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“L'océan austral est un des puits de carbone parmi les plus efficaces de la planète”

Cette fin d'année sera l'occasion pour Tara de retrouver les glaces, mais de l'Antarctique cette fois. Romain Troublé, directeur des opérations, revient sur l'attrait scientifique de ces eaux et des conditions particulières qu'elles imposeront au bateau et à l'équipage.

Interview  |  Gouvernance  |  
   
“L'océan austral est un des puits de carbone parmi les plus efficaces de la planète”
Romain Troublé
Directeur des opérations Tara Océans
   

Quel sera le parcours de Tara jusqu'en Antarctique ?

Romain Troublé : Tara partira d'Ushuaia (Argentine). La traversée du passage du Drake, jusqu'aux premières îles de la péninsule antarctique comporte 500 milles nautiques et devrait durer 3 à 4 jours. Il faudra ensuite 200 milles au bateau pour accéder à la mer de Weddell. Tara effectuera cette traversée entre l'Amérique du Sud et l'Antarctique en plein été austral à partir du 30 décembre. Les conditions météo sont variables à cette époque de l'année avec des dépressions plus maniables qu'en plein hiver. En revanche, la houle est toujours présente.

Quelles seront les régions de prélèvements scientifiques en péninsule antarctique ?

RT : Les scientifiques de Tara feront des sondages dès le passage du Drake, à l'aller comme au retour, dès qu'une fenêtre météo s'ouvrira. Ce passage est étudié toute l'année grâce à des navires océanographiques et à quelques mouillages et bouées bardées de capteurs étudiant les paramètres physiques de l'eau à cet endroit. Il sera très important de mesurer avec Tara ces mêmes paramètres mais surtout de faire des prélèvements des organismes présents en fonction des caractères physiques de l'eau. C'est une zone de mélange entre le Pacifique et l'Atlantique très intéressante. La vie qui passe par là, se retrouve dans le courant des Malouines, déjà étudié par Tara Oceans entre Buenos Aires et Ushuaia début décembre. Pour ce qui est de la péninsule antarctique, nous ferons des stations entre l'île volcanique de Déception et l'île du Roi George avant de continuer vers le Sud à l'entrée de la Mer de Weddell.

Faudra-t-il changer la manière de prélever en raison des conditions climatiques ?

RT : Les températures pourront être proches de 0°C, par conséquent les instruments scientifiques seront chauffés, notamment la rosette, avant et après sa mise à l'eau. Le laboratoire humide sera aussi chauffé pendant les stations. L'équipage portera une tenue adaptée aux conditions. Nous avons acheminé à bord des gaines de chauffage utilisées pendant la dérive arctique de Tara (2006-2008) qui nous permettront d'utiliser la chaleur dégagée par le groupe électrogène pour chauffer le laboratoire et la rosette.

Quelle sera la température à l'extérieur et à l'intérieur ?

RT : Nous aurons des températures allant de -5° à +10°C, la température de la mer oscillant elle entre -2° à 2°C, elle tempère donc l'environnement. À l'intérieur de Tara, il fera 15 à 19°C grâce au chauffage central.

Fera-t-il jour ou nuit ?

RT : Il fera jour la majorité du temps. La nuit, sous forme de pénombre, sera courte. Elle durera entre 2h et 4h par 24h, en fonction de la latitude de Tara.

Quelles sont les conditions de navigation en Antarctique ?

RT : La route pour rejoindre la péninsule passe devant le Cap Horn, réputé pour ses tempêtes. Tara naviguera vraisemblablement dans une mer forte, avec une grande houle, au vent de travers pour descendre vers l'île de Déception. Les 50ème hurlants sont généralement fidèles à leur réputation avec des vents de plus de 50 nœuds, de la neige et une mer très forte. Dans ces conditions, Tara est à l'aise et navigue à la voile à environ 9-12 nœuds avec deux ris et sous trinquette. La vie à bord reste "confortable". En Antarctique, Tara rencontrera sur sa route du brash (glace en petits morceaux), des growlers (assez gros morceaux de glace, à fleur d'eau), des icebergs dont les gigantesques tabulaires ; en mer de Weddell. Tara devra sans doute se frotter à la banquise, en évitant de se faire enfermer par son étreinte.

L'Expédition Tara Océans

Le 5 septembre 2009, le bateau Tara est parti de Lorient pour une expédition de 3 ans sur tous les océans du monde afin d'étudier la vie microscopique. Parce que le plancton, c'est : 98% de la biomasse des océans qui est inconnue ce jour, les origines de la vie sur Terre, 50% de l'Oxygène que l'on respire, le premier puits de carbone de la planète et une source de bioactifs pour la médecine.

