Pour faire face aux conséquences des températures élevées et de la sécheresse de ces derniers mois, certaines agences de l'eau ont voté des plans d'aides. « Ces mesures d'urgence sont liées à la situation exceptionnelle de sécheresse rencontrée cette année, a ainsi expliqué Marc Hoeltzel, directeur général de l'agence de l'eau Rhin-Meuse. Sur les cinq dernières années, quatre forment les étiages les plus sévères mesurés depuis 1982 ! Les nappes connaissent un déficit de recharge depuis près d'un an. » Et les conséquences sur ce bassin se font désormais plus fortement ressentir, avec des collectivités de plus de 10 000 habitants pour la première fois exposées au risque de rupture de l'approvisionnement en eau potable, mais aussi le fret fluvial fortement ralenti sur le Rhin, avec des impacts sur les petites entreprises, ou encore la disparition d'espèces emblématiques comme l'écrevisse à pieds rouges, par manque d'eau. Au total, 30 % du bassin Rhin-Meuse sont concernés par un risque de pénurie d'eau.
Un plan d'aides en Rhin-Meuse
Pour tenter de préparer les prochaines crises, le conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhin-Meuse a voté un plan d'aides spécial sécheresse, grâce auquel les acteurs peuvent bénéficier, jusqu'à fin 2023, de taux d'aides bonifiés, de nouveaux champs d'éligibilité, d'un élargissement des assiettes subventionnables (avec l'abandon de certains plafonds) ainsi que de l'ouverture à de nouveaux bénéficiaires. « Le plan compte 18 mesures, avec un budget de 30 millions d'euros mobilisés spécifiquement, indique Josiane Chevalier, préfète de région et présidente du conseil d'administration de l'agence Rhin-Meuse. En matière de sécurisation de l'eau potable, des taux d'aides jamais pratiqués sont proposés aux communes identifiées comme vulnérables. »
Concernant les acteurs économiques, le plan permet désormais un financement d'ouvrages d'épuration non prioritaires, mais situés sur des cours d'eau sous pression cet été, ainsi que le financement d'études et de travaux de substitution d'un prélèvement dans une ressource fragile.
Les agriculteurs sont également visés, avec un soutien à la mise en place d'ouvrages de rétention d'eaux de pluie – de faible capacité – pour l'abreuvement du bétail, le financement de mesures pour le maintien ou la remise en herbe, ainsi que de projets qui favorisent l'évolution des pratiques.
Un plan de résilience en Artois-Picardie
Depuis avril dernier, les agences bénéficient d'une marge de manœuvre plus importante pour soutenir des actions. Une occasion qu'a saisie l'agence de l'eau Artois-Picardie. « Face aux risques de tension sur les ressources en eau sur le territoire et dans un contexte de sècheresses répétées depuis quelques années, le gouvernement a décidé, mi-avril, d'augmenter les moyens des agences de l'eau en réhaussant leurs plafonds d'autorisation de dépenses de 100 millions d'euros en 2022, explique l'agence de l'eau Artois-Picardie. Pour l'agence de l'eau Artois-Picardie, cela signifie une hausse de 18 millions de ce plafond pour l'année 2022. »
L'agence a donc travaillé sur un plan de résilience des territoires doté de 27 millions d'euros pour 2022. Il cible cinq domaines. Tout d'abord, 1,5 million sera attribué à la préparation des projets de territoires pour la gestion de l'eau (PTGE), avec le pilotage et le financement des études d'évaluation de la ressource disponible et des volumes prélevables.
Le secteur agricole s'est vu attribuer 6,5 millions, pour des aides notamment. La même somme sera également proposée aux collectivités territoriales, en particulier pour des programmes d'interconnexion ou encore de protection des captages prioritaires. Le secteur industriel disposera, quant à lui, de 2 millions pour désimperméabiliser des zones d'activités économiques.
De plus, 10,5 millions seront répartis entre la restauration de cours d'eau (5,5 M€), de zones humides (3 M€) et des zones naturelles d'expansion des crues (2 M€).
La garantie du maintien de l'eau potable en Adour-Garonne
Parmi les bassins les plus exposés au changement climatique – avec un déficit dans les rivières en étiage prévu de 1,2 milliard de mètres cubes en 2050 –, Adour-Garonne s'efforce de se doter d'outils pour y faire face.
L'agence s'appuie également sur la mise en œuvre d'un plan de résilience, doté également d'une enveloppe de 22 millions d'euros. Parmi les dossiers soutenus figurent des projets de restructuration des systèmes d'alimentation en eau potable. « Le plan de résilience a également vocation à favoriser la transition agroécologique, assure l'agence. À ce titre, il a permis d'aider au développement de la filière du lin dans le département des Pyrénées-Atlantiques, en substitution à la culture de maïs. L'efficience de l'eau constitue un axe de progrès complémentaire, avec des projets de réutilisation des eaux usées traitées, comme celui de la station de Mont-de-Marsan (40) ou celle de Cozes (17), destinées à un usage agricole. »
Un plan de résilience proposé début 2023 en Loire-Bretagne
« Le bassin Loire-Bretagne a connu, cette année, des situations de tension quantitative très importante, souligne Bernadette Doret, directrice des politiques d'intervention de l'agence. Dans ce contexte, nous travaillons d'ici à la fin de l'année sur un plan de résilience, dans l'objectif de proposer à notre conseil d'administration, début 2023, un programme d'action pour anticiper le prochain épisode de sécheresse et amplifier les actions de gestion des prélèvements et de partage de l'eau. » L'idée serait de renforcer l'intervention de l'agence sur des projets assurant la sobriété des usages, la résilience des milieux, la gestion patrimoniale des réseaux, la sécurisation de la distribution de l'eau potable.
Des appels à projets devraient également être lancés : pour des économies d'eau à destination des collectivités et des industriels, la déconnexion des eaux pluviales des bâtiments publics et des activités économiques, la réutilisation des eaux usées traitées (Reut) ou encore pour de la renaturation urbaine.
Dans le cadre de l'augmentation du plafond de dépenses permise par le gouvernement, certaines aides ont déjà été bonifiées, comme les études de connaissance de la ressource, les projets d'économies d'eau, l'utilisation d'eaux usées traitées ou encore des travaux d'interconnexion des réseaux. « Un projet important de travaux d'interconnexion entre l'Allier et la Creuse pour assurer l'alimentation en eau potable de ce territoire, qui a subi une rupture d'alimentation en 2019, est présenté, le 20 octobre, pour un montant d'aides de 7,45 millions d'euros », illustre Bernadette Doret.
Les agences Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée Corse (RMC), quant à elles, ne disposent pas de de plans spécial sécheresse, pour l'instant. « Nous examinons les enseignements tirés de cette période », précise l'agence RMC.