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ZAN : quelle traduction dans les évaluations environnementales des documents de planification ?

La lutte contre l'artificialisation des sols, traduite par le nouvel objectif ZAN, a un impact sur la planification locale. Celle-ci doit intégrer l'objectif au sein des évaluations environnementales des documents de planification.

DROIT  |  Étude  |  Aménagement  |  
Droit de l'Environnement N°320
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°320
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ZAN : quelle traduction dans les évaluations environnementales des documents de planification ?
Laura Ceccarelli, Vianney Cuny
Respectivement avocate associée et avocat, DS Avocats
   

La réalisation d'un projet d'aménagement ou immobilier sur un espace agricole ou naturel, plutôt que sur un espace déjà urbanisé, génère des incidences négatives importantes pour l'environnement : rupture de continuités écologiques, assèchement de zones humides, destructions ou dégradations d'habitats naturels d'espèces protégées, diminution du potentiel de stockage de carbone, interception de surfaces importantes de ruissellement … Cette artificialisation des sols a également des incidences économiques et sociales préjudiciables : déstructuration de l'économie locale agricole, multiplication des déplacements en voiture et des nuisances associées (bruit, pollutions …), dévitalisation des centres-villes, création d'une ville fragmentée et « fragmentante » …

Pourtant, la fonction utilitaire du sol fut longtemps la seule prise en compte par la règle de droit (1) (le sol comme support de cultures, puis le sol comme support de construction). C'est lorsqu'il a commencé à se raréfier et que ses fonctions écologiques se sont vues altérer, que le législateur a pris conscience de la nécessité de le préserver pour des enjeux environnementaux.

La notion de « gestion économe de l'espace » apparaît pour la première fois dans le code de l'urbanisme en 1983, à son ancien article L. 110-1 (2) . La volonté principale est alors celle de limiter le « grignotage » des terres agricoles par la ville.

La loi SRU (2000) fut la première à introduire deux notions clés (3) de la sobriété foncière dans le code de l'urbanisme : le « renouvellement urbain », entendu comme la possibilité d'investir l'existant et de « faire la ville sur elle-même », couplé au « principe d'équilibre » qui doit être garanti par les Schémas de cohérence territoriale (Scot), les Plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales.

Les lois Grenelle I et II (2009-2010), ainsi que la loi Alur (2014) incitent les collectivités à « confectionner » un inventaire précis et chiffré de leur occupation des sols, en vue de s'engager dans une dynamique de « sobriété foncière ». La loi Grenelle II oblige les Scot et PLU à présenter une analyse (4) de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) et à fixer des objectifs chiffrés afin de maîtriser l'extension urbaine. La loi Alur impose aux PLU d'inclure une analyse (5) des capacités de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, afin de favoriser le renouvellement urbain.

La réforme du code de l'urbanisme en 2015 affirme les ambitions de sobriété foncière comme un des objectifs assignés aux collectivités territoriales, en inscrivant le principe d'équilibre à l'article L. 101-2, en remplacement de l'ancien objectif de « gestion économe des sols ».

En 2018, la loi Elan ajoute l'objectif de « lutte contre l'étalement urbain » à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Néanmoins, la feuille de route du Plan Biodiversité en juillet 2018 fait le constat (6) que, malgré les lois successives qui ont prôné la sobriété foncière, l'extension urbaine continue …

Le « zéro artificialisation nette » est donc mentionné, pour la première fois, comme un nouvel outil pour parvenir à une application effective des principes affichés jusqu'ici, et répondre à l'absence d'une trajectoire nationale commune et clairement définie. Cet objectif est ensuite repris par les débats de la Convention citoyenne initiée en 2019 par le président Emmanuel Macron, puis s'est concrétisé dans la loi « Climat et Résilience » (2021).

La loi Climat et Résilience instaure une trajectoire chiffrée de réduction de la consommation d'espaces à l'échelle nationale, devant être intégrée dans les différents documents d'urbanisme (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), Scot et PLU/PLUi/carte communale). On sort d'une vision hypothétique et floue pour se diriger vers une trajectoire précise, par étape, avec un objectif final à atteindre : il s'agit de diminuer de moitié la consommation d'Enaf d'ici 2030, puis d'atteindre le « zéro artificialisation nette » d'ici 2050 (7) .

