Pourtant, les entreprises sont et seront de plus en plus mises face à leurs responsabilités dans ce domaine. D'abord par les citoyens et les consommateurs, représentés ou non par des associations et organisations non gouvernementales : la force de la société civile peut être considérable, note Jean-Pierre Favennec, directeur du Centre économie et gestion de l'IFP. Le boycott peut mettre une pression très forte sur l'entreprise.
Aujourd'hui d'autres facteurs, externes aux entreprises, les incitent également à mieux prendre en compte le risque environnemental : des actions engagées par des tiers influent de plus en plus sur les activités des entreprises. Aux Etats-Unis, certains groupes ont vu leurs projets d'investissements contrecarrés par l'administration pour protéger l'environnement. Certains projets sont gelés, d'autres reçoivent moins d'aides. Certaines banques américaines, une minorité pour l'instant, prennent également en compte le risque climatique et le coût carbone dans leurs analyses financières.
Des interventions en interne influencent également une meilleure appréciation de ce risque par les entreprises : les actionnaires exigent de plus en plus des justifications précises sur les actions des entreprises pour limiter le risque climatique. Ils redoutent des conséquences qui pourraient mener une entreprise à la ruine.
Les entreprises face à leurs responsabilités
La prise en compte du risque environnemental impose un changement de mentalité au sein des entreprises : les décisions prises aujourd'hui auront un impact sur les générations futures, rappelle Bernard Saincy, directeur de cabinet de Bernard Thibault à la CGT. Celui qui prend les risques aujourd'hui n'est pas celui qui en assumera les conséquences. Avant, dans le monde de l'entreprise, il y avait une solidarité intergénérationnelle tournée vers les anciens, avec le système des retraites. Aujourd'hui doit s'instaurer une nouvelle forme de solidarité intergénérationnelle envers les générations futures.
La tentation court-termiste du système économique devra nécessairement s'accommoder d'une vision à plus long terme, imposée par ce « nouveau risque ». Car la gestion de celui-ci, comme celle des autres risques, implique plusieurs étapes pour l'entreprise. Identifier et évaluer, notamment en termes financiers, les risques et l'impact des activités de l'entreprise sur l'environnement, et les maîtriser. Si les entreprises commencent à s'organiser pour mieux appréhender ce risque, une autorégulation peut avoir des effets pervers…
Beaucoup d'entreprises cherchent à devenir « carbon neutral » en menant des actions en internes ou en achetant des crédits carbone, explique Jean-Pierre Hauet. Or, aujourd'hui beaucoup de systèmes d'achats volontaires de carbone naissent et ne sont pas contrôlés.
Autre conséquence : Dans l'industrie pétrolière, pour éviter les catastrophes telles que les marées noires, ou pour ne pas en assumer la responsabilité, beaucoup d'entreprises sont tentées de sous-traiter le transport. Il faudrait une mise en place de normes au niveau international pour réguler ce problème, commente Jean-Pierre Favennec.
Le risque climatique va en croissant mais il débouche sur des petits arrangements, confirme Jean-Pierre Hauet. Un besoin de gouvernance apparaît.
Une nécessaire gouvernance ?
Mais comment réguler les activités des entreprises sans entraver la liberté d'entreprendre ? Comment mettre l'entreprise face à ses responsabilités sur une échelle qui implique le long terme ? Qui doit assumer le risque ? La notion de risque environnemental pose beaucoup de questions et nécessite une meilleure définition.
L'encadrement juridique des risques environnementaux est complexe. La notion du risque est elle-même particulièrement difficile à appréhender. Si elle relève d'une composante objective, celle de la probabilité et de la gravité d'un dommage, elle comporte également une composante subjective, culturelle, dans la perception du risque et de son acceptabilité.
Une régulation internationale semble nécessaire afin d'harmoniser cette notion du risque mais aussi pour ne pas voir migrer les entreprises vers les pays où la gouvernance est moins forte.
Il est nécessaire enfin de trouver le juste équilibre entre principe de précaution, prévention des risques et liberté d'entreprendre : entreprendre, c'est aussi expérimenter, conclut Emile H. Malet, directeur de la revue Passages et de l'Adapes. Le risque fait partie du monde économique. Il n'y a pas d'entreprises sans risques.