Pour appréhender les effets du changement climatique et de la pollution sur cette vie marine, des scientifiques internationaux de renom, avec leur tête un français le Dr Eric Karsenti, directeur d'unité à l'EMBL (Laboratoire européen de biologie moléculaire), sont venus la rencontre d'Etienne Bourgois et du Fonds Tara. Ils ont décidé de s'associer pour réaliser l'expédition Tara Oceans. Le programme Tara Oceans rassemble aujourd'hui une équipe internationale et multidisciplinaire initiée d'une centaine de scientifiques.
Quel est l'intérêt scientifique pour Tara d'aller prélever en Antarctique ?

RT : La diversité des prélèvements, des virus jusqu'au macroplancton, par des techniques qui sont utilisées dans d'autres océans également. La possibilité de comparer tous les océans via les mêmes techniques est le point fort incontestable de cette expédition. Sur la zone étudiée par Tara, le plancton est abondant. Il y a une biodiversité moins importante mais une quantité plus élevée que dans les autres océans. Il s'agit d'étudier l'océan austral où les conséquences du changement climatique se font le plus sentir, entraînant d'importants changements dans la communauté planctonique.

Quel est le profil des hommes à bord ?

RT : Parmi l'équipage à bord, le capitaine de Tara depuis 5 ans, Hervé Bourmaud, a réalisé la dérive arctique de 2006 à 2008. Il est épaulé par plusieurs excellents marins que sont Baptiste Régnier, Mike Lunn, Alain Giese et François Noël. Parmi les scientifiques, le chef scientifique est Marc Picheral qui a navigué en Arctique et sur tous les océans. Il sera appuyé par deux ingénieurs rompus à Tara et à cette zone : Céline Dimier et Hervé Le Goff qui a également fait la dérive arctique à bord de Tara.

À quel moment la mer de Weddell est-elle dégagée des glaces ?

RT : Ceci est très variable suivant les années. Ce début de printemps austral paraissait prometteur avec une large bande libre de glace le long de la péninsule, mais depuis une quinzaine de jours, la tendance s'est inversée et la glace se reforme. Espérons que le régime des vents fin décembre permettra aux glaces de refouler vers le Sud.

L'équipe ira-t-elle à terre ? Où ? Pourquoi ?

RT : La mission se passe essentiellement en mer. L'équipe ira à terre soit pour rendre visite aux bases de recherche scientifiques sur l'île du Roi George (bases chilienne, chinoise et russe), soit pour se « dégourdir les jambes » quelques heures à l'île Déception ou sur les autres îles à l'entrée de la Mer de Weddell. Nous observerons bien sûr tous les règlements en vigueur en Antarctique (traité sur l'Antarctique), relatifs à la faune ou à la flore, en minimisant au maximum l'impact de notre expédition sur l'environnement local.

Ce genre d'expédition sur le plancton a-t-il déjà été mené dans cette zone antarctique?

RT : Depuis l'origine des recherches dans l'océan austral, le plancton y est étudié. Pour les recherches récentes, cela peut se résumer en quelques points essentiels :

- influence des changements environnementaux sur les communautés planctoniques (réchauffement climatique, trou d'ozone, acidification des océans...)

- étude des variations interannuelles des concentrations de krill antarctique (petites crevettes des eaux froides, Euphausia superba) en s'intéressant à son rôle pour les prédateurs supérieurs (oiseaux, phoques, baleines), son exploitation et ses variations vis-à-vis d'organismes gélatineux (salpes). On a en effet remarqué que les années plus chaudes, les salpes dominent, et les années plus froides, le krill domine.

- étude du plancton associé à la glace de mer (jeunes glaces de 10 à 15 cm).

- biogéographie du plancton à large échelle via le programme du Southern Ocean Continuous Plankton Recorder géré par Graham Hosie de l'Australian Antarctic Division et impliquant plusieurs pays.

- adaptations physiologiques et biochimiques aux conditions extrêmes.

- écologie des larves de poissons.

- l'océan austral est très riche en silice, l'élément qui constitue le verre. Il y a donc beaucoup de diatomées dont l'exosquelette (carapace) est composé de verre. Les diatomées sont les phytoplanctons prédominants en Antarctique. Quand les diatomées meurent, elles coulent jusqu'au fond de l'océan parce que leur exosquelette de verre les rend très lourdes. En coulant, elles emportent avec elles le carbone et le silicium qu'elles ont stockés toute leur vie.

Par conséquent l'océan austral est un des puits de carbone le plus efficace de la planète. Par ailleurs les populations de diatomées sont à la base d'une chaîne alimentaire extrêmement importante, constituant le nutriment principal du krill.

Propos recueillis pas les équipes du Fonds Tara.

Réactions1 réaction à cet article

Bonjour,
que faut -il faire pour pouvoir partir dans une expédition comme celle-ci?

moovie27 | 30 décembre 2010 à 07h31 Signaler un contenu inapproprié

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