Par ailleurs, en définissant l'artificialisation comme  (8) « l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage », la loi Climat et Résilience ajoute un nouvel impératif : la prise en compte de la dimension fonctionnelle et qualitative du sol.

De plus, la loi innove par rapport à la logique de la sobriété foncière via une obligation de restauration des fonctions environnementales et agronomiques des solsintroduite dans la définition de la notion de « renaturation ».

Cette démarche, qui doit conduire les planificateurs et maîtres d'ouvrages à rechercher les solutions les moins consommatrices d'espaces naturels et agricoles, le plus en amont possible, dans une démarche d'évitement puis, si elles ne peuvent être totalement évitées, à réduire les effets de ces consommations, voire à les compenser par des actions de renaturation et de désartificialisation selon le principe du « zéro artificialisation nette », doit tout naturellement se traduire au travers de l'évaluation environnementale des documents de planification, d'une part (Partie I), et des projets d'autre part (Partie II, prochain numéro).

I. Concevoir un aménagement de moindre impact dès l'évaluation environnementale des documents de planification, un enjeu majeur de sécurisation de ces documents et des projets à venir

1. La mise en œuvre effective du ZAN passe par la planification locale …

L'artificialisation des sols ne suit pas une tendance uniforme sur l'ensemble du territoire métropolitain. On note une forte artificialisation sur les zones côtières, dans le Nord, dans la région parisienne ou lyonnaise. À l'inverse, les reliefs et le Grand-Est apparaissent moins urbanisés (9) . Face à ce constat, le ZAN prévoit pour sa mise en œuvre une logique de différenciation et de territorialisation.

Ainsi, l'objectif ZAN s'articule entre les trois documents clés de la planification territoriale : le Sraddet, le Scot et le PLU/PLUi ou carte communale.

Le Sraddet doit, d'ici le 22 février 2024 (10) , fixer la trajectoire de réduction de l'artificialisation à l'échelle de la région sous la forme d'un objectif chiffré (11) , qui devra être pris en compte (12) par les Scot, et en leur absence (13) , par les PLU.

Le projet d'aménagement stratégique du Scot (PAS) doit, d'ici le 22 août 2026, fixer l'objectif de réduction du rythme de l'artificialisation des sols à l'échelle de son territoire, au travers de la déclinaison des objectifs régionaux du Sraddet. Cet objectif peut également être décliné (14) dans le Document d'orientations et d'objectifs (DOO) par des règles différenciées selon les secteurs géographiques, et qui prennent en compte les besoins en logement, la dynamique démographique du territoire, les besoins en matière de dynamisme, le particularisme des territoires peu denses ou ruraux, les efforts de réduction de consommation des Enaf déjà initiés par le territoire … Il peut également identifier des zones préférentielles pour la renaturation, par la transformation de sols (15) artificialisés en sols non artificialisés qui seront prioritaires pour la mise en œuvre (16) des mesures de compensation. Avec l'objectif ZAN promu par la loi Climat et Résilience, le Scot devient le garant de l'arbitrage entre les différents types d'occupation des sols.

Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU intègre dans l'objectif ZAN les objectifs chiffrés (17) de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, d'ici le 22 août 2027. L'ouverture à l'urbanisation d'Enaf ne sera possible que si elle est justifiée (18) au travers d'une étude de densification des zones déjà urbanisées, qui tiendra également compte de la possibilité de mobilisation des locaux vacants et des friches sur le territoire. Ces éléments sont ensuite retranscrits dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) qui fixent nécessairement un calendrier prévisionnel d'ouverture à l'urbanisation des zones à urbaniser et de réalisation des équipements correspondant à chacune d'elles. Ces OAP doivent également prévoir les actions et opérations nécessaires (19) afin de mettre en valeur les continuités écologiques et peuvent porter sur les secteurs à renaturer (20) . Enfin, afin de contribuer au maintien de la biodiversité et de la nature en ville, le règlement du PLU peut (ou doit, dans certaines communes (21) ) prévoir une part minimale de surface (22) non imperméabilisée ou éco-aménageable.

