Le 9 mars, les services du ministère de l'Environnement ont publié un rapport sur le retour d'expériences des inondations qui ont touché la France en mai et juin 2016. Globalement, la gestion de la crise a été convenable, malgré les dommages importants et l'évacuation de plus de 15.000 personnes. La crise a été "significative, mais (…) pas hors normes", explique le document alertant sur le fait que les pouvoirs publics pourraient être confrontés à l'évacuation "de centaines de milliers de personnes pour plusieurs semaines". Pour y faire face, il recommande de compléter les plans de prévention des risques et les plans de sauvegarde, d'améliorer et sécuriser le système de prévision, ou encore de clarifier les messages de vigilance adressés aux responsables locaux.
Pour rappel, du 25 mai au 6 juin 2016 ont eu lieu d'importantes crues des affluents de la Seine et de la Loire
. Avec une facture dépassant le milliard d'euros, elles constituent le deuxième évènement le plus coûteux, après la tempête Xynthia. Une quinzaine de départements avaient été touchés, et notamment le Cher, l'Essonne, le Loir-et-Cher, le Loiret, Paris, la Seine-et-Marne, l'Yonne et les Yvelines.
Etendre certains PPRI
Lorsqu'un PPRI existe, le plus souvent, la zone sinistrée est cohérente avec le zonage du plan. Toutefois, la crue étant supérieure à celle de 1910 dans certains bassins, le rapport note que les zones déterminées par les PPRI ont été "largement submergées" et d'autres, non prises en compte, ont été inondées. Pour ces communes, "les PPRI devront donc être revus". Enfin, dans de rares cas, la carte des PPRI ne coïncide pas avec les sinistres, comme à Longjumeau (Essonne), par exemple.
Le rapport relève aussi que certaines constructions neuves sensibles ont été inondées : un centre de traitement des déchets, une station d'épuration des eaux et un centre pénitentiaire. La complexité de l'évacuation de la prison de Saran (Loiret) montre les problèmes soulevés par de tels établissements. Le document préconise donc d'interdire l'implantation d'établissements accueillant des populations sensibles dans les zones "enveloppe des inondations exceptionnelles". Cette mesure devrait être opposable et les pouvoirs publics devraient s'assurer qu'elle est respectée. Les auteurs ont notamment à l'esprit les établissements abritant des personnes qui ne peuvent pas se déplacer de façon autonome, qu'il s'agisse de détenus, de malades, de personnes âgées ou handicapées. Quant aux constructions autorisées, elles devraient être mieux encadrées, via des documents techniques unifiés (DTU) dédiés aux constructions en zone inondable.
Faire des plans de sauvegarde plus opérationnels
L'une des particularités des crues de 2016 est qu'elle n'a concerné que les affluents du cours moyen de la Seine et de la Loire. Contrairement à celle de 1910, l'amont a été épargné. "Cela explique pourquoi les délais de formation de ces crues ont semblé assez courts", indiquent les auteurs, ajoutant que "la culture collective, formée autour de la crue de 1910 (…) a induit chez les gestionnaires de la crise un sentiment erroné que cette crue était anormalement rapide". Pourtant, la rapidité de la montée des eaux n'a rien d'anormal pour de tels niveaux de précipitation. D'ailleurs, le système de prévision des crues et des inondations a pu remplir correctement son rôle, malgré quelques problèmes d'observation et de modélisation hydrologique.
En revanche, la communication a été défaillante : le document estime que les alertes "pluies-inondations" ou "inondations" de Météo-France sont venues perturber la lisibilité des messages Vigicrue. "[Un maire] est susceptible de recevoir en moyenne une fois tous les dix ans un message Vigicrues orange, qui suppose une forte mobilisation alors qu'il reçoit trente fois dans le même temps une vigilance orange Météo pour des risques d'orage qui ne requièrent aucune action de sa part !".
Le rapport note aussi que les communes dotées d'un PPRI sont mal préparées. Elles ont obligation de réaliser un plan communal de sauvegarde (PCS), mais nombre d'entre elles ne l'ont pas réalisé. Ainsi, plus de 60% des communes des départements de l'Essonne, des Yvelines et de la Seine-Saint-Denis n'ont pas réalisé leur plan de sauvegarde. Surtout, ces plans doivent être exploitables et opérationnels (grâce à des "fiches reflexes"), tenus à jour et connus des acteurs concernés. De tels plans "sont malheureusement des exceptions", déplore le document, ajoutant que "trop de plans sont de simples documents administratifs, inutilement volumineux, réalisés par des bureaux d'études insuffisamment au fait des nécessités opérationnelles". Enfin, l'obligation d'établir un PCS "est très insuffisante" puisqu'elle laisse penser qu'il n'y a pas d'enjeux pour les communes non soumises à PPRI.
Quant à l'après crise, il a fait l'objet "d'une attention et d'un soutien réels coordonnés de façon satisfaisante par les préfets". Le rapport émet toutefois un bémol : "Les dispositifs d'aides financières aux particuliers, mis en place par l'Etat pour la première fois à cette occasion, ne sont sans doute pas d'une très grande efficacité". Ils ont surtout eu un rôle symbolique. Les auteurs recommandent de confier la mise en œuvre de ce type de soutien aux communes.