« L'industrie solaire est de retour en Europe », a clamé Diego Pavia, le P-DG de l'Institut européen d'innovation et de technologie de l'Union européenne (EIT InnoEnergy), ce vendredi 9 décembre. Ce propos a conclu la conférence de lancement de la nouvelle Alliance européenne pour l'industrie solaire photovoltaïque (Esia) tenue, à Bruxelles, dans le cadre de la Stratégie européenne pour l'énergie solaire, inscrite dans le plan RePowerEU.
L'équivalent de 30 gigawatts de capacité de production
À titre de comparaison, seules quelques usines de production de panneaux solaires existent en Europe. En 2021, Meyer Burger a ouvert, en Allemagne, une unité de production de cellules photovoltaïques (avec une capacité annuelle de 400 mégawatts, MW), à Thalheim, et une fabrique de modules « high-tech » (d'une capacité annuelle de 400 MW et bientôt de 1 GW), à Freiberg. En 2022, l'Union européenne a alloué 600 millions d'euros (dont 118 millions via le Fonds Innovation) à l'entreprise italienne Enel Green Power pour agrandir son usine de fabrication de panneaux solaires à Catane, en Sicile, d'une capacité de 200 MW à 3 GW par an dès 2024. Dans le même temps, la start-up française Carbon envisage de monter la première méga-usine française de modules photovoltaïques (d'une capacité prévue à 5 GW) d'ici à 2025.
Rivaliser avec la Chine et les États-Unis
Quelles capacités solaires en Europe ?
L'un des principaux objectifs du plan RePowerEU vise à porter à 45 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2030. Cela représente l'installation d'une capacité, toutes énergies renouvelables confondues, de 1,23 térawatt (TW), soit un doublement en moins de dix ans. Pour la filière photovoltaïque, et donc pour l'Esia, le but est d'atteindre une puissance installée de 320 GW en 2025, puis 600 GW d'ici à 2030, pour environ 200 GW à la fin de l'année 2022 (dont 15,8 GW en France). Il est à noter que cette année, l'Europe a raccordé 39 GW supplémentaires, battant le record des 27 GW installés en un an en 2021. Sur le plan mondial, un peu plus de 1 TW d'énergie solaire photovoltaïque est en activité, parmi 3 TW toutes énergies renouvelables confondues.
D'après les acteurs privés, répondre rapidement à cette demande est indispensable si l'Europe, en pleine construction de son propre écosystème industriel, ne veut pas perdre du terrain face aux États-Unis. En effet, la loi anti-inflation (ou « Inflation Reduction Act ») récemment signée par le président Joe Biden comprend de fortes incitations fiscales pour favoriser le développement de sa propre force de frappe solaire : notamment une déduction de 30 % sur des investissements dans le domaine pour les dix prochaines années. Pour rappel, le pays de l'Oncle Sam vise l'installation de 30 nouveaux gigawatts par an d'ici à 2025, sur la base de 121 GW à l'heure actuelle.
L'amélioration du cadre réglementaire, notamment sur le plan économique et commercial, semble également inévitable. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a annoncé la publication dans cette optique de « nouveaux critères économiques pour favoriser la filière européenne du photovoltaïque » avant juin 2023. Parmi les points déjà proposés par les industriels : restreindre l'importation de panneaux solaires selon des critères de durabilité et de respect des droits humains. Une manière pour les entreprises européennes de combattre l'hégémonie chinoise : à l'heure actuelle, plus de 80 % du marché et de la chaîne de valeur sont détenus par la Chine.