Le 23 janvier, l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (Ancre) a présenté un rapport d'études portant sur trois scénarios d'évolution du système énergétique français à horizon 2050.
Dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la transition énergétique, les 19 établissements publics constituant l'Ancre, et réunissant quelque 400 chercheurs, proposent "[des] scénarios reposant sur une approche volontariste en termes d'innovation scientifique et technologique". Ils visent l'atteinte du facteur 4, c'est-à-dire l'objectif de division par quatre les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2050. De plus, ils "[supposent] que la part du nucléaire dans la production d'électricité est de l'ordre de 50% en 2025 tel que cela est proposé par le Gouvernement".
Les chercheurs de l'Alliance, lancée en juillet 2009 à l'initiative des ministres en charge de l'écologie, de l'énergie, de l'enseignement supérieur et de la recherche, répondent donc bel et bien aux attentes de l'actuel gouvernement.
Trois scénarios conformes aux objectifs gouvernementaux…
Le premier scénario, baptisé "sobriété renforcée" (SOB), "s'appuie sur une évolution majeure des comportements individuels" en faveur de la réduction de la demande d'énergie, de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Il prévoit une évolution à la baisse de la mobilité en véhicule particulier au profit de modes de déplacements doux, du covoiturage et de l'autopartage, une moindre croissance des surfaces des bâtiments, plus de logements collectifs, la rénovation de 650.000 logements par an, ainsi qu'un ralentissement de la croissance des consommations d'électricité spécifique. La capture et le stockage de CO2 et l'effacement de la demande électrique sont les solutions techniques associées.
Le scénario "décarbonisation par l'électricité" (ELE) mise sur l'efficacité énergétique et l'accroissement de la part de l'électricité décarbonée pour différents usages. La voiture électrique, qui représente 45% de la mobilité en 2050, ainsi que de nouveaux usages de l'électricité sont au cœur de cette option. Le stockage massif d'électricité, de l'ordre de 38 gigawatts (GW), est la principale rupture technologique attendue.
Enfin, le scénario "vecteurs diversifiés" (DIV) met l'accent sur l'efficacité énergétique et sur la diversification des sources et vecteurs énergétiques. La chaleur fatale valorisée localement, dont celle des centrales nucléaires, et la biomasse, sous toutes ses formes, sont les deux diversifications proposées. Sur le plan technique, il s'appuie sur la cogénération nucléaire avec 80 térawattheures (TWh) vers le résidentiel-tertiaire et 40 TWh vers l'industrie.
… et aux impacts relativement proches
Du côté des impacts socio-économiques, les trois scénarios ne se distinguent pas sensiblement, selon l'Ancre. Pour réduire la facture d'énergie fossile, il faudrait investir de l'ordre de 1.000 milliards d'euros d'ici 2050. "C'est une constante de tous les scénarios, sans qu'il ait été identifié d'écart très notable entre eux", indique l'Alliance.
Du côté des impacts positifs, la dépendance énergétique extérieure passerait de 50% aujourd'hui à 27% (ELE), 28% (DIV) et 36% (SOB). Cela aurait des effets positifs sur l'emploi, à condition de lancer "de nouvelles filières technologiques soutenues par des investissements publics et développées par des entreprises françaises et européennes".
Quant aux prix de l'énergie, ils augmentent dans tous les scénarios et un "doublement du prix de l'électricité est envisageable d'ici 2050" mais "l'impact sur le budget des ménages et les coûts des entreprises est cependant limité, compte tenu d'une consommation d'énergie fortement réduite".
Le statu quo s'impose
Enfin, l'impact climatique des trois scénarios est lui aussi sensiblement identique. "Les trois scénarios permettent d'atteindre le Facteur 4 sur les émissions de CO2 d'origine énergétique" et permettent de réduire l'ensemble des émissions de GES de 65 à 70%, avance l'Ancre. Mais le critère climatique lui permet surtout de plaider pour un quatrième scénario.
En effet, un quatrième scénario permettrait "un meilleur résultat sur la réduction des émissions de CO2", annonce l'Ancre. Il s'agit d'une variante d'ELE, appelée ELEC-V, qui conserverait peu ou prou la part actuelle du nucléaire et y ajouterait "une progression significative des énergies renouvelables variables". Il s'agit donc de maintenir une part de nucléaire "bien supérieure à 50 % en 2025" pour atteindre 60% en 2050, défend l'Ancre.
Selon ses calculs, "la variante ELEC-V montre qu'il apparaît impossible de limiter le recours au nucléaire à 50% de l'énergie électrique en 2025 et de diminuer en même temps les émissions de la production d'électricité". Pour la recherche française réunie au sein de l'Ancre, le succès de la transition énergétique, en terme de réduction des émissions de GES, passe par le statu quo.