Soixante-dix-huit départements disposaient toujours de mesures de restriction des usages de l'eau fin septembre contre 45 en 2016 et 47 en 2015. Les conditions climatiques particulières de cette année n'auront pas été sans conséquences, notamment dans le sud-est de la France.
La sécheresse de cet été, combinée à la faible recharge hivernale, a ainsi eu des impacts importants sur la performance des centrales hydroélectriques au fil de l'eau. La centrale de Pierre-Bénite sur le fleuve Rhône (Lyon) affiche ainsi une chute de 34% de sa production d'hydroélectricité (1) . Et les perspectives pour la fin d'année ne laissent pas envisager une inversion de la tendance.
Ces baisses de régime s'observent principalement pour ce type de centrales, dont la production dépend du débit des cours d'eau. Au niveau national, le faible niveau des nappes a ainsi pesé sur leur performance par rapport aux premiers semestres 2015 et 2016. "Les deux tiers environ des nappes -70%- affichent un niveau modérément bas à très bas. Cette situation de basses eaux n'est pas totalement inhabituelle pour cette période de l'année mais se révèle tout de même assez dégradée", pointe météo France. Plus précisément, 1% affichent des niveaux hauts, 11% modérément hauts, 18% autour de la moyenne, 32% modérément bas, 24% bas et 14% très bas. La sécheresse a moins influencé les centrales de réservoir dont les retenues d'eau se constituent sur le long terme.
La réduction du débit des fleuves peut également perturber le refroidissement des centrales de production d'électricité comme cela a été le cas lors de la canicule de 2003. "Les centrales thermiques refroidies sur l'eau - les centrales nucléaires ou thermiques classiques - ont rencontré de nombreuses difficultés liées au refroidissement et aux rejets qu'elles pouvaient être amenées à faire dans l'eau, avait alors exposé lors d'une mission commune d'information du Sénat (2) , Claude Nahon, directrice de l'environnement et du développement durable à EDF. Cela nous a conduit à un risque significatif de perte de moyens de production d'électricité. Ce risque de perte de production s'élevait entre 10.000 et 15.000 mégawatts".
Outre les centrales, le déficit en eau a également pesé sur l'état des sols superficiels. Cette situation concerne particulièrement le Sud-Est de la France - qui a connu à la fois un déficit chronique de précipitations et des températures régulièrement au-dessus des normales. La sécheresse des sols superficiels y est proche des records pour un début octobre. "Il s'agit de la sécheresse la plus importante jamais mesurée à cette date en au moins 60 années de mesures", pointe météo France. Celle-ci a perduré au moins de septembre sur la Corse, le Gard et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. "Sur les régions méditerranéennes, le déficit est le plus souvent supérieur à 50% et atteint en PACA les valeurs record de 2003, constate Météo-France. Sur la Corse, le déficit record depuis avril perdure". Les sols superficiels restent secs sur les régions méditerranéennes et le couloir rhodanien et se sont asséchés dans le Sud-Ouest (sauf sur les Pyrénées-Atlantiques). Le déficit d'humidité des sols s'observe également de la Vendée et des Deux-Sèvres à la Nièvre et à l'Allier, sur les Hauts-de-France, localement dans le Grand-Est ainsi qu'en Ardèche et dans la Drôme.
La stabilité des habitations sur des sols argileux menacée
Cette sécheresse des sols peut occasionner un phénomène de retrait et gonflement dans des sols argileux. Et ce dernier peut menacer la stabilité des habitations présentes dans la zone (3) . Ce type de sols présentent en effet des caractéristiques différentes en fonction de leurs teneur en eau : de durs et cassants avec des phénomènes de rétractation lors de sécheresse, ils deviennent plastiques et malléables avec des gonflements, lors de périodes plus humides. Les tassements différentiels du sol alors occasionnés peuvent provoquer différents dommages dont des fissures de structures, désencastrement des éléments de charpente, ou encore des compressions ou ruptures de canalisations. "Si on examine le phénomène en s'intéressant au nombre d'arrêtés cat-nat pris depuis que le RGA [retrait et gonflement sols argileux] est reconnu, les cinq régions les plus touchées sont dans l'ordre : Midi-Pyrénées, Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre, Ile-de-France, indique Sébastien Gourdier, Ingénieur géotechnicien à la direction risques et prévention du BRGM (4) . Si on classe les régions selon le pourcentage de communes touchées - avec au moins un arrêté cat-nat depuis 1989 -, l'ordre est modifié : Poitou-Charentes, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Centre, Ile-de-France". Le BRGM ne dispose pas encore de retours sur les demandes de reconnaissance catastrophe naturelle pour 2017.
35% des petits chevelus en manque d'eau
Le déficit en eau pèse également sur les petits et moyens cours d'eau en tête de bassin versant, plus dépendants des conditions pluviométriques et des températures. Ces petits chevelus représentent près de 70% du linéaire de cours d'eau métropolitains.
L'observatoire national des étiages (5) (Onde) observe depuis 2012 leurs variations de flux (6) . A la fin de l'été, ce dernier a relevé que 35% des points suivis étaient en rupture d'écoulement ou en assec (sans eau). La situation se révèle hétérogène et les résultats à un niveau local montrent des situations très tendues. Ainsi dans le Vaucluse fin août, 26 cours d'eau sur 30 observés étaient en assec, trois en ruptures d'écoulement et le dernier en écoulement visible faible. "Le premier suivi de l'année, fin mai, indiquait des situations jamais rencontrées depuis le début du lancement du dispositif de suivi (7) , et cela s'est poursuivi sur le reste de la saison estivale, souligne Céline Nowak, coordinatrice nationale du dispositif Onde pour l'Agence française pour la biodiversité. Aujourd'hui, nous avons encore 27% des stations en rupture d'écoulement ou en assec. Des situations très sensibles se trouvent toujours dans le sud-est, particulièrement dans le Vaucluse, la Drôme, ou le Gard ".
Ce manque d'eau peut induire différentes conséquences pour le milieu : tout d'abord, lors de conditions extrêmes (l'assèchement complet du cours d'eau), les organismes peu mobiles comme les jeunes alevins de poissons ou certains batraciens sont condamnés. Lors d'une sécheresse moindre, une baisse du niveau de l'eau peut provoquer une rupture de la continuité écologique et rendre certains obstacles infranchissables. La réduction de la vitesse de courant et de l'épaisseur de la lame d'eau rend également les cours d'eau plus sensibles à l'ensoleillement. L'élévation de la température de l'eau peut alors modifier les équilibres biologiques et entraîner une eutrophisation, le développement de cyanobactéries ou de certains agents pathogènes, etc. La végétation aquatique du cours d'eau peut également être modifiée.
Autre impact potentiel : une réduction de la qualité physico-chimique de l'eau. La baisse des débits limite en effet la dilution des polluants présents ou rejetés et augmente leur concentration dans certaines portions de cours d'eau.