Ce jeudi, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié une évaluation des impacts et enjeux économiques de son étude "100% renouvelables". L'évaluation compare l'impact macro-économique des trois variantes présentées par l'Agence fin 2015 : "visions 100% renouvelables électriques" (la part renouvelable de la consommation finale d'électricité s'élève à 100% en 2050), "visions 100% renouvelables électriques avec acceptabilité modérée" (qui correspond à la variante précédente avec une moindre acceptabilité de l'emprise des renouvelables électriques au sol) et "visions 80% renouvelables électriques" (80% de renouvelables dans la demande d'électricité finale en 2050).
Compte tenu de très nombreuses initiatives lancées ces dernières années, "le mouvement est enclenché, il faut maintenant l'accélérer", estime Bruno Lechevin, président de l'Ademe, précisant que "l'essentiel se joue dans les territoires".
Jusqu'à 900.000 emplois supplémentaires en 2050
Le point commun des trois scénarios est l'accent mis sur l'efficacité énergétique. La consommation finale d'énergie, de l'ordre de 150 millions de tonnes équivalant pétrole (Mtep) actuellement, chute à 83 Mtep dans les trois visions de l'Ademe et à 115 Mtep dans le scénario tendanciel. L'électricité, qui fait l'objet des scénarios de développement des renouvelables, couvre 34 Mtep dans les visions de l'Ademe et 46 Mtep dans le scénario tendanciel.
Globalement, l'Ademe juge que les effets expansionnistes de la transition énergétique sont plus importants que les effets récessifs. Cela devrait se matérialiser en 2050 par un PIB supérieur de 3,6% (vision 100% renouvelables électriques avec acceptabilité modérée) à 3,9% (vision 100% renouvelables électriques) par rapport à ce qui est anticipé en tendance. Cela correspond à deux années de croissance supplémentaires, illustre le président de l'Ademe.
Cet impact positif en terme de croissance se matérialisera en 2050 par 826.000 à 896.000 emplois de plus par rapport au scénario tendanciel, soit une baisse du chômage de 3,3 points à 3,6 points (le chômage est attendu autour de 8%, dans le scénario tendanciel). Avec entre 600.000 et 675.000 emplois supplémentaires, les services sont les grands gagnants d'une transition énergétique ambitieuse. Suivent la construction, les renouvelables et le transport. Trois secteurs perdent des emplois par rapport au scénario tendanciel : les énergies fossiles, l'automobile et surtout le nucléaire (environ 50.000 emplois perdus). Le chômage reculant, l'Ademe prévoit que le porte monnaie des Français sera plus fourni. Le revenu disponible des ménages (hors dépenses énergétiques et efficacité énergétique) devrait atteindre 1.100 à 1.150 milliards d'euros en 2020 et 2.030 à 2.050 milliards en 2050. Pour 2050, le gain des scénarios les plus ambitieux est sensible puisque le scénario tendanciel conduit à un revenu disponible de 1.793 milliards d'euros. Ce surplus de 255 milliards d'euros correspond à 3.300 euros par habitant. "Une transition énergétique ambitieuse bénéficie aux ménages, ce n'est pas forcément intuitif", résume Fabrice Boissier, directeur général délégué de l'Ademe.
7 à 9% de surplus d'investissements à financer
Reste que les bénéfices annoncés par l'Ademe sont conditionnés au financement d'une transition énergétique ambitieuse. Sur la période, il s'agit d'augmenter de 7 à 9% le montant des investissements prévus dans le scénario tendanciel, explique Bruno Lechevin. Quelque 1.050 milliards d'euros devraient être investis sur la période, dont la moitié pour l'efficacité énergétique. Pour y parvenir, l'Agence suggère trois pistes. Tout d'abord, il faut instaurer une taxe carbone ou une fiscalité forte sur l'énergie. La loi de transition énergétique fixe une trajectoire carbone de 14,5 euros par tonne de CO2 en 2015 à 100 euros en 2030. Si cela permet de combler une partie du retard accumulé par la France (qui se classe en avant dernière position des pays de l'Union européenne), cela semble toutefois insuffisant. L'Ademe plaide pour des niveaux sensiblement plus élevés (de l'ordre de 200 euros la tonne en 2030).
Il faut aussi faciliter le recours au crédit pour les travaux de rénovation énergétique réalisés par les particuliers. Selon l'étude de l'Observatoire permanent de l'amélioration énergétique du logement (Open), 43% des ménages qui n'ont pas réalisé de travaux citent le manque d'argent disponible et le souhait de ne pas emprunter et 39% d'entre eux jugent que les conditions de prêts proposées (taux, durée) n'étaient pas satisfaisantes. "Le développement d'un « service intégré de la rénovation énergétique » devrait contribuer à l'augmentation du recours au crédit par les particuliers", explique l'Ademe.
Enfin, il faut réorienter les investissements des institutions financières et des entreprises en tenant compte des risques et objectifs climatiques. Pour y parvenir, l'Agence préconise de faire évoluer la réglementation comptable et le cadre de reporting des acteurs financiers. Pour l'Ademe, l'article 173 de la loi de transition énergétique, qui impose la publication par les investisseurs institutionnels français et les entreprises cotées de certaines informations climatiques et la réalisation de tests sur l'exposition au risque climatique, "marque une avancée inédite dans le monde". L'Ademe rappelle que les investisseurs institutionnels français gèrent environ 2.000 milliards d'euros, dont un quart est investi à l'étranger. Outre la réduction des investissements nuisibles à la transition énergétique, l'enjeu est aussi d'identifier ceux qui, au contraire, y contribuent déjà.