"Le schéma national des infrastructures de transport (Snit) est un document d'une grande qualité, qui n'a peut être pas été au bout de la réflexion au vu des délais qui étaient impartis. Ce schéma ne se préoccupe pas de planification et de programmation", a estimé Philippe Duron, président de la commission Mobilité 21, lors d'un point d'étape des travaux de la commission. Installée en octobre 2012 par le ministre délégué en charge des Transports, celle-ci est chargée de proposer un schéma de mobilité durable, en hiérarchisant notamment les projets recensés dans le Snit. Les investissements prévus par ce dernier ne sont pas soutenables pour les finances publiques (245 milliards d'euros sur 25 ans). Il s'agit donc de prioriser les projets et de les planifier dans le temps. "Nous devons faire de la pédagogie de l'engagement progressif", souligne Phillipe Duron, expliquant que "quatre lignes à grandes vitesse lancées en même temps, comme c'est le cas aujourd'hui, bloquent les financements de l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFIFT) pour cinq ou six ans".
L'évaluation sera multicritère et portera sur quatre grands thèmes : contribution aux grands objectifs de la politique des transports (compétitivité économique, mobilité de proximité…), performance écologique (réduction des émissions de gaz à effet de serre, transport collectif, transport de marchandise de masse), performance sociétale (nuisances, sécurité, santé…) et performance socio-économique. Une grille d'évaluation est soumise aux maîtres d'ouvrages de chaque projet, ainsi qu'aux parties prenantes. Un collège d'experts du CGDD et du CGEDD a été mobilisé pour proposer des notations, afin d'éclairer des évaluations incomplètes.
Pour l'heure, aucune hiérarchisation n'a encore été établie. La commission, composée de six parlementaires et de quatre personnalités qualifiées, travaille à la mise en place d'une grille d'évaluation multicritère des projets et à une méthodologie de travail. Soixante dix projets devraient être passés au crible. Les conclusions de ces travaux seront remises entre avril et juin 2013 mais d'ores et déjà, de grandes lignes se dessinent quant aux recommandations qui seront émises.
La commission devrait proposer d'inscrire la politique des transports dans trois temporalités : projets immédiats (déjà engagés ou nouveaux), les projets qu'il serait bien d'engager dans les dix prochaines années et les projets à engager ultérieurement. Une réactualisation de l'évaluation tous les cinq ans est préconisée "pour permettre lisibilité par la société et les acteurs économiques mais aussi souplesse et réactivité". Parallèlement, la commission travaille avec Bercy pour identifier le disponible financier prévisible pour les dix-quinze prochaines années.
Les défis : compétitivité, proximité et mobilité du quotidien
"Les recommandations se construiront autour d'un certain nombre de grands principes que nous avons listés, mais pas encore hiérarchisés", indique le président de Mobilité 21. Ainsi, le futur schéma devra s'inscrire dans un principe de mobilité durable, défini lors du Grenelle mais aussi dans le cadre de la transition écologique. Il devra répondre à un contexte de forte demande de mobilité. "L'ensemble des modes de transports apparaît nécessaire", souligne Philippe Duron. Les futures infrastructures de transport devront consolider la place de la France au sein de l'Europe en termes de compétitivité et de fret. "Des projets de grands ports à Rouen, Marseille et Dunkerque sont considérés comme une priorité".
Mais les projets devront aussi répondre aux besoins de mobilité du quotidien. "Il faut respecter le temps de l'usager. Cela pose la question de la grande vitesse ferroviaire, dont le temps de mise en œuvre des projets s'échelonne sur quinze ou vingt ans, quand parallèlement le réseau existant qui maille le territoire doit être renforcé. Idem pour le Grand Paris : il paraît plus judicieux d'améliorer d'abord l'existant avant d'engager de grands travaux". Cela rejoint le principe des services apportés aux territoires et à la population qui doit également être au cœur de la réflexion, note le président de la commission. Il s'agira donc de moderniser d'abord le réseau ferroviaire, fluvial et routier. "On voit bien qu'une optimisation de l'existant apportera davantage aux collectivités et aux habitants. Ce qui n'empêche pas de développer de nouveaux projets pour résoudre certains nœuds ou réduire la fracture territoriale". La question de la route reste posée mais "celle-ci permet une accessibilité à de nombreux territoires, tout en ouvrant la voie à de nouvelles pratiques (autopartage, covoiturages, lignes d'autobus…)".
Enfin, si cela ne relève pas de sa compétence, la commission souligne la nécessité de travaux de R&D afin notamment de réduire l'impact des différents modes de transport et répondre à la question de l'étalement urbain…