Le printemps s'annonce tout juste, mais la menace d'un manque d'eau plane déjà pour certains départements. C'est notamment le cas des Alpes-Maritimes, où un arrêté de restriction d'eau a déjà été pris. Le déficit pluviométrique de 40 à 60 % observé ces six derniers mois dans le département a, en effet, incité le préfet, dès mars, à sensibiliser les usagers aux économies d'eau.
Pour mieux appréhender la situation nationale, le ministère de la Transition écologique a réuni le Comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash), mercredi 16 mars. Cette instance, créée en 2021, vise une meilleure anticipation des épisodes de sécheresse. Et les indicateurs présentés lors de ce rendez-vous laissent présager d'une situation qui pourrait se révéler délicate cet été.
Une recharge des nappes non optimale dans plusieurs secteurs
Concernant les nappes à cycle plus lent, la situation semble globalement plus favorable. « Les nappes inertielles demeurent en hausse ou stables, mais la recharge est fortement ralentie », précise le BRGM. Certaines d'entre elles s'avèrent néanmoins à surveiller, comme les nappes des calcaires de Beauce, des cailloutis plioquaternaires de Bourgogne-Franche-Comté et de la molasse miocène du Bas-Dauphiné.
Un déficit de pluviométrie de 16 %
C'est que Météo-France a relevé un déficit moyen de pluviométrie d'environ 16 % par rapport à la normale, pour la période de septembre 2021 à février 2022 (à l'exception des départements pyrénéens). Cette diminution s'avère particulièrement marquée en région Grand Est, dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine, en Bretagne ainsi que dans le Sud-Est et la Corse.
Concernant le débit des cours d'eau, la situation relevée en février affiche une certaine hétérogénéité. « Le nord, nord-est du pays ainsi que l'ouest du Massif central présentent des débits proches, voire supérieurs, au débit mensuel moyen interannuel, indique le service de la Banque Hydro. Tandis que 21 % des stations présentent des débits inférieurs à 40 % du débit mensuel moyen et se répartissent principalement sur le pourtour méditerranéen, la Corse ainsi que le long de la Loire et en Vendée, ces territoires accusant notamment un déficit pluviométrique. »
Dans le même temps, les sols se sont asséchés dans une grande partie du pays, notamment sur le pourtour méditerranéen et la Corse.
Par ailleurs, concernant le taux de remplissage des barrages, si la majorité affiche des valeurs supérieures à 60 %, certains, notamment dans l'ouest du Roussillon, doivent faire face à un remplissage insuffisant (entre 0 et 40 %). « La hausse des températures, la reprise de la végétation et donc l'augmentation de l'évapotranspiration vont limiter nettement l'infiltration des pluies d'ici quelques semaines, prévient le BRGM. Si le début de la période de vidange se confirme, la recharge aura alors été très courte (novembre à janvier) et modeste, ce qui laisse présager des situations tendues dès le printemps. » Et les prévisions pour les trois prochains mois ne sont pas très réjouissantes. Météo-France estime, en effet, que le trimestre devrait être plus chaud et plus sec que la normale.Le nouveau cadre de la gestion de la sécheresse à l'épreuve du terrain
Pour tenter d'améliorer l'anticipation de la sécheresse, le gouvernement a pris, à la fois, des mesures d'évolution structurelle et de gestion de crise dans le cadre du décret du 24 juin 2021. Les préfets coordonnateurs de bassin doivent fixer les conditions de déclenchement des dispositions ainsi que les mesures de restriction temporaires des usages. Ces orientations sont ensuite déclinées dans le cadre d'arrêtés cadres interdépartementaux ou départementaux. « À ce jour, l'ensemble du territoire métropolitain, hors Corse, a fait l'objet d'une révision du cadre d'action », indique le ministère de la Transition écologique. Une cinquantaine d'arrêtés de déclinaison départementale seraient également publiés.
« Des travaux sont en cours avec les services de l'État, principalement les DDT au niveau départemental et les services de l'OFB, pour une meilleure prise en compte du dispositif Onde dans les arrêtés, indique Céline Nowak, coordinatrice nationale de l'Observatoire national des étiages (Onde) pour l'Office français pour la biodiversité (OFB). Ce dernier apporte un élément d'anticipation, car les petits cours d'eau sont plus réactifs aux conditions hydroclimatiques et, parfois, dans certaines zones d'alerte, il n'y a pas de piézomètre ou de station hydrologique. » Fin septembre 2021, les observations d'Onde montraient que 86 % des petits cours d'eau étaient en écoulement, 10,4 % en assec et 3,6 % en rupture d'écoulement.
Un nouveau comité programmé en mai
Pour mettre en situation les différents acteurs, Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, a annoncé que se tiendrait, en avril, un exercice national de gestion de crise, sur la base d'un scénario d'épisode de sécheresse intense consécutif à une canicule. Autre outil : un système d'alertes personnalisées en ligne est en cours de préparation. Il permettra aux usagers d'enregistrer leur adresse et d'être informé par mail lorsque des mesures nouvelles sont prises sur leur territoire. La secrétaire d'État a également indiqué que la situation sur le plan national serait évaluée plus finement à la fin du printemps. Ensuite, à partir des prévisions, une carte des territoires avec risques de sécheresse sera établie mi-mai. Cette dernière sera présentée lors du second comité de suivi et des mesures complémentaires pourraient être prises. « Sans attendre, les préfets seront sensibilisés sur la situation et mobilisés afin d'accompagner les acteurs économiques dans la mise en place de mesures d'anticipation. Une attention particulière sera portée au secteur agricole », a toutefois assuré le ministère de la Transition écologique.
Pour l'association France Nature environnement, les prévisions du Cash montrent la nécessité d'une résilience reposant sur un panel de solutions, notamment fondées sur la nature. « La nature commente elle-même les décisions du Varenne agricole de l'eau, souligne Florence Denier-Pasquier, administratrice FNE et participante au Cash. En janvier, le Premier ministre a indiqué qu'il fallait utiliser les pluies excédentaires hivernales pour les stocker. Mais, en l'occurrence, elles ne sont pas toujours au rendez-vous : cela devrait être un vrai signal d'alerte pour avoir une approche beaucoup plus équilibrée. »