Pour la première décennie (2021 à 2031), chaque collectivité concernée par un document de planification est appelée à réduire sa consommation d'Enaf (23) par rapport à la consommation réelle de ces espaces observée au cours des dix années précédentes (24) , en poursuivant l'objectif national de réduire de 50 % l'artificialisation à l'échelle du territoire d'ici 2031. Cette déclinaison de l'objectif national dans les documents locaux est planifiée selon un calendrier strict de « mise en compatibilité » et de « prise en compte » (25) des documents d'urbanisme avec leur document supérieur. Une évaluation des résultats devra être faite (26) tous les 3 ans par l'Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou la commune. Le ZAN poursuit donc un objectif de résultats, et non un simple objectif de moyens.

On voit donc que l'objectif ZAN, au travers de son approche planifiée, territorialisée et différenciée promue par la loi Climat et Résilience, permet une prise en compte qualitative et quantitative de la limitation de l'extension urbaine dans les documents de planification locale. Cette planification en amont d'une urbanisation sobre en consommation de terres doit permettre, par la suite, de limiter les incidences des projets sur leur environnement. Cette dynamique n'est pas sans conséquences sur le dispositif réglementaire de l'évaluation environnementale.

2. … et doit se traduire au travers de l'évaluation environnementale des documents de planification (27)

Les documents de planification sont en principe soumis à évaluation environnementale (28) , de façon systématique lors de leur élaboration ou de leur révision (sauf en cas d'incidences mineures pour les PLU (29) ), ou bien après examen au cas par cas lors de leur modification ou de leur mise en compatibilité (sauf lorsqu'elle permet des projets susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ou emporte les mêmes effets qu'une révision).

Les seules hypothèses de dispense d'évaluation environnementale concernent, outre la rectification d'une erreur matérielle, les procédures de modification de PLU (30) ayant pour seul objet de réduire la surface d'une zone urbaine ou à urbaniser. Les collectivités compétentes peuvent ainsi aisément supprimer des zones à urbaniser qui n'auraient plus vocation à l'être, ou bien ajuster au mieux le périmètre des zones urbaines aux espaces déjà réellement artificialisés.

Il s'agit-là d'un allégement procédural notable car la procédure d'examen au cas par cas est relativement lourde à mettre en œuvre puisqu'elle implique de saisir l'autorité environnementale, qui dispose d'un délai de deux mois pour décider de soumettre ou non à évaluation environnementale la procédure d'évolution du document d'urbanisme (lorsqu'elle est engagée par une personne publique autre que celle qui est compétente et que le cas par cas est réalisé par l'autorité environnementale (31) ) ou pour émettre un avis conforme sur l'absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale (lorsque la procédure est engagée par la personne publique responsable et que l'examen au cas par cas est réalisé par ses soins (32) ).

Évidemment, la question de la consommation d'espaces non encore artificialisés est centrale pour déterminer si une évaluation environnementale est requise ou non.

Lorsque l'examen au cas par cas est réalisé par la personne publique responsable, le formulaire de demande d'avis conforme lui impose notamment, lorsque la procédure a pour effet une consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers, d'analyser si cette procédure respecte les objectifs chiffrés de modération de la consommation et de l'étalement urbain fixés par le PADD du PLU et le DOO du SCOT (en prenant en compte la consommation induite par la procédure en cours), de préciser la surface d'espaces consommés, de rappeler l'évolution de la consommation de l'espace par rapport aux tendances passées et, si la procédure correspond à une capacité de densification et de mutation des espaces bâtis identifiés dans le document d'urbanisme, d'identifier sa localisation (« dent creuse », « friche » ; etc.). Il convient également de préciser si les incidences d'une telle possibilité d'ouverture à l'urbanisation ont déjà été analysées dans l'évaluation environnementale initiale ou actualisée.

S'il apparaît, aux termes de cette analyse, que le projet de plan « risque de transformer de façon substantielle ou irréversible des facteurs d'environnement, tels que la faune et la flore, le sol ou l'eau, indépendamment de ses dimensions », alors il doit être considéré comme (33) susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et faire l'objet d'une évaluation environnementale.

Et lorsqu'une évaluation environnementale est requise, la personne publique responsable doit organiser une concertation préalable (34) , puis adresser le projet de document comportant l'évaluation environnementale ainsi que les avis émis à l'autorité environnementale (35) , afin que cette dernière formule, dans un délai de trois mois, un avis qui doit être joint au dossier d'enquête publique ou mis à la disposition du public (36) .

