En décembre dernier, la ministre de la Transition écologique avait missionné le journaliste Fred Courant et cinq experts pour faire des propositions de modernisation de la culture du risque, qu'il s'agisse de risques technologiques ou naturels. Ce lancement faisait suite à l'accident industriel de Lubrizol en septembre 2019 mais également à la tempête Irma en août 2017, aux inondations dans l'Aude en octobre 2018 et dans les Alpes-Maritimes en octobre 2020.
Les experts, secondés par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), ont remis leurs conclusions à la ministre, Barbara Pompili, mardi 6 juillet. Ils formulent douze propositions qui vont de l'instauration d'un événement national fédérateur à la mise en place d'une charte commune des alertes aux populations, en passant par l'évolution de la plateforme Géorisques ou la formation des métiers du bâtiment aux solutions intégrant des mesures préventives. « Mon ministère est mobilisé pour analyser l'ensemble de ces propositions et les traduire en mesures concrètes dans les prochains mois », annonce Barbara Pompili.
Trois des propositions concernent directement les élus locaux. La commission d'enquête sénatoriale sur les conséquences de l'incendie de Lubrizol avaient en effet rapporté que 62 % des élus locaux interrogés déploraient un manque d'information sur les risques industriels. « Souvent, les élus ne détiennent pas plus d'informations que celle diffusée au public », avait déploré Delphine Favre, déléguée générale de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris). Les missions de hauts fonctionnaires chargées d'évaluer la gestion de l'accident de la capitale normande avaient également préconisé de s'appuyer davantage sur les élus locaux. « Les maires rencontrés ont exprimé un sentiment de banalisation [des] avertissements », avait rapporté, de son côté, la mission constituée après les inondations dans l'Aude.
« Premier responsable des dysfonctionnements »
La mission Courant propose en premier lieu de sensibiliser les élus locaux et de mettre en œuvre une formation approfondie. « En effet, le maire méconnait souvent les risques auxquels est confrontée sa commune et il est pourtant consacré légalement comme directeur des opérations de secours (DOS) en cas de crise. La loi en fait aussi le premier responsable des dysfonctionnements qui peuvent intervenir lors de la gestion d'une crise. Enfin, il est susceptible de donner l'alerte à ses administrés », soulignent les auteurs. Ceux-ci suggèrent d'expérimenter des webinaires de sensibilisation proposant des exercices de mise en situation et d'échange d'expériences, et prennent pour exemple les formations proposées par le département de la Haute-Garonne.
Chaînon manquant entre l'État et le maire
Deuxième proposition de la mission : désigner un référent unique « risques » auprès des maires afin d'améliorer la transmission d'informations. Des solutions de prévention existent déjà, relève-t-elle : réserve communale de sécurité civile, service civique universel, élus délégués, ou citoyens « sentinelles ». Mais ces dispositifs sont souvent insuffisants et de nombreux élus ont témoigné « d'un chaînon manquant » entre l'État et le maire. « Cette fonction par délégation existe déjà dans les moyennes et importantes communes (en nombre d'habitants) mais reste inexistante pour les plus petites », rapportent les auteurs.
Enfin, pour récompenser les efforts engagés en la matière par les collectivités locales, la mission propose de créer un concours national à destination des communes sur le modèle des trophées éco-actions organisés par l'association des Éco Maires. « Plusieurs critères permettraient de sélectionner les communes lauréates, en tenant compte des actions d'acculturation et de prévention, des choix d'urbanisme et d'aménagement du territoire, de l'engagement des élus dans la formation, etc. », suggère la mission.
Reste à voir ce que Barbara Pompili va effectivement retenir de ces propositions. En tout état de cause, la ministre semble convaincue par la nécessité d'améliorer la culture du risque. « En adoptant les bons gestes et les bons réflexes, certains décès ou accidents qu'on déplore lors de catastrophes naturelles pourraient être évités. Et on sait que le dérèglement climatique ne va faire qu'intensifier ces catastrophes. Notre meilleure arme face à ces risques, y compris industriels, c'est la prévention », estime Mme Pompili.