CDD.

Sur le Pnue, l'UE parle d'une seule voix en faveur de la mise en place d'une UNEO, sujet très largement porté par la France qui y voit la réincarnation de son projet d'Organisation mondiale de l'environnement (OME).

AE : Quels sont les thèmes transversaux qui se dégagent de la négociation ?

MW : Le développement durable est un méta-projet empreint de transversalité, ce qui en fait toute sa complexité et rend les discussions si difficiles. Au-delà des deux thèmes prioritaires, il y a de nombreux sujets transversaux qui doivent être abordés, comme l'eau, les océans, le changement climatique, les forêts, mais aussi l'énergie, la sécurité alimentaire, l'éradication de la pauvreté, l'éducation, le genre, …etc.

La difficulté est de savoir comment les aborder ? Dans le seul contexte de l'économie verte soutenue par un cadre institutionnel renforcé ? Mais beaucoup de ces actions ne relèvent pas nécessairement de la sphère marchande. Faut-il traiter ces sujets transversaux par la reconnaissance de droits fondamentaux, tels que le droit de l'homme à disposer d'une eau potable, ou en fixant des objectifs cibles ?

Par exemple l'initiative du secrétaire général des Nations unies en matière d'énergie durable qui comporte trois objectifs d'ici à 2030 qui se veulent complémentaires : un accès universel aux services énergétiques modernes, un doublement du niveau de l'amélioration de l'efficacité énergétique, et un doublement de la part des renouvelables dans le mix énergétique global.

Sur cette discussion relative aux objectifs se greffe celle sur les Objectifs du développement durable (ODD). L'idée est de fixer une trajectoire au développement durable à partir d'objectifs universels quantifiés et/ou qualitatifs à moyen ou long terme, qui couvrent les trois dimensions du développement durable dans un certain nombre de secteurs ceci afin de guider l'action des gouvernements dans le contexte de leur priorités et circonstances nationales et de leurs capacités respectives. Après 2015, ces ODD pourraient s'articuler voire prendre le relais avec les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

AE : Actuellement, à quel stade en est le texte de négociation ?

MW : Les négociations n'ont pas encore véritablement commencé, les parties n'ont fait que soumettre leurs amendements et commenter ceux des autres. Le texte fait aujourd'hui 260 pages (3) avec les propositions de compromis des co-présidents de la CDD. Et il ne reste que 20 jours de négociation pour le rendre acceptable pour tous sous la forme d'une déclaration politique qui puisse être adoptée à Rio, en juin prochain. Ce sera un défi de trouver un compromis sur cette base là, mais tout le monde continue d'affirmer qu'il devra être un résultat ambitieux.

1. Notamment via l'adoption des trois conventions de Rio : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD).2. Le Groupe des 77 (G77) rassemble et représente dans les négociations internationales la plupart des pays en développement, pays émergents inclus.3. Consulter le projet de texte.
http://www.uncsd2012.org/rio20/index.php?page=view&type=12&nr=324&menu=20

Réactions3 réactions à cet article

Matthieu Wemaëre écrit : « Faisant le constat de la surexploitation des ressources naturelles et de leur raréfaction et tenant compte de l'explosion démographique, la communauté internationale n'a pas d'autre choix que de s'engager dans la voie du développement durable ». Or la surexploitation des ressources et leur raréfaction a été (et est toujours) essentiellement causée PAR l'explosion démographique. Si l'on veut, autant que faire se peut, stopper notre marche vers l'effondrement, il faut s'attaquer à la source des problèmes.
Or ni lui, ni les organismes internationaux ne semblent vouloir aborder ce sujet à Rio + 20 et si rien ne change, si ce tabou perdure, il y a une forte probabilité pour que ce sommet n'accouche (!) sur rien de salvateur...

Démographie Responsable | 21 avril 2012 à 18h53 Signaler un contenu inapproprié

Parmi toutes les questions qui s'abritent derrière les thèmes choisis pour la Conférence de Rio+20, celle de l'instance la plus adéquate en cas de différends juridiques relatifs à la mise en oeuvre des instruments élaborés dans le cadre de l'Economie "verte" nous intéresse tout particulièrement.....S'il est encore trop tôt pour se prononcer sur les modalités pratiques du recours aux instruments économiques qui seront choisis, il fait toutefois peu de doutes que que le recours à ce type d'instruments constituera la clé de voûte de cette nouvelle génération de normes juridiques...Aussi, nous parait-il essentiel que les conditions de leur sanction ou de leur interprétation pratique soient précisées. Quid de l'instance juridictionnelle la plus adaptée ? Quelles pistes sont avancées sur ce sujet dans les négociations menées actuellement ? Merci.

Erri De Luca | 23 avril 2012 à 09h56 Signaler un contenu inapproprié

Il est grand temps de se rendre compte que ces grands raouts médiatiques ne servent strictement à rien tant du point de vue de l'environnement que des questions sociales..., ou plutôt qu'ils ne servent qu'à très peu de gens qui se gobergent et se déplacent aux frais de leurs concitoyens pour figurer sur la photo parmi les "grands hommes" et pondre encore un nouveau rapport consensuel et totalement inutile.

Albatros | 10 mai 2012 à 12h10 Signaler un contenu inapproprié

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