Cette évaluation environnementale doit (37) identifier, décrire et évaluer les effets notables que peut avoir la mise en œuvre du plan sur l'environnement ainsi que les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan ; présenter les mesures prévues pour éviter les incidences négatives notables que l'application du plan peut entraîner sur l'environnement, les mesures prévues pour réduire celles qui ne peuvent être évitées et les mesures prévues pour compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites ; exposer les autres solutions envisagées et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, le projet a été retenu ; définir les critères, indicateurs et modalités retenus pour suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier notamment, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées.

Pour les documents d'urbanisme, cette évaluation environnementale est intégrée à leur rapport de présentation (38) lorsqu'il existe. À défaut, un rapport environnemental, dont le contenu est fixé aux articles R. 104-18 à R. 104-20 du code de l'urbanisme, doit être annexé au document (39) .

Ainsi, la mise en œuvre du dispositif réglementaire de l'évaluation environnementale au sein de l'élaboration des documents de planification territoriale apparaît comme un outil efficace de traduction et de mise en œuvre de l'objectif de « zéro artificialisation nette » à l'échelle des territoires.

L'évaluation environnementale comprend une présentation résuméedes objectifs du document, de son contenu, ainsi que de son articulation avec les autres documents de planification territoriale. Cette articulation entre documents d'urbanisme est au cœur d'une application efficace du ZAN au sein des territoires. La loi Climat et Résilience a introduit cet objectif autour d'une logique de territorialisation et de différenciation, ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus. De fait, la coordination des documents d'urbanisme est un facteur clé pour la mise en œuvre d'une action publique territoriale efficiente autour d'une ambition de réduction de la consommation de fonciers. Il s'agit là d'une opportunité pour les documents d'urbanisme de converger autour d'une vision commune, dans une logique de cohérence territoriale autour de l'objectif de limitation de l'artificialisation des sols.

L'évaluation environnementale prévoit une analyse de l'état initialde l'environnement et de ses perspectives d'évolution, en s'intéressant en particulier aux zones qui pourraient être impactées au travers de l'application dudit document.

Cet état initial permet aux planificateurs d'appréhender de façon globale l'état des sols dans le périmètre dont ils ont la responsabilité. De fait, garantir un diagnostic territorial de qualité devient un impératif pour permettre la poursuite de la trajectoire imposée par la loi Climat et Résilience. L'annulation du PLUiH de la Métropole de Toulouse apparaît comme un cas d'école à cet égard (cf. encadré n°1).

Encadré n°1 – Confirmation de l'annulation du PLUiH de la Métropole de Toulouse par la cour administrative d'appel de Bordeaux

En 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le PLUiH de la Métropole de Toulouse(1) en considérant notamment que « l'analyse de la consommation des espaces naturels et agricoles et la justification des objectifs de modération de cette consommation présentaient des insuffisances substantielles au regard des exigences du code de l'urbanisme ». Cette décision a été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 février 2022(2).

Cette annulation illustre la vigilance particulière du juge administratif concernant la qualité du diagnostic de consommation d'Enaf et la justification des objectifs de limitation de cette dernière dans le PADD des PLU des communes, afin d'éviter qu'une surestimation de la consommation d'Enaf au cours de la décennie précédente conduise, en conséquence, à surévaluer les besoins fonciers futurs sur le périmètre du PLU. Outre la méthodologie de calcul de la consommation des Enaf, le juge administratif s'assure de sa cohérence avec les objectifs affichés de réduction et de modération de l'extension urbaine.

La cour administrative d'appel de Nantes a également rendu une décision similaire à propos du PLUi du territoire de Saint-Hilaire-du-Harcouët(3).

Depuis, l'article 194 III, 5° de la loi Climat et Résilience a précisé que « la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné », à l'exclusion de certains espaces occupés par des installations de production d'énergie photovoltaïque, et la circulaire du 20 janvier 2022(4) a précisé les exigences en matière de méthode de calcul.

Ces éléments soulignent avec acuité la nécessité de prévoir en amont, au sein des documents d'urbanisme, une analyse de l'état initial de l'environnement qui soit de qualité, afin que les mesures qui découlent de cette appréciation d'une dynamique passée puissent permettre une réelle application de l'objectif ZAN.

