Baptisé Solar Impulse, ce projet est le descendant d'une lignée d'avion solaire entamée dès les années 70 à l'époque où les premiers avions miniatures équipés de cellules photovoltaïques voient le jour. Suivront peu après les premiers vols humains avec l'équipe de Paul MacCready et son Solar Challenge et les premiers records de durée et de distance avec le Solair1 et Icare 2 en Europe et le Sunseeler et Helios aux Etats-Unis.
Aujourd'hui le Solar Impulse veut aller plus loin en faisant voler cet avion de jour comme de nuit. L'énergie captée pendant la journée servira non seulement à propulser l'avion, mais également à recharger des batteries pour assurer le vol de nuit. Le pilote aura donc la nécessité absolue de se retrouver chaque soir avec des batteries pleines et d'économiser au maximum l'énergie à disposition pour tenir en l'air jusqu'au lever de soleil suivant. C'est donc dans la gestion de l'énergie que réside toute la difficulté du projet.
L'idée de s'approcher du vol perpétuel à bord d'un appareil mû par la seule énergie solaire nécessite l'utilisation de technologies qui ne sont pas habituellement embarquées dans les avions, en particulier celles liées à la collecte de l'énergie par des cellules photovoltaïques puis à son stockage dans des batteries et enfin, à son utilisation pour alimenter les moteurs de l'avion. Le Solar Impulse est donc un concept qui va repousser les limites des connaissances en matière de matériaux, de gestion énergétique et d'interface l'homme/machine. Des capteurs solaires aux hélices, il s'agit d'optimiser les différents maillons de la chaîne de propulsion, d'intégrer un environnement hostile aux matériaux comme au pilote et de respecter les contraintes de poids et de résistance.
Depuis 2003 et l'étude de faisabilité, le concept a bien avancé. La structure de l'appareil a été définie : l'envergure de l'avion sera d'environ 80 mètres, soit légèrement plus grande que celle de l'Airbus A 380. Une «peau» composée de cellules solaires ultra-minces sera intégrée dans les ailes. Ces cellules seront flexibles pour en suivre les déformations et vibrations et devront être encapsulées, c'est à dire recouvertes d'un film plastique protecteur pour garantir une efficacité maximale dans toutes les conditions ainsi qu'une résistance optimale aux agressions extérieures. L'énergie électrique produite sera accumulée pendant la journée dans des batteries au lithium disposées dans les ailes. La puissance moyenne sur 24 heures mise à disposition des moteurs par le soleil sera pratiquement égale à 12 CV.
Mais en raison du poids encore excessif des batteries, l'habitacle sera réduit et ne pourra accueillir qu'un pilote, qui devra pouvoir opérer jusqu'à 12.000 mètres d'altitude dans des conditions hostiles de pression et de température. Le cockpit sera donc équipé de différents systèmes : pressurisation, diffuseur d'oxygène, élimination du CO2 et de l'humidité générée par le corps humain. Ces dispositifs devront eux aussi être extrêmement modestes en termes de poids et de consommation énergétique afin de ne pas pénaliser les besoins de la propulsion.
Du fait de sa grande taille et de sa faible vitesse de croisière, le Solar Impulse sera un appareil particulièrement délicat à manoeuvrer. C'est pourquoi un dispositif inédit est en cours d'élaboration pour fournir au pilote des paramètres beaucoup plus détaillés que ceux aujourd'hui disponibles sur les avions classiques. Ces informations pourraient être perçues par le biais d'autres sens que la vue et l'ouïe.
Aujourd'hui, l'heure est à la réalisation d'un prototype, étape qui devrait durer deux ans avec en ligne de mire un premier vol en 2009. Mais la complexité du projet Solar Impulse nécessite la mise au point d'un simulateur capable d'imaginer de façon réaliste le comportement et l'itinéraire du futur avion. Comme l'appareil est fortement tributaire de la météorologie, la simulation reste le moyen privilégié d'explorer les alternatives techniques et les performances envisagées. Les premiers essais ont eu lieu cette semaine et les résultats sont encourageants. Les pilotes ont réussi a effectué un vol virtuel de 6.120 kilomètres non-stop malgré des conditions météorologiques difficiles et des imprévus. Nous savions que la simulation virtuelle était très importante. L'expérience de cette semaine a dépassé nos espérances et a accentué la nécessité de renforcer notre capacité de prévoir de nouvelles situations, a déclaré André Borschberg, coordinateur du projet et pilote de l'avion.
Toute l'équipe est donc aujourd'hui convaincue de la faisabilité du projet. Reste désormais à transformer le rêve en réalité. La construction de l'avion final est prévue pour 2010 avec un premier vol en 2011.