L'ancien site minier de La Croix-de-Pallières (Gard) fait parler de lui en raison de la pollution aux métaux lourds qui résulte de son exploitation jusque dans les années 1970. Mais la justice administrative vient d'ouvrir des perspectives aux victimes de la pollution.
Par une décision du 16 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a en effet jugé que rien n'interdisait à l'autorité compétente au titre de la police des déchets d'agir à l'encontre de l'ancien exploitant en tant que producteur des résidus miniers à l'origine de la pollution constatée.
Renonciation de l'exploitant à ses concessions
Pendant plusieurs dizaines d'années, des activités d'extraction de métaux (zinc, plomb, argent et autres métaux) ont eu lieu dans la concession dite « de La Croix de Pallières », de même que des extractions de pyrite de fer dans celle dite « de Valleraube », sur les communes cévenoles de Saint-Félix-de-Pallières, Thoiras et Tornac. Les services de l'État et l'exploitant, la société Union minière France (devenue Umicore), ont mené à terme la procédure d'arrêt des travaux, prévue par le code minier, au début des années 2000. Par deux arrêtés pris en 2004 et 2005, le ministre chargé de l'Industrie avait accepté la renonciation de l'exploitant à ces deux concessions minières. Mais plusieurs études conduites entre 2008 et 2016 ont mis en évidence de fortes concentrations en métaux lourds sur certains sites des anciennes mines.
Le préfet du Gard a alors mis en demeure les maires des communes concernées d'exercer leurs pouvoirs au titre de la police des déchets à l'encontre de l'ancien exploitant pour le contraindre à assurer la gestion des résidus polluants en conformité avec le code de l'environnement. En l'absence de réponse des maires, le préfet s'est substitué à eux pour mettre en demeure l'ancien exploitant d'agir. Les communes et la société Umicore ont alors attaqué les arrêtés préfectoraux devant le tribunal administratif de Nîmes. Celui-ci leur a donné raison, estimant que l'État n'était plus compétent pour agir à l'encontre de l'ancien exploitant depuis l'achèvement de la procédure d'arrêt des travaux.
Aucun texte n'exclut l'exercice de la police des déchets
Mais, saisie de recours formés par le ministère de la Transition écologique, la cour administrative d'appel de Toulouse infirme le jugement de première instance. La société Umicore estimait que le droit minier régissait de manière exclusive les conditions de remise en état du site après l'arrêt des travaux miniers, ce qui excluait la mise en œuvre ultérieure de la police des déchets. Les juges toulousains lui donnent tort.
Ils reconnaissent que l'accomplissement des formalités liées à la procédure d'arrêt des travaux miniers met fin à l'exercice de la police spéciale des mines, sauf en cas de dangers ou de risques graves comme le prévoit l'article L. 163-9 du code minier. Mais, ajoutent-ils, « aucune disposition du code minier ou du code de l'environnement, ni aucun autre texte ou principe, n'exclut en revanche l'exercice de la police spéciale des déchets sur un site minier et, a fortiori, sur le site d'une ancienne exploitation qui, comme en l'espèce, n'est plus soumis à la police des mines ».
Et, étant donné que le producteur ou le détenteur de déchets reste responsable de la gestion de ses déchets jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale conformément à l'article L. 541-2 du code de l'environnement, rien ne s'oppose, estime la cour, à ce que l'autorité compétente intervienne à son égard sur le fondement de l'article L. 541-3 quand bien même il s'agirait de l'exploitant ou de l'ancien exploitant. Cet article permet à l'autorité titulaire du pouvoir de police de mettre en demeure le détenteur des déchets d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation et de prononcer des sanctions administratives si ce dernier n'obtempère pas.
L'ancien exploitant avait par ailleurs fait valoir que le titulaire de la police des déchets était le maire et non le préfet. En cas de carence constatée de l'autorité municipale dans l'exercice de cette compétence, rappelle toutefois la cour, c'est à l'autorité préfectorale de prendre les mesures requises. Ce qui était le cas en l'espèce puisque les maires n'avaient pas satisfait à la mise en demeure préfectorale.
Responsable même si non propriétaire
La société Umicore a également contesté la qualification juridique des résidus en cause afin de tenter d'écarter l'application de la police des déchets. Elle estimait qu'il s'agissait de sols pollués non excavés exclus de son champ d'application. « Alors même que les sols environnants contiendraient également des substances provenant des travaux miniers, l'arrêté contesté a pour seul objet de traiter des résidus spécifiquement identifiés, lesquels sont issus des opérations d'extraction, résultant donc d'un processus d'excavation et sont par ailleurs présents en surface, au-dessus du sol naturel, sans y être incorporés », justifie le juge administratif pour écarter ce moyen.
« La circonstance que [la société] n'est plus propriétaire des terres concernées et qu'elle n'est donc plus la détentrice des déchets litigieux n'est (…) pas de nature à l'exonérer des obligations qui lui incombent pour assurer le traitement de ces déchets », juge enfin la cour. D'autant que la responsabilité du propriétaire ne peut être recherchée que dans l'hypothèse d'une absence de tout producteur ou détenteur connu des déchets en cause.