(1) TA Toulouse, 20 mai 2021, n° 1902329

(2) CAA Bordeaux, 15 févr. 2022, n° 21BX02287

(3) CAA Nantes, 22 juill. 2022, n° 21NT01107, Santoni L., Le contrôle contentieux de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) dans le PLU, Constr.-Urb. 2022, comm. 102

(4) MTE, FLASH DGLAN n° 01-2022, 20 janv. 2022
Un fois l'existant analysé, l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme amène les rédacteurs à s'interroger sur les préconisations futures à mettre en œuvre, en cohérence avec les objectifs affichés. Il s'agit alors de réfléchir aux incidences notables probables de la mise en œuvre du document sur l'environnement, en particulier sur la santé humaine, la population, la diversité biologique, la faune, la flore, les sols, les eaux, l'air, le bruit, le climat …

Le territoire concerné par le document d'urbanisme est donc appréhendé dans sa globalité, au-delà d'une vision simplement utilitariste de l'espace. Cette perspective rejoint celle préconisée par l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme qui enjoint les rédacteurs à envisager le sol dans sa dimension fonctionnelle, et plus uniquement foncière. La logique de préservation induite par l'objectif ZAN est donc couplée à celle de la promotion d'une ville « vivable » où « densité » rime avec « qualité ». Le dispositif de l'évaluation environnementale s'impose donc également comme un moyen de garantir l'acceptabilité sociale future des contraintes de construction et d'aménagement liées à la mise œuvre du ZAN.

Lorsque les dynamiques passées et les ambitions futures ont été correctement analysées, l'évaluation environnementale conduit les personnes publiques responsables à exposer les motifs qui les ont amenés à retenir le projet, au regard des objectifs de protection de l'environnement établis à l'échelle internationale, communautaire ou nationale (dont le ZAN fait évidemment parti).

L'évaluation environnementale doit analyser les « solutions de substitution raisonnables » envisagées par le planificateur, dans le cadre d'une analyse fine et comparative des différents sites disponibles pour la réalisation des projets, avec une préférence systématiquement accordée au tissu urbain existant.

Elle doit également présenterles mesures envisagées afin d'éviter, de réduire et, si possible, de compenser s'il y a lieu, les conséquences dommageables liées à la mise en œuvre du document sur l'environnement.

L'évitement tient une place centrale dans la lutte contre l'artificialisation des sols, comme le relève à juste titre l'Autorité environnementale dans sa note de doctrine (40) relative aux zones d'aménagement concerté : « la consommation d'espace, la destruction correspondante des sols et de la biodiversité et la prévention des risques sont les enjeux qui dépendent le plus d'une démarche d'évitement précoce et efficace ».

Ainsi, afin de limiter les incidences des projets en aval, il doit revenir aux documents de planification de programmer en amont une urbanisation qui soit suffisamment économe de l'espace, en fléchant le plus possible les aménagements vers des solutions de transformation et de densification du tissu urbain existant.

La réduction doit notamment conduire à limiter l'ouverture à l'urbanisation des espaces naturels, agricoles ou forestiers au strict nécessaire, après avoir vérifié (41) qu'il n'existait pas d'autre capacité résiduelle à aménager et à construire dans les espaces urbanisés.

La compensation est évidemment au cœur du dispositif ZAN qui prône la renaturation (42) , destinée à apporter une contrepartie au moins équivalente aux effets négatifs significatifs directs ou indirects des projets.

À cet égard, la loi Climat et Résilience a modifié l'article L. 163-1 du code de l'environnement pour préciser que les mesures de compensation doivent être mises en œuvre « en priorité » sur les zones de renaturation préférentielles identifiées par le Scot et par les OAP de secteurs à renaturer pouvant figurer au sein des PLU, lorsque les orientations de renaturation de ces zones ou secteurs et la nature de la compensation prévue pour le projet le permettent.

Le nouvel article R. 163-1 (43) du code de l'environnement rappelle que les mesures de compensation doivent être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé. En cas d'impossibilité, elles doivent être réalisées prioritairement dans les zones de renaturation préférentielles identifiées dans le Scot et le PLU, dès lors qu'elles sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones et que leurs conditions de mise en œuvre sont techniquement et économiquement acceptables. À défaut, le maître d'ouvrage met en œuvre les mesures de compensation conformément aux autres dispositions de l'article L. 163-1 du code de l'environnement.

