Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a rendu public le 30 août un rapport d'audit (1) sur la politique de prévention des risques menée par le ministère de l'Ecologie. Le bilan est "nettement positif" mais doit prendre en compte la spécificité de certains secteurs, comme la prévention des risques naturels, la politique des déchets, la mise en place des PPRT ou encore les installations classées agricoles.
Une administration compétente, réactive et bien structurée
"Le Ministère a réussi à construire une politique de prévention des risques cohérente, structurée et efficace en valorisant bien les moyens dont il dispose", relèvent les auteurs du rapport.
Quels sont les atouts sur lesquels l'Etat peut s'appuyer ? Le rapport en recense plusieurs : un corpus législatif et réglementaire "cohérent, puissant et ayant globalement bien intégré la législation européenne", une administration "compétente, réactive et bien structurée", un "réseau étoffé d'organismes scientifiques et techniques mobilisables", des "moyens financiers diversifiés", un dispositif général de pilotage de la politique "bien construit" et, enfin, une pratique "ancienne de la concertation et la gouvernance « grenellienne »".
Un certain nombre de menaces pèseraient toutefois sur la politique de prévention des risques, parmi lesquelles la tendance à une prolifération législative et réglementaire, la difficulté à maîtriser les délais de certaines procédures administratives, le caractère incomplet du "dispositif de pilotage régional des actions déconcentrées dans les secteurs qui font intervenir des services départementaux" ou encore "la dimension inachevée du dispositif de participation du public" qui fait "peser des risques d'inconstitutionnalité sur de nombreuses procédures".
Vigilance sur les risques naturels, les déchets et le bruit
Certains thèmes exigent également une vigilance particulière. Ainsi, "la prévention des risques naturels est intrinsèquement compliquée", souligne le rapport. Les causes ? L'absence d'exploitants, la "quasi-impossibilité de faire jouer le levier de la réduction du risque à la source", une organisation administrative "moins structurée" et des procédures de pilotage "moins développées".
"La capacité de l'Etat à piloter ou animer la politique des déchets (…) doit rester un point de vigilance", souligne également l'étude, en particulier "la manière dont il peut surveiller les filières de « responsabilité élargie des producteurs »". D'autres points posent question : le rôle donné aux DREAL (2) dans l'animation territoriale de la politique des déchets et leur articulation avec l'Ademe, ou encore "le caractère presque obsolète de l'encadrement juridique des activités relevant des communes en matière de déchets".
En ce qui concerne le bruit, "première nuisance ressentie par les Français", la mission pointe des "risques d'insuccès", avec la possibilité d'une condamnation de la France pour mauvaise application de la directive européenne ou les progrès à accomplir en matière d'animation de cette politique par les DREAL.
La difficile mise en place des PPRT
La complexité de la mise en place des PPRT interpelle également les auteurs du rapport qui soulignent que "l'imbrication d'installations dangereuses dans le tissu urbain constitue l'une des principales menaces (…)". Or, soulignent-ils, "le succès est encore loin d'être au rendez-vous", d'où "un vrai risque de perte de crédibilité pour la politique de prévention des risques", même si la mise en place des plans "a maintenant franchi un cap" grâce aux avancées obtenues en matière de répartition des financements.
Quant aux installations classées, l'accent mis sur les installations présentant les enjeux les plus importants en termes de risques chroniques ou accidentels, bien que "totalement justifié", ne doit pas conduire à oublier les 490.000 autres installations classées, souligne le rapport. L'instauration de contrôles par des organismes agréés et le recours à des certifications volontaires sont qualifiés d'évolutions "positives" à cet égard.
Enfin, l'audit pointe "la difficulté du Ministère à maîtriser l'ensemble des paramètres du dispositif d'inspection des installations classées agricoles". L'existence d'un système spécialisé d'inspection pour ces ICPE "présente les avantages liés à toute spécialisation" mais l'organisation retenue "réduit nettement les capacités de pilotage de ce système par le Ministère". Ce qui pousse les auteurs à envisager "l'éventualité d'une intégration dans les DREAL".
Ne pas se laisser engluer dans des débats complexes sur les nombreux risques émergents
Malgré la note globalement positive attribuée par cet audit à la politique du ministère, ses auteurs rappellent aussi que "la politique de prévention des risques n'est pas à l'abri d'échecs", la menace la plus dramatique étant "la survenue d'un accident industriel ou naturel majeur" qu'aucune politique, aussi efficace soit-elle, ne peut totalement occulter. Le rapport pointe aussi le risque pour l'Administration de se laisser "engluer dans des débats complexes sur les nombreux risques émergents", sans identifier à temps l'importance de l'un d'entre eux en particulier.
Comme le concluent les responsables de la mission, la prévention des risques est à la fois "une exigence de notre société" et "une tâche exaltante mais ingrate" car "les enjeux seront toujours supérieurs aux moyens et les échecs seront dramatiquement plus visibles que les succès".