"L'écotaxe est morte", analysait le ministre des Finances le 18 mai, alors qu'il répondait au Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI. Selon Michel Sapin, "l'écotaxe voulue par Nicolas Sarkozy est un échec. (…) Il faut remettre à plat [ce dispositif], c'est le travail qui est en cours". Remettre à plat, ou envisager un autre dispositif si celui-ci "est mauvais", précisait le ministre. Dans l'un ou l'autre des cas, l'enjeu est de taille : trouver les ressources budgétées pour financer les infrastructures de transport. Ce qui représente 800 millions d'euros de manque à gagner en 2014 et 1,1 milliard par an à terme.
Le gouvernement étudie donc plusieurs scénarios visant à aménager ou remplacer l'écotaxe poids lourds. "La décision sera prise dans les semaines à venir", avant l'été, a indiqué Michel Sapin. Après la présentation du rapport de la mission sénatoriale sur le contrat Ecomouv', attendue pour le 27 mai prochain.
Des aménagements nécessaires
Un premier scénario vise à simplifier l'écotaxe, qui "touchait trop de routes", selon le ministre des Finances. Le dispositif qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014 concernait 10.000 kilomètres de routes nationales et 5.000 kilomètres de routes départementales ou communales, dans 65 départements. Il s'agirait donc de réduire le kilométrage concerné et, de fait, de limiter également les recettes. En revanche, cette piste permettrait de ne pas remettre en question le contrat avec Ecomouv'.
Un deuxième scénario, qui aurait la préférence de Bercy selon Les Echos, consisterait à trouver une solution de compromis entre les propositions de la mission parlementaire sur la remise à plat du dispositif, présentées le 14 mai, et celles de Ségolène Royal. Ainsi, serait retenue l'idée de la mission Chanteguet de mettre en place une franchise kilométrique mensuelle, pour épargner notamment les circuits courts et les petits transporteurs. Mais, en maintenant la gratuité pour les trajets mensuels inférieurs à 400 km en moyenne (281 à 844 kilomètres selon le poids du véhicule et ses qualités environnementales), l'Etat se priverait de 300 millions de recettes. Le gouvernement retiendrait donc, pour compenser cette perte, l'une des pistes émises par la ministre de l'Ecologie : récupérer une part du chiffre d'affaires des autoroutes. Ségolène Royal proposait en effet d'organiser un report du trafic des routes gratuites vers les autoroutes, lorsque des itinéraires parallèles existent, et de prélever les bénéfices induits auprès des autoroutes.
Les autoroutes, nouvelle source de financement ?
La mission parlementaire propose plutôt de revenir sur la privatisation des autoroutes et a annoncé, le 21 mai, le lancement d'une nouvelle mission d'information parlementaire chargée d'étudier cette question. Son objectif : "Trouver les voies et moyens pour l'Etat de reprendre le contrôle de la gestion des autoroutes à péage, près de 9.000 km de voies publiques, dont l'exploitation a été privatisée en 2005", précise le député Jean-Paul Chanteguet. Cela pourrait passer, selon lui, par une résiliation des concessions autoroutières pour motif d'intérêt général.
Fin 2013, le Sénat a déjà déterré une proposition de loi … déposée le 25 octobre 2011 par le groupe communiste, dont le but était de renationaliser les autoroutes ! Un premier examen de ce texte a eu lieu en janvier 2014, il devrait se poursuivre le 19 juin prochain.
Mais lors de la séance publique de janvier, si Frédéric Cuvillier, alors ministre délégué en charge des Transports, reconnaissait que la privatisation des autoroutes était une erreur et créait un manque à gagner pour l'Etat, il écartait néanmoins l'éventualité d'un rachat. "Cette solution nécessiterait plusieurs dizaines de milliards d'euros, 45 milliards d'euros selon les estimations provisoires de la Cour des comptes. Par ailleurs, s'engager dans cette voie supposerait soit d'acquérir, pour entretenir le réseau autoroutier, de nouvelles compétences que l'État a perdues, soit de confier par marché à des sociétés privées le soin de gérer le réseau acquis".
Frédéric Cuvillier indiquait avoir lancé des réflexions, notamment au niveau de l'Inspection générale des finances et du CGDD, "sur l'avenir des concessions à leur terme, notamment pour savoir si les péages - après la fin des concessions, ils seront perçus par l'État- pourraient être affectés à un établissement public et être mobilisés de façon anticipée, c'est-à-dire dès les prochaines années, pour effectuer des travaux d'intérêt général, sans pour autant alourdir l'endettement public". Le ministre évoquait également le réajustement de certaines taxes sur les sociétés d'autoroutes, comme la taxe d'aménagement du territoire, qui rapporte déjà 550 millions d'euros à l'AFITF, et la redevance domaniale, qui a déjà été augmentée de 50% en 2013.