Comme le relève un auteur (44) , « ce nouveau principe de priorisation rejoint directement les principes directement applicables à la compensation que sont l'équivalence écologique ; l'absence de perte nette ; l'additionnalité ; l'efficacité ; le principe hiérarchique ; la pérennité des mesures de compensation et le principe de proximité ».

La planification des opérations de renaturation dans les Scot et les PLU est de nature à améliorer significativement leur efficacité et leur cohérence, en permettant de coordonner les ambitions des collectivités compétentes et les obligations de compensation pesant sur les porteurs de projet.

Ainsi, la prise en compte de cette démarche ERC (Éviter-Réduire-Compenser) au sein de la conception des documents de planification par le dispositif de l'évaluation environnementale constitue un prérequis nécessaire à l'application effective d'une limitation de l'artificialisation des sols.

Face à ce constat, le juge administratif semble se lancer sur le chemin d'une analyse plus restrictive du respect de ces mesures dans l'élaboration des documents d'urbanisme.

Un arrêt récent de la cour administrative d'appel de Douai (45) ayant sanctionné un Scot pour avoir programmé une activité industrielle au sein d'une zone de protection spéciale (ZPS), sans démarche ERC suffisante en est l'illustration.

***

Encadré n°2 – Annulation du Scot du Pays de Valois par la cour administrative d'appel de Douai

Dans cette affaire, la cour administrative d'appel de Douai a prononcé l'annulation partielle du Scot du Pays de Valois. Selon la cour, le DOO du Scot permettait l'installation d'un projet d'éco-pôle comprenant la réouverture d'une carrière et l'implantation d'une activité de traitement et de stockage de déchets au sein de réserves de biodiversités identifiées zones Natura 2000. Les mesures envisagées par le Scot ont été jugées trop générales et insuffisantes au regard de l'atteinte portée à ces espaces naturels sensibles. En conséquence, la cour administrative d'appel de Douai a estimé que le rapport de présentation méconnaissait les articles L. 141-3, L. 151-4 et R. 141-2 du code de l'urbanisme alors applicables, en tant qu'il n'analyse pas les incidences prévisibles notables sur l'environnement de la mise en œuvre du Scot dans les espaces qu'il identifie comme des « réservoirs de biodiversité ».

Outre le risque d'annulation du document d'urbanisme, ce cas soulève un point essentiel : ne pas réaliser cette analyse au stade de la planification implique de devoir la reporter sur le projet et son étude d'impact, ce qui est beaucoup plus contraignant à ce stade dès lors que les options essentielles du projet, dont son implantation, sont alors cristallisées.

Enfin, l'évaluation environnementale impose d'intégrer la définition des critères, indicateurs et modalités retenus pour suivre les effets du document sur l'environnement, afin notamment d'identifier en amont les impacts négatifs imprévus, et d'y remédier. Cette exigence d'évaluation des dispositifs fait écho à l'obligation de résultats prônée par la trajectoire ZAN, qui se matérialise notamment au travers d'un dispositif de suivi sur le temps long, visant à pérenniser l'objectif(1). Ces éléments seront alors d'une grande utilité pour permettre aux collectivités de définir leur stratégie foncière future, en vue de la prochaine étape sur la trajectoire ZAN (2041-2050).

(1) L'application réelle de l'objectif ZAN passe par un suivi et une surveillance du rythme de consommation des espaces sur le territoire français. Ainsi, les PLU/PLUi devront intégrer un rapport de suivi de l'artificialisation des sols révisés tous les trois ans (CGCT, art. L. 2231-1), et le Gouvernement devra également évaluer l'efficacité de la politique de réduction de l'artificialisation des sols tous les cinq ans.

