Alors que cinq schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) ont déjà été approuvés par les préfets de région et publiés, et que deux sont actuellement en consultation, la méthodologie d'élaboration de ces schémas est toujours en cours de discussion. Le ministère de l'Ecologie lance ce jeudi 28 février un groupe de travail sur ce sujet, afin de mettre autour de la table toutes les parties prenantes.
Prévus par la loi Grenelle 2 et précisés par décret du 20 avril 2012, ces documents doivent être adoptés par le gestionnaire du réseau de transport RTE, en accord avec les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité concernés, six mois après la publication des Schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE). Ils doivent définir les lignes ou postes électriques à renforcer ou à créer pour atteindre les objectifs fixés par les SRCAE, le coût prévisionnel de ces ouvrages et une mutualisation du coût des ouvrages à construire entre producteurs d'électricité renouvelable.
Selon Hespul, cette mutualisation "est une bonne idée qui répond au besoin des producteurs d'électricité renouvelable raccordés au réseau mais, tels qu'élaborés, les S3REnR posent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses aux problèmes rencontrés". L'association spécialisée dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique demande la mise en place d'un moratoire sur ces schémas tant que tous les points problématiques n'ont pas été discutés par les parties concernées.
Hespul n'est pas la seule à interpeler les pouvoirs publics. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait émis plusieurs réserves sur les surcoûts engendrés par ce dispositif dans un avis publié en février 2012. L'association France énergie éolienne (FEE) a quant à elle déposé un recours devant le Conseil d'Etat en octobre dernier.
Le cas des installations raccordées en basse tension
Le décret du 20 avril 2012 prévoit que tout producteur d'électricité renouvelable à partir d'une installation d'une puissance supérieure à 36 kVA est redevable du coût des ouvrages propres destinés à assurer le raccordement de son installation de production aux ouvrages du schéma régional de raccordement au réseau et d'une quote-part du coût des ouvrages à créer en application du S3REnR. Cette quote-part est calculée en proportion de la puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation. En retour, ces nouvelles capacités d'accueil sont réservées aux installations de production d'électricité renouvelable pour une durée de dix ans.
"Bien que les ouvrages à créer se situent sur le réseau de transport (HTB ou THT), leur coût sera payé en partie par des producteurs raccordés au réseau de distribution basse tension dont les installations n'impactent pas le réseau de transport", souligne Hespul. Dans son avis publié en février, la CRE faisait la même remarque et préconisait au gouvernement de limiter l'application des schémas régionaux de raccordement "aux seules installations de production de puissance supérieure à 250 kVA raccordées en haute tension (HTA)". Car selon elle, "le périmètre de facturation du raccordement augmente significativement pour les producteurs raccordés en basse tension". La CRE recommandait également de limiter la contribution au titre de la quote-part "aux seuls ouvrages créés dans le domaine de tension de raccordement de référence de l'installation de production".
D'autant que, souligne Hespul, "il n'existe à ce jour aucune mutualisation équivalente des ouvrages sur le réseau de distribution. Ainsi, des devis de raccordement d'installations supérieures à 36 kVA peuvent contenir (en plus de la quote-part) la création d'un poste de distribution, à leur frais, sans mutualisation". Interpelée sur ce point lors du colloque du Syndicat des énergies renouvelables organisé le 7 février dernier, la présidente d'ErDF Michèle Bellon avait reconnu que "la loi est imparfaite aujourd'hui : elle prévoit que les coûts de cette opération sont à la charge d'un seul producteur, le premier arrivé…".
Des frais injustement supportés par les producteurs d'EnR ?
Les producteurs dénoncent des surcoûts qui mettent en péril de nombreux projets. "L'accès au réseau devient bloquant, notait Jérôme Billerey, président du directoire d'Aérowatt, lors du colloque du SER. Les frais de raccordement peuvent constituer jusqu'à 30% du prix final d'un projet". Des surcoûts qui seraient pourtant évitables, à en croire les observateurs…
Le décret d'application prévoit que "les gestionnaires des réseaux publics proposent la solution de raccordement sur le poste le plus proche disposant d'une capacité réservée (…) suffisante pour satisfaire la puissance de raccordement demandée". Pourtant, cette solution n'est pas toujours celle de moindre coût, indique la CRE, estimant que cela va à l'encontre du principe énoncé dans la loi. Le code de l'énergie dispose en effet que "le service public de l'électricité est géré (…) dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique".
Hespul constate également que, dans les faits, "les gestionnaires de réseaux intègrent les coûts de certains ouvrages à renforcer, augmentant ainsi [la quote-part] jusqu'à 70% dans certains cas", alors que le décret du 20 avril prévoit qu'elle porte sur les seuls "ouvrages à créer". De plus, les ouvrages à créer sont calculés à partir de la puissance maximale des installations sans prendre en compte le caractère intermittent des productions d'électricité renouvelable et les solutions de gestion intelligente de l'électricité.
Autre injustice soulignée par Hespul : "Les ouvrages une fois créés seront nécessairement utilisés par tous les utilisateurs du réseau, consommateurs comme producteurs, suivant les principes physiques de la distribution et du transport de l'électricité. Leurs coûts doivent donc être mutualisés entre tous les utilisateurs".