Les synthèses de Météo France et du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) se succèdent pointant inlassablement une pluviométrie hivernale et des niveaux d'eau dans les nappes phréatiques (15243) en berne. En conséquence, les préfets de 10 départements ont déjà pris 27 arrêtés, parmi lesquels figurent des arrêtés de niveau maximal, c'est-à-dire interdisant tous les prélèvements d'eau non prioritaires.
L'agriculture se prépare
Si les zones visées par les arrêtés préfectoraux sont sensiblement les mêmes que celles touchées au printemps dernier, l'intensité semble plus marquée cette année puisque, sur les 8 départements sous le coup d'arrêtés sécheresse au 20 avril 2011, aucun n'avait atteint le niveau maximal. De même, le 18 avril 2011, le BRGM annonçait que 58% des nappes phréatiques affichaient des niveaux inférieurs à la normale. Onze mois plus tard, 80% des aquifères sont dans cette situation. Si cette tendance se confirmait, les premiers signes de sécheresse printanière seraient les prémices d'un été particulièrement difficile pour les secteurs consommateurs d'eau.
Face à l'inquiétude croissante du monde agricole, les organisations professionnelles sont sur le pied de guerre, craignant que le scénario du printemps 2011 ne se reproduise. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricole (FNSEA), le syndicat majoritaire, a annoncé le 4 avril 2012 avoir "réactivé [sa] cellule sécheresse" face à "la sécheresse [qui] touche déjà un grand nombre de territoires". Une situation qui ravive les querelles syndicales : la Confédération paysanne et la Coordination rurale dénoncent la mobilisation de la FNSEA, évoquant un possible "clientélisme" et appelant à ce que l'Etat intervienne et que les cellules départementales de crise soient gérées par les chambres d'agriculture.
Un Comité de suivi sur la sécheresse sera réuni le 12 avril par le ministère de l'Agriculture, soit un mois plus tôt que l'an dernier. "Le ministre a demandé que le bilan du dispositif mis en place pour faire face à la sécheresse du printemps 2011 soit réalisé lors des prochaines réunions du comité national de gestion des risques en agriculture le 21 mars et du comité de suivi le 12 avril", indiquait le ministère dans un communiqué de presse publié le 20 mars.
La péninsule ibérique en première ligne
Cette situation inhabituelle ne se limite pas à la France, puisque d'autres pays européens s'inquiètent aussi d'avoir à faire face à une sécheresse de grande ampleur. C'est tout d'abord le cas des pays du Sud de l'Europe, avec notamment l'Espagne et le Portugal.
En Espagne, les premiers feux de forêt se sont déclarés dès janvier et ont déjà ravagé plusieurs milliers d'hectares. En mars, le ministère de l'Agriculture espagnol indiquait que plus de 3.000 départs d'incendies avaient été enregistrés au cours des deux premiers mois de l'année, ravageant plus de 13.500 hectares, rapporte l'AFP. Selon les services météorologiques espagnols, il faut remonter aux années 1940 pour trouver trace d'un déficit pluviométrique comparable. Les régions les plus touchées par cette sécheresse sont l'Aragon, la Catalogne et la Galice.
Suite à ces premiers signes de sécheresse, les autorités portugaises ont alerté la Commission européenne et ont reçu le soutien de Chypre, de la Grèce, de l'Espagne et de la France lors du Conseil de l'agriculture du 9 mars. A cette occasion, la délégation lusitanienne indiquait que 70% du territoire était en situation de "sécheresse sévère" au 15 février. La question a été soulevée une seconde fois lors du Conseil des 19 et 20 mars, à la demande du Portugal et de l'Espagne. Lors de ce Conseil, "plusieurs délégations ont appuyé la demande portugaise et espagnole", rapporte le compte-rendu des débats, ajoutant que "la Commission examinera les demandes au cours des prochaines semaines". Parmi les solutions envisagées figure un versement anticipé des paiements directs délivrés dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). Cette option, réclamée par les deux Etats de la péninsule ibérique, permettrait d'avancer à mi-octobre le versement des aides directes initialement prévu pour décembre. En jeu, environ 5,5 milliards d'euros pour les seuls agriculteurs espagnols, rapporte l'AFP.
Des interdictions précoces en Angleterre
Plus surprenant, le Royaume-Uni, réputé pour son climat océanique humide et doux, fait lui aussi face à une sécheresse précoce causée par deux hivers successifs secs et un mois de mars 2012 marqué par un fort déficit pluviométrique assorti de températures élevées pour la saison. Aujourd'hui, certains comtés de l'Est et du Sud, notamment le Yorkshire, font état d'une sécheresse printanière inconnue depuis un siècle.
Ainsi, l'un des sujets les plus populaires actuellement est le hosepipe ban, c'est-à-dire les restrictions d'usage de l'eau imposées par certaines autorités pour cause de pénurie. Le sujet est d'autant plus sensible que certaines compagnies chargées de la gestion de l'eau ont d'ores et déjà indiqué que les restrictions devraient durer jusqu'à la fin de l'été et pourraient être renforcées.
Par ailleurs, l'AFP rapporte que des pompiers du sud de l'Angleterre sont venus apprendre les techniques de lutte contre les feux de forêts auprès de leurs homologues français du département des Landes, rapporte l'AFP. Une formation qui vise à faire face à l'actuelle sécheresse et à des feux de végétation de plus en plus fréquents en Angleterre. "Nous avons constaté une augmentation des feux de forêt au Royaume-Uni au cours des dernières années, des feux plus violents" qu'auparavant, a expliqué à l'agence de presse Alan Clark, pompier du Surrey.