1. Comme le souligne Billet P., Protection des sols : un zéro artificialisation (pas très) net, Énergie – Env. – Infrastr. 2023, alerte 252. L. n° 83-8, 7 janv. 1983 : JO 23 juill., relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, dite « loi Defferre »

3. C. urb., ancien art. L. 121-1, abrogé par ord. n° 2015-1174, 23 sept. 2015 : JO 24 sept.

4. C. urb., art. L. 122-1-2 et L. 122-1-5 introduits par la loi Grenelle II5. C. urb., art. L. 151-46. « La consommation d'espaces naturels et agricoles par les espaces urbains, industriels et commerciaux est de plus en plus rapide. En France, c'est plus de 65 000 ha qui sont artificialisés chaque année, soit l'équivalent d'environ un département tous les 8 ans » (Plan Biodiversité, 4 juill. 2018, Comité interministériel biodiversité, p. 5)7. Ibid., art. 191: objectif de diviser par deux la consommation d'espaces entre 2021 et 2031 par rapport à celle entre 2011 et 2021, afin d'atteindre une absence de toute artificialisation nette des sols en 20508. C. urb., art. L. 101-2-19. Commissariat général au développement durable (CGDD), Trajectoires vers l'objectif de « zéro artificialisation nette » - Éléments de méthode, Théma 2019

10. L. n° 2022-217, 21 févr. 2022 : JO 22 févr., relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ; cette loi vient adapter le premier calendrier qui avait été établi dans la loi « Climat et Résilience ».
11. CGCT, art. R. 4251-712. Ce rapport de prise en compte est moins contraignant que le rapport de compatibilité.

13. C. urb., art. L. 131-2 et L. 131-614. C. urb., art. L. 141-315. C. urb., art. L. 141-10, 3°16. C. env., art. L. 163-117. C. urb., art. L. 151-518. C. urb., art. L. 151-519. C. urb., art. L. 156-6-220. C. urb., art. L. 151-7, 4°21. Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l'article 232 du code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation

22. C. urb., art. L. 151-2223. Pour cette première étape, c'est la « consommation d'Enaf » qui est regardée, dans l'attente de la production de données harmonisées sur l'ensemble du territoire par l'observatoire de l'artificialisation des sols (OCSGE).

24. L. n° 2021-1104, 22 août 2021, op. cit., art. 19425. Et non pas un rapport de conformité, ce qui traduit la volonté du législateur de permettre aux territoires de s'adapter à leurs besoins.26. CGCT, art. L. 2231-127. C. urb., art. L. 104-1 et R. 104-1 et suiv.28. Cette obligation est issue de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, qui a été transposée aux articles L. 104-1 à L. 104-8 et R. 104-1 à R. 104-39 du code de l'urbanisme pour les documents d'urbanisme et aux articles L. 122-4 à L. 122-11 et R. 122-17 à R. 122-23 du code de l'environnement pour les autres plans et programmes ayant une incidence notable sur l'environnement.29. C. urb., art. R. 104-11 : lorsque l'incidence de la révision porte, dans la limite de 5 hectares (ha), sur une ou plusieurs aires d'une superficie totale inférieure ou égale à un millième (1 ‰) pour les PLU, ou d'un dix-millième (0,1 ‰) pour les PLUi, la révision fait l'objet d'une demande d'examen au cas par cas.30. C. urb., art. R. 104-1231. C. urb., art. R. 104-28 à R. 107-37 (également appelé « examen au cas par cas de droit commun »)32. C. urb., art. R. 104-33 à R. 104-37 (également appelé « examen au cas par cas ad hoc »)

33. Ibid., ann. 5, notice explicative, p. 17 à 1934. C. urb., art. L. 103-235. C. urb., art. R. 104-2336. C. urb., art. R. 104-2537. C. env., art. L. 122-6 et R. 122-20 pour les plans et programmes autres que les documents d'urbanisme ; v. également C. urb., art. L. 104-4 pour les documents d'urbanisme38. C. urb., art. L. 104-4 ; v. également C. urb., art. R. 151-3 pour le PLU39. V. par ex. C. urb., art. R. 141-9 pour les Scot40. Ae, CGEDD, Note de l'Autorité environnementale relative aux zones d'aménagement concerté (ZAC) et aux autres projets d'aménagements urbains, n° AE : 2019-N-07, 5 févr. 202041. C. urb., art. L. 151-542. C. urb., art. L. 101-2-143. Issu du décret n° 2022-1673 du 27 décembre 2022 portant diverses dispositions relatives à l'évaluation environnementale des actions ou opérations d'aménagement et aux mesures de compensation des incidences des projets sur l'environnement44. Huglo C., Loi Climat et artificialisation des sols, Énergie – Env. – Infrastr. 2021, alerte 5645. CAA Douai, 12 oct. 2021, n° 20DA00617

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