Mardi 17 septembre, les élus de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont recentré le dispositif de consigne proposé par le gouvernement dans le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. "La consigne [pour recyclage] a énormément ému beaucoup d'acteurs", justifie Marta de Cidrac (LR, Yvelines), rapporteure du texte, évoquant les élus locaux et les professionnels des déchets. Les sénateurs ont traduit cet émoi en supprimant cette mesure et en limitant la consigne au réemploi.
Des détails du dispositif en débat
La stratégie d'amélioration de la collecte des emballages plastique défendue par le Sénat s'appuie sur les préconisations de la plupart des opposants à la consigne pour recyclage : il faut achever le déploiement de l'extension des consignes de tri à tous les emballages, renforcer le tri hors foyer en mettant à contribution les metteurs au marché (par le biais des éco-organismes) et appliquer la tarification incitative.
L'amendement de la rapporteure reprend à l'identique le texte du gouvernement en supprimant la mention du recyclage. La mesure est recentrée sur une consigne "pour réemploi ou réutilisation". Quatre autres amendements identiques ont été adoptés, traduisant la quasi-unanimité des sénateurs. Ces amendements ont été déposés par des élus Les Républicains et centristes, ainsi que par le groupe Union centriste, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et le groupe socialiste et républicain. Manque à l'appel, le groupe La République en Marche…
Les débats ont aussi porté sur la mise en œuvre de la consigne. La commission a notamment étudié et rejeté trois amendements déposés au nom de la commission des affaires économiques. Le premier précisait que la consigne ne pouvait être imposée que si son bilan environnemental global est positif. Cela devait permettre de prendre en compte "la multiplication des véhicules transportant à vide les contenants usagés (…), la production et la maintenance d'éventuelles machines à consigne [et] le nettoyage et traitement des produits". Le deuxième amendement prévoyait l'affichage sur les lieux de vente du montant de la consigne, ainsi que l'impossibilité d'accorder une réduction sur ce montant et l'obligation de le rembourser en numéraire. Il s'agissait d'assurer l'efficacité du signal-prix, d'interdire les "offres commerciales déloyales, telles que « consigne gratuite sur ce produit »" et d'éviter de rendre captifs les consommateurs en remboursant la consigne en bons d'achat. Le dernier amendement devait permettre aux collectivités locales de récupérer le montant de la consigne des produits consignés collectés par le service public de gestion des déchets.
Pluie de reproches contre la consigne
Le rejet de la consigne pour recyclage par les sénateurs est lié à plusieurs raisons. Sur le fond, elle "n'est ni plus ni moins qu'une régression écologique", dénonce Hervé Maurey (UDI-UC, Eure). Le président de la commission sénatoriale craint que la consigne des bouteilles plastique vienne légitimer l'usage de ce matériau. En effet, les taux de collecte et l'incorporation de matière recyclée imposés par la directive sur les plastiques à usage unique permettent de verdir l'image du plastique. Les sénateurs pointent aussi le coût pour les citoyens et le manque à gagner des collectivités qui perdraient les recettes de la vente des bouteilles plastique aux recycleurs. L'élu évoque 200 millions d'euros pour chacun des deux acteurs. Dernière critique : la consigne "rémunère" le tri, ou plutôt sanctionne le non-tri par la perte de la somme consignée. "Un éco-geste ne doit pas être monétisé, il doit rester gratuit", plaide Hervé Maurey.
A ces critiques s'ajoutent celles concernant la méthode employée par le gouvernement. La mesure n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact, déplore Hervé Maurey, qui explique que le seul document reçu est une note rédigée par les premiers intéressés par le dispositif (le Collectif boisson). Le Sénat a donc commandé une étude d'impact à un cabinet d'avocats. Celle-ci sera publiée "en fin de semaine". Dans le même registre, le gouvernement avance sans attendre le résultat des débats parlementaires, critique le sénateur. Ce reproche vise la mise en place du comité de pilotage chargé de définir les conditions de mise en œuvre de la consigne sur les emballages. Le pré-rapport de son président Jacques Vernier a aussi été froidement accueilli par les élus de la Chambre haute.