Si le passage de l'hiver 2019-2020 ne préoccupe pas outre mesure le gestionnaire de réseau du transport d'électricité RTE, en revanche, il s'est dit plus vigilant pour les années suivantes, à l'occasion de la présentation de son bilan prévisionnel pluriannuel, le 20 novembre. En effet, le système électrique ne pourra plus compter sur la centrale nucléaire de Fessenheim (1,8 GW) qui doit fermer en 2020, ni sur les cinq centrales à charbon (3 GW) dont la fermeture est annoncée d'ici 2022. Ces fermetures devaient être compensées par l'ouverture de l'EPR de Flamanville. Mais cette mise en service étant, une nouvelle fois, repoussée, le système électrique devra faire sans. Or, dans le même temps, le parc nucléaire est engagé dans un programme de maintenance et de visites décennales « occasionnant des arrêts de longue durée sous le contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire ». Et « l'ensemble des pays européens se sont engagés de manière concomitante dans des programmes de fermeture de capacités de production pilotables », explique RTE. Le recours aux interconnexions pour importer de l'électricité sera donc moins évident.
Vigilance sur la sécurité d'approvisionnement en 2021 et 2022
« Au cours des dernières années, plusieurs hypothèses fondamentales du Bilan prévisionnel ont ainsi été révisées dans un sens défavorable, analyse RTE. Dans un premier temps (jusqu'en 2021-2022), le niveau de sécurité d'approvisionnement peut être respecté, y compris en intégrant les premières fermetures prévues en France ». La maîtrise du planning nucléaire actuel, la mise en service de la centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau et de deux interconnexions avec l'Italie et le Royaume-Uni, ainsi que le respect de la trajectoire sur l'éolien terrestre, seront des éléments essentiels de l'équilibre en 2021.
En 2022, la situation deviendra plus critique avec les dernières fermetures des centrales au charbon. « Dans cette configuration, le critère national [de sécurité d'approvisionnement] ne serait pas respecté dans la plupart des variantes étudiées dans le Bilan prévisionnel, et le problème spécifique sur la tenue de tension dans l'ouest de la France se renforcerait significativement », prévient RTE. À partir de 2023, le contexte paraît plus favorable, avec la mise en service potentielle de l'EPR, de parcs offshore et les trajectoires de développement de l'éolien et du photovoltaïque.
3 GW de marge peuvent être gagnés d'ici 2022
Devant ces perspectives, le ministre de la Transition écologique François de Rugy avait demandé à RTE, en 2019, de plancher sur des leviers susceptibles d'améliorer la sécurité d'approvisionnement. Trois leviers avaient été identifiés : la maîtrise de la consommation, l'optimisation du calendrier des arrêts de réacteurs nucléaires et le maintien sous cocon de la centrale de Cordemais. « Chacun peut conduire à un gain d'au moins 1 GW sur les marges à l'horizon 2022 et permettre ainsi le respect du critère de sécurité d'approvisionnement », indique RTE, qui précise les pistes d'action.
En revanche, l'optimisation du calendrier nucléaire n'offrirait pas, à ce stade, de marges de manœuvre importantes. Mais « le respect strict des calendriers des visites décennales des réacteurs nucléaires, tels qu'ils sont annoncés par l'exploitant, offrirait un gain de l'ordre d'un à deux gigawatts selon les hivers ».
Le maintien sous cocon ou la conversion de Cordemais
Enfin, RTE souligne que « les investigations menées conduisent à conforter les conclusions présentées en avril 2019 sur la nécessité du maintien en disponibilité ou de la conversion à la biomasse d'un ou deux groupes de Cordemais (à standards inchangés en matière de sécurité d'approvisionnement) ». Ce maintien pourrait prendre plusieurs formes : un fonctionnement dans la limite d'un plafond d'environ 700 heures, un fonctionnement à la biomasse (projet Ecocombust 32690) assorti d'une limite annuelle de fonctionnement de 400 heures (projet actuel d'EDF) ou de 800 heures (courrier du ministre de janvier 2019), ou encore, un fonctionnement sous la forme d'une réserve de dernier recours.