Baisse des températures de chauffage, fermeture de lieux publics, extinction de l'éclairage nocturne… Les annonces se multiplient pour participer à l'effort de réduction des consommations énergétiques de 10 % cet hiver, mais aussi réduire les factures qui promettent d'être salées. À quelques jours de la présentation des mesures de sobriété issues des différents groupes de travail mis en place par le gouvernement, l'association Négawatt a identifié et chiffré 50 actions. Elles ciblent les bâtiments résidentiels, tertiaires et, dans une moindre mesure, les transports.
La mise en place de ces actions permettrait de réduire les consommations énergétiques françaises de 13 %, particulièrement de gaz (- 20 %) et d'électricité (- 17 %). « Toutes ces mesures s'appuient sur des retours de terrain et sur une mise en œuvre réaliste à l'horizon de deux ans. Leurs coûts sont nuls ou faibles, ou avec un temps de retour très rapide », précise Samuel Martin, membre de Négawatt. L'association rappelle, néanmoins, que les actions de gestion de crise de court terme doivent nécessairement s'articuler avec des actions structurantes à moyen terme. « Il ne faut pas que sobriété et rationnement soient associés, dans ce contexte de crise », souligne Charline Dufournet, chargée de plaidoyer de Négawatt.
Résidentiel : réduire le chauffage est le principal poste d'économie
Dans le résidentiel, les consommations énergétiques représentent 450 000 gigawattheures (GWh). Elles pourraient être réduites d'un tiers si les mesures identifiées sont appliquées à l'ensemble du gisement potentiel. L'essentiel des actions portent sur le chauffage et l'eau chaude. Mais l'adhésion de la population à ces mesures sera déterminante, prévient Négawatt.
Si 4 à 6 % d'entre eux choisissent d'abaisser la température de leur logement d'un degré encore en moins, en s'habillant plus chaudement notamment, une économie supplémentaire de 600 à 900 GWh est possible. De la même manière, baisser de 2 °C la température du logement la nuit réduirait de 3 % les consommations de chauffage du résidentiel. Idem en cas d'absence ou pour les pièces inoccupées (réduction de 5 à 7 % des consommations).
La pose de films isolants sur les fenêtres à simple vitrage sur le gisement mobilisable (20 % des logements) apporterait des gains d'énergie de 3 à 4 %. La réduction des infiltrations d'air par les portes et fenêtres grâce à la pose de joints autocollants ou en silicone réduirait les consommations du chauffage résidentiel de 6 %.
Des économies sont également possibles sur l'eau chaude sanitaire. La pose de limitateurs de débit sur les robinets et les douches représenterait une économie de 25 % d'eau chaude, des pratiques plus économes 13 % (lavage des mains, des dents, douches moins longues…). L'installation d'une jaquette isolante sur les ballons d'eau chaude électrique assurerait, quant à elle, des gains de 7 %.
L'association a aussi identifié d'autres petits gestes dans les logements, comme l'adoption de pratiques de cuisson plus sobres (moins de surgelés, arrêt du four avant la fin de la cuisson, couverture des poêles et casseroles…), l'arrêt des appareils en veille, ou allumés inutilement, ou encore l'extinction des box internet hors des périodes d'utilisation.
Tertiaire : une nécessaire exemplarité
Dans le tertiaire (245 000 GWh), le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire représentent également les principaux gisements d'économies d'énergie. S'y ajoutent la ventilation, la climatisation et l'éclairage. Dans ces bâtiments, les consommations pourraient être réduites d'un tiers grâce à la mise en place des mesures identifiées par Négawatt. De plus, estime l'association, l'exemplarité des collectivités et des entreprises est indispensable pour entraîner l'ensemble de la population vers des pratiques plus sobres.
Le respect de la consigne de 19 °C dans le tertiaire permettrait d'économiser 22 000 GWh. L'arrêt complet du chauffage lors des périodes d'inoccupation (nuits et week-ends) apporterait des gains supplémentaires de 6 100 GWh. Idem pour la ventilation (potentiel d'économies de 18 000 GWh). « La ventilation fonctionne généralement en permanence alors que, par exemple, une école n'est occupée que 20 % du temps. L'arrêter le reste du temps n'entraîne ni perte de confort, ni d'hygiène », explique Samuel Martin. La mise en place d'un référent sobriété par bâtiment et la généralisation de visites sur la maîtrise de l'énergie économiseraient de 5 000 et 6 000 GWh.
Couper les ballons d'eau chaude destinés au lavage des mains (450 GWh) ou poser des limitateurs de débit (1 800 GWh) font également partie des pistes identifiées. L'éclairage représente un poste d'économies moindre. Cependant, il a un fort pouvoir symbolique auprès de la population, souligne Négawatt. Ne pas mettre en place certaines mesures pourrait brouiller les messages sur la sobriété auprès des Français.
Il s'agit d'améliorer l'éclairage des zones de circulation des bâtiments (hall, couloirs…) avec des détecteurs de présence ou, tout simplement, de remplacer les luminaires énergivores (900 GWh) et généraliser les détecteurs de présence ou les minuteries dans les parkings (200 GWh). Réduire la puissance lumineuse dans les commerces permettrait des gains de 900 GWh, quand l'extinction nocturne de l'éclairage extérieur des bâtiments assurerait d'économiser 150 GWh. L'arrêt nocturne de l'éclairage public pourrait, quant à lui, faire économiser 2 500 GWh, l'extinction des panneaux publicitaires 100 GWh.
Transports : réduction de la vitesse et des déplacements
Dans les transports, Négawatt a chiffré l'impact de trois mesures. La réduction de la vitesse maximale autorisée sur autoroutes et voies rapides permettrait d'économiser 13 500 GWh. Le développement du covoiturage, notamment sur les courtes distances, représente un gisement d'économies de 2 000 GWh. Enfin, pour les entreprises multisites, la réaffectation des salariés sur le plus proche de leur domicile (1,5 million de personnes concernées) permettrait d'économiser 700 GWh à court terme.