"L'artificialisation repart et l'accaparement des terres se poursuit ! Deux tendances majeures qui nous conduisent à des impasses", alerte Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer à l'occasion de la présentation des chiffres 2016 des marchés fonciers ruraux.
L'habitat individuel sur la sellette
"Les particuliers sont revenus les premiers, suivis des personnes morales privées et enfin du secteur public", rapporte l'étude. Le grignotage des terres agricoles résulte en premier lieu des constructions individuelles. La moitié des ventes enregistrées par les Safer concerne des terrains constructibles de moins de 1 hectare acquis par les particuliers pour un prix moyen de 39,20 €/m2. Un prix en baisse de 3,2% par rapport à 2015.
Les ventes de terrains constructibles individuels participent au mitage de l'espace rural, constate le rapport. "Les lots sont généralement plus étendus et beaucoup moins chers au mètre carré que les lots de lotissements viabilisés après promotion immobilière", expliquent les auteurs.
Même si les permis sont accordés sur des lots aujourd'hui plus petits que dans le passé, certaines communes tentant de diminuer la consommation d'espace rural, l'impact de cette artificialisation se révèle considérable. Au rythme actuel, estime la fédération nationale, un département français est artificialisé tous les 5-6 ans. Soit 8 à 9% de la surface agricole utile volatilisée d'ici 2060 et un cinquième du potentiel agricole perdu entre 1960 et cette date.
Un impact d'autant plus considérable que les terres soustraites à l'agriculture sont bien souvent parmi les plus fertiles situées en périphérie des villes. "En région parisienne, on a installé Disney, Roissy, Le Bourget et on veut étendre aussi le Grand Paris sur les terres les plus fertiles, sur des limons qui font 4 à 5 mètres de profondeur, ce sont les meilleures terres agricoles d'Europe", explique à l'AFP Robert Levesque, directeur de Terres d'Europe-Scafr, bureau d'études auteur du rapport.
L'Europe importe l'équivalent de 20% de sa surface agricole
Les constructions individuelles ont également été pointées du doigt par le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur l'état de la France. Ce dernier souligne que 46% des terres artificialisées en métropole entre 2006 et 2014 avaient été consommées par les maisons individuelles, leurs jardins et annexes. "Cela tient à la croissance de la population, et pour une part à des choix privilégiant la maison individuelle", soulignent les hôtes du Palais d'Iéna.
Pour remédier à cette artificialisation, ceux-ci préconisent de fixer des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espaces et de veiller à la cohérence des décisions en matière d'urbanisme. Pour cela, ils proposent notamment d'intégrer les valeurs agronomique et environnementale des sols dans les documents d'urbanisme.
"Nous protégeons d'ores et déjà les forêts et les espaces de biodiversité remarquable. Nous devons, de même, protéger les sols agricoles, en priorité ceux qui présentent le meilleur potentiel", martèle Emmanuel Hyest. Une protection qu'il juge indispensable pour s'adapter aux changements climatiques et réduire le déficit européen de terres agricoles. "L'Europe importe déjà l'équivalent de 20% de sa surface agricole", déplore le président de la Fédération nationale des Safer.
Si l'obligation de compensation agricole des projets d'aménagement mise en œuvre à l'automne dernier présente le mérite de reconnaître le problème, elle n'y répond toutefois que de manière imparfaite. Du seul fait déjà qu'elle laisse de côté la principale cause d'artificialisation des terres mise en lumière dans cette nouvelle étude.