Malgré la grande quantité de données et d'études disponibles (supérieures à 6.000), des conclusions définitives ne peuvent généralement pas être faites sur les liens entre pesticides et santé, estime l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), après avoir réalisé une revue scientifique des études publiées depuis 2006. Si elle juge ce constat décevant, l'Efsa se dit néanmoins peu surprise : "Cette observation est en accord avec des études antérieures sur l'épidémiologie environnementale, et en particulier sur les pesticides, qui reconnaissent que ces études épidémiologiques souffrent de nombreuses limites et que l'hétérogénéité des données est telle qu'elle ne permet pas de tirer des conclusions fermes".
Cependant, la réalisation de méta-analyses a permis à l'Efsa de trouver des associations significatives entre l'exposition aux pesticides et deux maladies : les leucémies infantiles et la maladie de Parkinson.
"Les données montrent une augmentation du risque associé à l'exposition aux pesticides", souligne l'Efsa. Celle-ci recommande également d'explorer davantage certains risques comme les troubles endocriniens, l'asthme, les allergies, le diabète et l'obésité, pour lesquels un risque accru est pointé du doigt. L'Efsa prévient que son étude ne présente que les effets récemment constatés et pas les plus anciens, puisqu'elle ne couvre que les publications post 2006.
Des avancées technologiques prometteuses ?
L'Autorité est très critique quant à la méthodologie utilisée dans la plupart des études. Tout d'abord, le spectre est large. Vingt-quatre grandes catégories de maladies sont analysées, les plus fréquentes étant les cancers et les risques pour les populations sensibles (femmes enceintes et enfants). Les troubles neurologiques et de la reproduction sont également très étudiés.
Face à ce périmètre étendu, un large éventail de catégories de pesticides est passé au crible. "Les études se concentrent très souvent sur une catégorie de pesticides au sens large, et il est difficile de comprendre à quels pesticides la population est exposée", regrette l'Efsa. De nombreuses études se penchent également sur des pesticides déjà interdits sur le territoire européen ou dans les pays occidentaux.
Mais selon elle, "l'évaluation de l'exposition est peut-être la limite méthodologique la plus importante de ces études". L'exposition est en effet complexe à mesurer. Les études de cohortes sont rares et parmi les différentes méthodes d'évaluation existantes, de nombreuses études se fondent sur l'exposition auto-déclarée aux pesticides. "Ces méthodes souffrent de taux de classification erronés, et en particulier dans le cas d'études rétrospectives, elle peuvent souffrir d'un biais de rappel : des expositions plus élevées pourraient être signalées chez les participants atteints d'une maladie".
De plus, si les questionnaires permettent de différencier les niveaux d'expositions très élevés et très faibles, ils ne permettent pas une classification des sujets selon une relation dose-réponse. "En outre, la précision de l'exposition pourrait être élevée pour les grandes catégories de pesticides et les pesticides couramment utilisés, mais pas pour les pesticides spécifiques". Enfin, la multi-exposition aux substances chimiques et pollution est peu prise en compte.
L'Efsa conclut sur une note "positive" : des avancées technologiques, comme les biomarqueurs agnostiques ou l'analyse métabolomique, sont actuellement mises au point pour permettre de mesurer des expositions environnementales avec un minimum d'erreurs et de spécifier l'exposition.